Madame S. fait régulièrement 600 kilomètres de route avec ses quatre enfants pour rendre visite à leur père, incarcéré au centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe. À trois reprises, ces derniers mois, les surveillants ont laissé les jeunes enfants enfermés au parloir alors qu’ils avaient besoin d’aller aux toilettes. Des humiliations répétées qui les poussent désormais à espacer leurs visites.
« Le 11 avril, je suis allée rendre visite à mon conjoint avec mes quatre enfants, âgés de deux ans et demi à treize ans. Dans le box, la plus petite a voulu aller aux toilettes. Nous avons sonné à l’interphone, mais personne ne nous a répondu. Vingt minutes plus tard, nous avons sonné de nouveau. Ma fille est propre, mais à cet âge-là, un enfant ne peut pas se retenir éternellement. Quand un surveillant pénitentiaire a fini par nous répondre, c’était juste pour dire : « Elle attendra. » Finalement, ils ne sont intervenus que 45 minutes plus tard, soit plus d’une heure après notre premier appel. Entre temps, elle avait dû faire ses besoins dans le bac à jouets. Vous vous rendez compte de l’humiliation ? Et je ne vous parle pas de l’hygiène : mon mari a nettoyé la caisse et les agents lui ont simplement ordonné de la remettre en place, sans plus. Tant pis si les jouets étaient infectés !
L’histoire s’est malheureusement répétée. Le 1er septembre, nous avons de nouveau été rendre visite à mon conjoint. C’était pendant la canicule, il n’y avait pas de clim et les boxes sont tout petits, alors les enfants buvaient beaucoup. Quand ils ont eu envie d’uriner, nous avons dû appeler une vingtaine de fois, sonner, sonner, mais personne n’a répondu. Mon conjoint a même frappé fort sur la porte en les appelant : rien. Mon plus jeune fils a fini par uriner dans une bouteille, et mes deux filles dans la poubelle. À la fin du parloir, les surveillants nous ont dit : « Mais il fallait nous appeler. » J’ai bouilli intérieurement. On n’avait fait que ça, de les appeler !
Nous sommes revenus le lendemain. Cette fois j’ai voulu rentrer avec des coloriages pour que mes enfants aient de quoi s’occuper, mais ça m’a été refusé. Je comprends, mais dans ce cas il faut remplacer les jouets fournis, qui sont tous cassés et inutilisables : rester quatre heures sans rien faire dans un local aussi exigu, pour de jeunes enfants, ce n’est pas évident. Ensuite, rebelote, il faisait très chaud, ma plus jeune fille buvait beaucoup et elle a eu envie d’uriner. Vous devinez la suite : les surveillants n’ont répondu à aucun de nos appels. Cette fois-ci, comme il n’y avait pas de sac dans la poubelle, ma fille a fait dans son pantalon, elle est sortie du parloir le jean trempé… Je l’ai fait constater par la personne de l’accueil, mais je n’ai pas eu la force d’ajouter quoi que ce soit.
Ce n’est pas normal que personne ne réponde à l’interphone. Je suis enceinte de sept mois, c’est une grossesse à risques : et si j’avais perdu les eaux ? Mes quatre enfants sont très proches de leur père, mais ils ne veulent plus aller le voir. Avant, on allait en parloir toutes les semaines, mais depuis le mois d’avril, les enfants ne viennent plus qu’une fois tous les trois mois. J’en ai vu des prisons, mais celle-là… Je suis à bout de nerfs. Des enfants n’ont pas à subir ça. »
Sollicitée par l’Observatoire international des prisons, la direction de l’établissement n’a pas donné suite.
Propos recueillis par Maëlys Laval