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Un détenu empêché de produire les certificats médicaux attestant des violences qu’il dit avoir subies de la part de surveillants

Karim A. allègue avoir subi des violences de la part de surveillants au lendemain des attentats de Paris alors qu’il était détenu au centre pénitentiaire de Longuenesse (62). Six mois après les faits, il n’a toujours pas accès aux pièces médicales qui en attestent, le privant de la possibilité de faire valoir ses droits devant la justice.

Le 15 novembre 2015, lors d’un placement au quartier disciplinaire, Karim A. aurait été traité de « sale fils de pute de terroriste ». Son crâne aurait été cogné contre les murs et il aurait reçu de violents coups de pieds au visage. Il a été hospitalisé le jour-même aux urgences du centre hospitalier de Saint-Omer. Une semaine plus tard, sa mère constate au parloir, outre de multiples ecchymoses, « une plaie profonde » sur le haut du crâne et « un œil entièrement rouge foncé », « dont on ne percevait plus aucune trace de blanc » au point qu’ « [elle] a cru qu’il était crevé ».

Karim A. a porté plainte auprès du procureur de la République. Mais, à ce jour, il est toujours dans l’impossibilité de produire un certificat médical et les éléments de son dossier médical attestant des coups reçus et de l’évolution de ses blessures et susceptibles d’étayer sa plainte.

Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir demandé comme l’y autorise l’article L. 1111-7 du code de santé publique qui prévoit que « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé » et que cet accès doit avoir lieu « au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu’un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé ».

En décembre 2015, Karim A. demande donc la transmission de son dossier médical mais ne reçoit en réponse qu’un « rapport de sortie » des urgences de l’hôpital. Le 8 janvier, il est transféré au centre de détention de Val-de-Reuil. Après de multiples relances de l’OIP, le centre hospitalier de Saint-Omer finit, le 27 janvier, par envoyer l’ensemble des pièces demandées à l’unité sanitaire de cet établissement, accompagnées d’un courrier demandant explicitement de « bien vouloir remettre le dossier ci-joint à M. A. » Mais l’unité sanitaire refuse de le lui communiquer, exigeant qu’une nouvelle demande écrite soit envoyée au directeur du centre hospitalier d’Elbeuf auquel elle est rattachée. Après un courrier de M. A. dans ce sens – jamais reçu par l’hôpital – et plusieurs relances de l’OIP, il s’avère qu’il faut en fait formuler cette demande en utilisant un formulaire spécifique « disponible en ligne » (et donc indisponible en détention). Envoyée le 8 mars 2016, cette nouvelle demande arrivera finalement à destination.

Mais un nouveau problème se pose alors : le centre hospitalier refuse de communiquer les pièces demandées dans la mesure où « elles proviennent d’un autre centre hospitalier » sans se référer à un quelconque texte. Devant l’insistance de l’OIP, il accepte de faire suivre « à titre exceptionnel » le certificat médical constatant les blessures de Karim A. et lui envoie, le 31 mars, un devis de près de 5 € pour lui faire parvenir ce certificat (alors que l’hôpital de Saint-Omer l’avait dispensé de tout frais de copie pour l’ensemble de son dossier)… devis qui ne sera jamais reçu par l’intéressé, l’hôpital ayant mal orthographié son nom de famille.

Le 19 avril 2016, l’OIP a saisi les directeurs des deux hôpitaux, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits afin qu’une solution simple et rapide soit apportée à cette situation kafkaïenne. A ce jour, Karim A ne dispose toujours pas de son dossier médical. Relancé à plusieurs reprises par téléphone depuis le 9 mai, le centre hospitalier d’Elbeuf vient d’annoncer le 12 mai que l’ensemble des documents médicaux demandés lui seraient communiqués la semaine prochaine.

L’OIP restera vigilant quant à la transmission effective de ces documents qui intervient plus de six mois après les faits.

NB : Le prénom a été modifié.