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Le Conseil de l’Europe épingle la France sur la rémunération indécente des travailleurs détenus

Invité à se prononcer sur le respect par la France de ses engagements en lien avec la Charte sociale européenne, le Comité européen des droits sociaux conclut à la non-conformité de la situation française avec le droit à une rémunération décente pour les personnes détenues. Il somme également les autorités de rendre des comptes sur la manière dont elles entendent garantir une durée raisonnable du travail en détention.

Le Comité européen des droits sociaux vient de rendre les conclusions de son examen relatif au respect des droits liés au travail par la France. Cette institution du Conseil de l’Europe est chargée de la mise en œuvre par les États membres de la Charte sociale européenne qui garantit notamment le droit des travailleurs à des conditions de travail équitables, à une rémunération équitable et aux droits collectifs.

La France avait argué que la Charte sociale européenne ne devrait pas s’appliquer à la situation du travail en prison en raison des « contraintes inhérentes à la détention et notamment […] celles tenant au bon ordre et à la sécurité ».  Le Comité ne l’entend pas de cette oreille et rappelle que les travailleurs détenus sont couverts par la Charte.

Surtout, il conclut à la non-conformité de la situation française avec le droit à une rémunération décente. Il se fonde pour cela sur les informations portées à son attention par l’Observatoire international des prison (OIP) et révélant que les minima légaux, déjà extrêmement faibles, ne sont pas respectés. La pratique illégale de la rémunération à la pièce persiste en dépit de son interdiction par la loi française depuis 2009[1]. En témoignent les condamnations de l’État par les tribunaux nationaux, les rapports de visite des prisons par le Contrôle général des lieux de privation de liberté ou encore les rapports annuels de la Direction des affaires juridiques du ministère de la Justice. Cette pratique, qui consiste à comptabiliser les heures de travail sur la base du nombre de pièces produites, conduit à un « nombre d’heures payées […] bien inférieur au temps effectivement travaillé », explique l’OIP. Le Comité européen rappelle à l’État français sa responsabilité dans le contrôle du respect du salaire horaire légal minimum établi pour les prisons. Il a par ailleurs sommé les autorités de rendre des comptes sur les mesures qui garantiraient une durée raisonnable du travail.

Le Comité européen des droits sociaux n’est pas souvent invité à se positionner sur le respect des droits garantis par la Charte entre les murs pénitentiaires. Mais il est heureux de constater qu’il n’hésite pas à rappeler que les personnes détenues sont, aussi, des sujets de droit. Alors que le garde des Sceaux est engagé dans une campagne de promotion du travail en détention, rappelons que les quelques 20 000 travailleurs incarcérés en France restent privés de droits collectifs, sous payés, soumis aux aléas des donneurs d’ordre et privés de certaines des garanties offertes aux travailleurs libres en matière de protection sociale[2].

Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps · 07 60 49 19 96 · sophie.larouzeedeschamps@oip.org


[1] Travail en prison : contribution de l’OIP au Comité européen des droits sociaux
[2] Travail en prison : droits au rabais pour une flexibilité maximale