Affectation en établissement pénitentiaire et transferts

Les personnes placées en détention provisoire ou récemment condamnées à une courte peine sont toutes placées en maison d’arrêt. Une fois condamnées, elles sont toutes censées purger leur peine dans un établissement pour peine (centre de détention et maison centrale), sauf exception pour les peines de moins de deux ans. Mais en réalité, l’exception est quasiment devenue la règle. Nombre de personnes condamnées à une peine de plus de deux ans exécutent l’ensemble de leur peine en maison d’arrêt. D’autres font l’objet d’une longue « procédure d’orientation ». Au total, la décision d’« affectation », qui est censée laisser une large place aux besoins individuels en termes de liens familiaux ou de démarches d’insertion, s’avère le plus souvent guidée principalement par des motifs de « gestion des effectifs » et d’ordre interne dans les établissements.
Pendant leur détention, les personnes incarcérées peuvent être transférées, sur décision judiciaire ou administrative. Cela peut conduire à une amélioration de sa situation en termes de conditions de détention, liens avec ses proches, etc., ou l’éloigner de sa famille, causer la rupture de démarches et liens sociaux qu’elle avait pu créer dans l’établissement précédent. Mais la jurisprudence considère fermement que les personnes détenues ne disposent pas du « droit de choisir leur lieu de détention ».

En principe, les personnes placées en détention provisoire doivent être incarcérées à la maison d’arrêt où siège la juridiction d’instruction ou de jugement chargée de leur affaire (articles 714 et D. 53 du code de procédure pénale).

Dans le cas où il n’y a pas de maison d’arrêt dans cette ville, ou si l’établissement du ressort n’offre pas des « conditions d’accueil satisfaisantes en raison notamment de son taux d’occupation, ou des garanties de sécurité suffisantes », les personnes prévenues sont en principe incarcérées à la maison d’arrêt la plus proche disposant d’« installations convenables ». Il en va de même lorsque la maison d’arrêt ne comporte pas de locaux « appropriés à l’âge ou à l’état de santé des intéressés » ou, pour les femmes, si l’établissement ne comprend pas de quartier aménagé pour elles. Les mineurs prévenus peuvent être incarcérés dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs (EPM) qui n’est pas situé dans le ressort de la juridiction en charge de leur affaire. L’équipe pluridisciplinaire qui suit le mineur en prison peut proposer au magistrat saisi du dossier de l’information un transfert vers toute autre prison que son lieu d’incarcération initial, dans l’« intérêt du prévenu mineur ».

Selon le principe posé par la loi, « les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peine » (article 717 du code de procédure pénale).

Cependant, la loi prévoit deux exceptions :
– L’une, pour les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans : « à titre exceptionnel », « lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur per­sonnalité le justifient », ils peuvent « être maintenus en maison d’arrêt ».
– L’autre exception concerne les personnes condamnées auxquelles il reste à subir une peine d’une durée inférieure à un an : elles peuvent être maintenues ou affectées en maison d’arrêt « à titre exceptionnel », sans condition relative à leur personnalité.

Dans la pratique, ces exceptions constituent en réalité le principe : les per­sonnes condamnées à des peines de deux ans et moins sont généralement maintenues en maison d’arrêt.

Quant aux autres, elles doivent souvent attendre de longs mois avant d’obtenir leur affectation en centre de détention ou en maison centrale, les plus longues peines étant considérées comme prio­ritaires. Depuis la loi pénitentiaire de 2009, tout personne détenue à laquelle il reste à subir une peine d’une durée supérieure à deux ans peut, « à sa demande, obtenir son transfèrement dans un établissement pour peine dans un délai de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive », sauf si elle bénéficie d’un aménagement de peine ou si elle est susceptible d’« en béné­ficier rapidement ». Il est donc conseillé d’effectuer cette demande par courrier auprès de la direction de l’établissement au plus vite après que la condamnation est devenue effective.

Toutefois, cette disposition est inégalement appliquée, et la possibilité de saisir le juge en cas de refus est soumise à de strictes conditions. En cas de maintien en maison d’arrêt, les personnes condamnées doivent être incarcérées « dans un quartier distinct » de celles prévenues, principe qui n’est néanmoins pas systématiquement respecté.

Les personnes détenues qui sont prévenues pour une affaire et condamnées pour une autre « peuvent être détenu[e]s dans des établissements pour peine », « sauf décision contraire » du magistrat saisi du dossier de la procédure dans laquelle la personne est prévenue (article D. 52 du code de procédure pénale).

Concrètement, lors de la procédure d’orientation, l’administration pénitentiaire sollicite l’avis du magistrat. Il est donc conseillé à l’intéressé de lui adresser un courrier (lui-même ou son avocat) pour lui demander de ne pas s’opposer à l’affectation, en motivant la demande.

En général, l’administration pénitentiaire ne procède néanmoins à l’affectation de personnes prévenues en établissement pour peine que si l’ins­truction est terminée et qu’il leur reste au moins trois ans de peine à effectuer dans l’affaire pour laquelle elles sont déjà condamnées.

Dans tous les cas, les personnes condamnées également prévenues « doivent être soumis[es] au même régime que les condamnés », « sauf à bénéficier des avantages et facilités accordés aux prévenus pour les besoins de leur défense ».

La procédure d’orientation est le préalable à la première décision d’affectation prise à l’égard d’une personne dont la condamnation est devenue définitive.
Elle consiste à réunir tous les éléments relatifs « à la personnalité du condamné, son sexe, son âge, ses antécédents, sa catégorie pénale, son état de santé physique et mentale, ses aptitudes, ses possibilités de réinsertion sociale et, d’une manière générale, tous renseignements susceptibles d’éclairer l’autorité compétente pour décider de l’affectation la plus adéquate » (Articles D.74 à D.79 du code de procédure pénale).
C’est le chef d’établissement du lieu d’incarcération de l’intéressé qui est chargé de constituer le dossier d’orientation, qu’il transmet ensuite au directeur interrégional « dans les meilleurs délais». En revanche, il n’est prévu aucun délai dans lequel la décision d’orientation doit être prise.

La procédure d’orientation est obligatoire pour :
– les personnes condamnées dont le temps d’incarcération effectif restant à subir après le jugement définitif est supérieur à deux ans.
– les mineurs condamnés dont le temps d’incarcération à subir est de plus de trois mois.

Dans les autres cas, le chef d’établissement peut décider, d’office ou sur proposition du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), de constituer un dossier d’orientation en raison par exemple de la personnalité de l’intéressé, du maintien de ses liens familiaux ou d’un « projet de réinsertion particulier ».

Le dossier d’orientation doit faire état d’un certain nombre d’avis et propositions obligatoires, détaillés dans la circulaire du 21 février 2012.

Un centre national d’évaluation (CNE) est une entité spécifique de l’administration pénitentiaire, qui permet d’évaluer de façon pluridisciplinaire des personnes condamnées à de longues peines pendant des sessions de six semaines (qui peuvent exceptionnellement être diminuées ou allongées). Ces évaluations peuvent être effectuées pour les personnes récemment condamnées, afin de « proposer une affectation en établissement pour peines adaptée à [leur] personnalité » (on parle d’« évaluation de la personnalité »), ou pour les personnes en fin de peine, afin de « déterminer l’existence ou la persistance d’une dangerosité éventuelle […] dans le cadre de l’examen d’une demande d’aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté » (on parle d’« évaluation de la dangerosité »).

Les locaux des CNE se situent au sein de centres pénitentiaires mais ils disposent d’une organisation et d’une direction distinctes. Le personnel des CNE se compose d’une « équipe pluridisciplinaire » composée de surveillants, CPIP et psychologues. Au CNE, la personne détenue est soumise à des entretiens socio-éducatifs, des tests psychotechniques et des examens psychologiques, sur la base desquels un bilan de la situation et de la personnalité est dressé. Les surveillants du CNE sont associés au travail d’observation des personnes détenues.

Pendant son séjour au CNE, la personne doit se conformer à la réglementation en vigueur au sein de l’établissement et est soumis à un régime de détention de droit commun (parloirs, cantines, quartiers d’isolement et disciplinaire, etc.). Il existe en France quatre CNE situés dans les centres pénitentiaires de Fresnes, Réau (Sud-Francilien), Lille-Sequedin et Aix-Luynes.

(Articles 723-31-1, D. 81-2 et D. 527-1 du code de procédure pénale, note du 17 juillet 2015 relative au Centre national d’évaluation des personnes détenues, circulaire du 21 février 2012)

Le placement au CNE est obligatoire, « pour une durée d’au moins six semaines », pour les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à 15 ans pour des crimes faisant encourir la rétention de sûreté. Cette évaluation doit avoir lieu « dans l’année qui suit » leur condamnation définitive.

Le directeur de l’administration pénitentiaire peut également décider du passage au CNE de toute personne condamnée « dont le contenu du dossier d’orientation ne permet pas une décision éclairée », de celles « condamné[e]s à une ou plusieurs peines dont la durée totale est supérieure ou égale à dix ans et dont le reliquat de peine restant à subir au moment où la dernière condamnation est devenue définitive est supérieure à cinq ans » et de celles « condamné[e]s pour des faits d’actes de terrorisme » ou « ayant fait l’objet d’une inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés ». L’évaluation doit alors permettre à l’administration centrale de « décider du lieu d’affectation qui paraît le mieux approprié à la personnalité du condamné ».

De façon plus exceptionnelle, le passage en CNE aux fins d’une évaluation de la personnalité peut aussi être décidé en cours d’exécution de peine, « dans le cadre d’une demande de changement d’affectation émanant de la personne détenue ou du chef d’établissement » ainsi que « dans la perspective notamment d’une libération conditionnelle ou d’une meilleure individualisation du régime de détention ou d’exécution de peine du condamné ». Au terme de la période d’évaluation, la personne restera incarcérée dans le centre pénitentiaire dans lequel est situé le CNE (en détention ordinaire), en attendant la décision d’affectation du ministre de la Justice et le transfert effectif dans l’établissement pénitentiaire choisi. Cette attente peut toutefois s’avérer longue en pratique, compte tenu du manque de places disponibles dans les établissements pour peine.

Le CNE peut aussi accueillir les personnes en vue de préparer leur sortie de prison. Une « évaluation de la dangerosité » est tout d’abord obligatoire avant tout octroi d’une libération conditionnelle aux personnes condamnées à perpétuité, à une peine d’une durée égale ou supérieure à 15 ans pour des crimes faisant encourir le suivi socio-judiciaire, ou à une peine d’une durée égale ou supérieure à dix ans pour une infraction faisant encourir la rétention de sûreté. Un placement au CNE « d’au moins six semaines » est également obligatoire s’agissant des personnes pour lesquelles la cour d’assises a prévu la possibilité d’un placement en rétention de sûreté à la sortie de prison, et ce « au moins un an avant la date prévue pour leur libération » (articles 706-53-13 et 706-53-14). En outre, les personnes condamnées susceptibles d’être placées sous surveillance judiciaire peuvent faire l’objet d’une évaluation similaire, sur demande du juge de l’application des peines (JAP) ou du procureur de la République, après un passage au CNE d’une durée « comprise entre deux et six semaines ». Dans le cas d’un transfert au CNE pour une session d’évaluation de la dangerosité préalable à la sortie de prison, la personne doit « dans la mesure du possible » réintégrer son établissement d’origine « dès que la session est terminée ».

Le passage au centre national d’évaluation (CNE) doit aboutir à la rédaction d’une « synthèse pluridisciplinaire d’évaluation ». Celles-ci « sont nourries des échanges des différents membres de l’équipe pluridisciplinaire », en respectant la « trame déterminée » par la direction de l’administration pénitentiaire.

Lorsque le passage au CNE est effectué en vue de l’affectation de la personne condamnée, la « synthèse pluridisciplinaire d’évaluation de la personnalité » doit être transmise « dans les trois semaines maximum » après la fin de la session à l’administration centrale, avant d’être versée au dossier pénal de l’intéressé.

Cette synthèse constitue par ailleurs un document administratif communicable. Certaines mentions peuvent néanmoins être « occultées ou disjointes » pour des motifs de sécurité. Dans tous les cas, le refus de communication d’une synthèse doit être motivé et peut faire l’objet d’un recours administratif et/ou contentieux.

Lorsque le passage au CNE a lieu à l’occasion d’une demande de libération anticipée, la « synthèse pluridisciplinaire d’évaluation de la dangerosité » doit également être communiquée sous trois semaines à « l’autorité judiciaire ayant ordonné le placement ». Considérée comme un « document préparatoire à une décision judiciaire », elle est transmise à l’autorité de saisine (juge de l’application des peines ou procureur de la République) mais ne peut toutefois être communiquée à la personne condamnée.

(Circulaire du 21 février 2012 et note du 17 juillet 2015 relative au centre national d’évaluation des personnes détenues ).

La décision d’affectation doit en principe répondre à un certain nombre de critères (article 717-1 du code de procédure pénale). Dans sa réglementation interne, l’administration en privilégie quatre.

– La « dangerosité » est un critère « particulièrement déterminant ». Par exemple, pour les « détenus particulièrement signalés » (DPS), « une orientation vers une centrale doit être privilégiée » et il peut en aller de même pour les « très longues peines ». Dans tous les cas, le choix doit également être fait « au regard des antécédents pénitentiaires » (éviter une affectation dans un établissement où la personne a déjà causé un incident grave, dont elle s’est évadée, etc.) et « de la localisation d’éventuels complices judiciaires ou coauteurs d’incidents » (éviter qu’ils soient réunis).

– Le « maintien des liens familiaux » est considéré comme un critère « essentiel » : il doit être recherché « afin de préserver l’équilibre de la personne détenue, favoriser ses liens avec l’extérieur et faciliter sa réinsertion ».

– La demande de l’intéressé d’être classée au travail ou de participer à une formation professionnelle spécifique à un établissement peut être également prise en compte.

– Les nécessités d’une prise en charge psychiatrique ou psychologique importante doivent être examinées. Dans ce cas, devrait être privilégiée une affectation vers un établissement disposant d’un service médico-psychologique régional (SMPR), bien que ceux-ci soient souvent situés en maison d’arrêt.

Les auteurs d’infractions à caractère sexuel doivent quant à eux être affectés « prioritairement » dans un établissement « proposant une prise en charge spécialisée » (censés disposer de personnel soignant en plus grand nombre).

Enfin, les personnes détenues « souffrant de troubles du comportement » et/ou « rencontrant des difficultés pour s’intégrer à un régime de détention classique », peuvent être affectées au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château-Thierry (Aisne).

Selon les cas, tout autre critère comme l’âge ou l’état de santé peut également être pris en compte. (Circulaire du 21 février 2012)

Avec ou sans « procédure d’orientation » préalable, une procédure d’affectation ou de changement d’affectation est engagée après la condamnation définitive ou ultérieurement, avec à la clé trois possibilités : une affectation dans un établissement pour peines, un transfert vers une autre maison d’arrêt, ou un maintien dans l’établissement actuel. Plusieurs mois, voire années, s’écoulent souvent entre la décision d’affectation et l’« ordre de transfèrement » qui ordonne le changement effectif d’établissement.

« Dans le délai d’un mois maximum » après sa signature, la décision d’affectation doit être en principe portée à la connaissance du condamné, et communiquée au service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) de l’établissement d’origine, qui pourra éventuellement alerter le directeur sur la nécessité d’un maintien dans l’établissement, par exemple en raison d’une procédure d’aménagement de peine en cours. Il s’agira autrement pour le Spip de prendre attache avec le Spip de destination pour assurer la continuité du suivi (projet d’exécution de peine, formation générale ou professionnelle, préparation à la sortie, programme de prévention de la récidive, etc.) et « que les démarches entreprises puissent se poursuivre dans les meilleures conditions ». (Articles D.81 et suivants du code de procédure pénale, Circulaire du 21 février 2012)

Les autorités compétentes pour décider d’une affectation sont soit le ministre de la Justice (concrètement, le bureau de la gestion des détentions (SP2) au sein de la direction de l’administration pénitentiaire), soit le directeur interrégional des services pénitentiaires, soit dans certains cas, le chef d’établissement. Le ministre (DAP/SP2) est seul compétent pour l’affectation en maison centrale ou quartier maison centrale, et pour les personnes condamnées pour actes de terrorisme ou inscrites au répertoire des « détenus particulièrement signalés » (DPS). Il décide également de l’affectation initiale des personnes condamnées à une ou plusieurs peines dont la durée est supérieure ou égale à dix ans et pour lesquels le temps d’incarcération restant à subir était supérieur à cinq ans quand leur condamnation (ou la dernière de leurs condamnations) est devenue définitive. En cas de changement d’affectation de ces dernières, il en décide seulement si le temps restant à subir est supérieur à trois ans.

Pour les autres, chaque directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) décide de l’affectation dans les établissements situés dans son ressort. Sa compétence se limite aux personnes incarcérées dans les prisons de sa région pénitentiaire : lorsqu’une personne répond aux critères de compétence du directeur interrégional mais qu’il doit être affecté dans une autre direction interrégionale, la décision revient en principe à l’administration centrale.

Enfin, le directeur interrégional peut déléguer sa compétence aux directeurs des établissements comprenant un quartier maison d’arrêt et un quartier centre de détention, pour l’affectation des personnes condamnées qui y sont écrouées et auxquelles il reste à subir une incarcération d’une durée inférieure à deux ans au moment où leur dernière condamnation est devenue définitive. En cas de doute sur l’autorité compétente pour une décision d’affectation, il est conseillé de prendre contact avec la direction interrégionale du lieu de détention.

La décision doit toujours être prise, « sauf urgence », après consultation du juge de l’application des peines (JAP). En cas de changement d’affectation, l’avis du parquet est obligatoire, sauf urgence, et il est très fréquemment sollicité dans le cadre de la procédure d’orientation. L’avis du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) est obligatoire dans le cadre de la procédure d’orientation, et il est très souvent sollicité également pour les changements d’affectation ultérieurs. Le président de la juridiction de condamnation peut également donner son avis, mais cela est en pratique très rare (article D.78 du code de procédure pénale).

L’unité sanitaire (USMP) doit pour sa part communiquer « les renseignements strictement nécessaires à l’orientation du détenu » quant à sa santé mentale et physique et notamment, pratiquer « l’examen des personnes détenues sollicitant pour raison médicale un changement d’affectation ou une modification ou un aménagement quelconque de leur régime de détention ». Dans les faits, les soignants sont fréquemment invités à renseigner les dossiers d’orientation et de changement d’affectation. Cette pratique peut s’avérer contraire au respect du secret médical si elle est exercée sans l’accord de la personne détenue. En revanche, celle-ci peut toujours demander d’obtenir ou de transmettre au chef d’établissement un certificat médical en vue d’appuyer ses vœux en matière d’affectation.(Article D.382 du code de procédure pénale)

En dehors du cas où elle demande elle-même un changement d’affectation, aucun texte n’impose que l’avis de la personne condamnée majeure soit recueilli. En revanche, la « proposition » ou l’avis du chef d’établissement et celui du directeur interrégional (dans le cas d’une affectation de compétence ministérielle) sont primordiaux. Il est donc conseillé à la personne de leur écrire directement, éventuellement par l’entremise d’un avocat, afin de leur exposer les souhaits d’affectation et les raisons qui les soutiennent.

Lorsque l’intéressé est mineur, son avis et celui de ses représentants légaux doit en revanche être systématiquement recueilli lors de la procédure d’orientation, ainsi que celui de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et du juge des enfants. L’avis de l’équipe pluridisciplinaire qui suit le mineur peut l’être également. En revanche, il n’existe aucune obligation de recueil d’avis du mineur, de ses représentants légaux, de la PJJ ou du juge en cas de changement d’affectation.

(Articles D.80 à D.82-3 du code de procédure pénale, Circulaire du 21 février 2012)

Le « transfèrement », communément appelé transfert, désigne toute opération de changement d’établissement, que celle-ci ait été décidée par l’autorité judiciaire (translation judiciaire) ou par l’administration pénitentiaire (transfert administratif). Concrètement, il s’agit de conduire une personne détenue d’une prison à une autre, sous la surveillance d’une escorte. Cette opération comporte la radiation de l’écrou à l’établissement de départ et un nouvel écrou à l’établissement pénitentiaire de destination « sans que la détention subie soit pour autant considérée comme interrompue ». Un transfert ne peut être effectué que sur la base d’un « ordre écrit » délivré par l’autorité compétente. Ce document, appelé « réquisition » ou « ordre de transfèrement » a un caractère impératif et le chef d’établissement pénitentiaire doit en principe y déférer sans le moindre retard, à moins d’une « impossibilité matérielle » ou de « circonstances particulières » dont il doit immédiatement avertir l’autorité ayant ordonné le transfert. Tel est notamment le cas lorsque l’état de santé de la personne détenue s’oppose à son transfèrement (articles D.57, D.290, D.292 et D.293 du code de procédure pénale).

La translation judiciaire désigne le transfert d’une personne détenue d’un établissement pénitentiaire vers un autre en exécution de l’ordre d’un juge judiciaire. Elle peut concerner des personnes ayant le statut de prévenu ou de condamné, et être décidée notamment pour les besoins de l’instruction ou lorsque la personne doit « comparaître à quel titre que ce soit devant une juridiction éloignée de son lieu de détention ». (Articles 715, D.57, D.290 et D.297 à D.302 du code de procédure pénale)

L’imprécision des textes applicables aux translations judiciaires confère un large pouvoir à l’autorité judiciaire, et celle-ci peut décider de modifier l’affectation d’une personne prévenue pour des motifs tenant à ses conditions de détention, à sa situation familiale, à son comportement ou pour des raisons de sécurité. S’agissant du transfèrement des personnes prévenues exposées à de mauvaises conditions de détention, une dépêche du ministère de la Justice, prise à la suite de la décision de la Cour de cassation du 8 juillet 2020, rappelle que « l’autorité judiciaire pourra ordonner elle-même le transfèrement judiciaire de la personne détenue dans un autre établissement pénitentiaire permettant d’assurer la dignité de ses conditions de détention ». Concrètement, il est « possible pour les juridictions d’ordonner, dans une décision de rejet de mise en liberté ou de prolongation de détention provisoire, le transfèrement de l’intéressé dans un bref délai qu’elles déterminent ». Dans ce cas, l’administration pénitentiaire saisie par l’autorité judiciaire propose l’établissement le plus adapté permettant d’assurer à la personne prévenue la dignité de ses conditions de détention.

La translation est décidée par l’autorité judiciaire compétente (magistrat saisi du dossier de l’information, procureur de la République du lieu où la personne détenue doit comparaître, etc.). L’ordre de transfèrement est selon les cas adressé aux services de police, aux unités ou à l’administration pénitentiaire par le procureur de la République du lieu de l’autorité qui requiert la translation. L’« ordre de transfèrement » a un « caractère impératif » et le chef d’établissement du lieu de détention doit y déférer « sans le moindre retard », sauf en cas d’« impossibilité matérielle » ou de « circonstances particulières » – telles que par exemple un état de santé faisant obstacle au transfert. Dans ce cas, il doit en informer immédiatement l’autorité qui a ordonné la translation. (Articles D.292 et suivants).

Il n’est pas possible d’exercer un recours contre une translation judiciaire lorsque celle-ci a été ordonnée pour les seules nécessités de l’instruction ou du jugement (CE, 20 mars 2017, OIP-SF, n° 395126). Lorsque la translation a été décidée pour d’autres motifs – de sécurité par exemple – un recours peut être formé contre cette mesure devant le président de la chambre de l’instruction sur le fondement de l’article 145-4-2 du code de procédure pénale.

Les translations se déroulent le plus souvent en fourgons cellulaires, en l’absence d’urgence et si ce mode de transfert paraît possible. Elles peuvent également être effectuées par chemin de fer ou par tout autre service régulier de transport en commun. Sauf en Outre-mer, ces missions relèvent de l’administration pénitentiaire – par le biais des « pôles de rattachement des extractions judiciaires » (PREJ) ou des « équipes locales de sécurité pénitentiaires » (ELSP) – mais peuvent selon les cas encore être effectuées par les services de police ou de gendarmerie, notamment en cas de « carence absolue de moyens » (arrêté du 21 mai 2019 portant gestion des personnels affectés en pôle de rattachement des extractions judiciaires). Par ailleurs, l’escorte pénitentiaire peut recevoir le renfort des forces de police ou de la gendarmerie, notamment lorsque la personne transférée est inscrite au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS) ou, « à titre exceptionnel », si elle présente « un risque d’atteinte très grave à l’ordre public ». (Articles D.57, D.297 et D.299 du code de procédure pénale)  

Afin de limiter les extractions et translations judiciaires, les entretiens avec le juge sont amenés à être plus souvent réalisés par visioconférence. Concrètement il s’agit pour la personne détenue qui aurait dû être extraite de s’entretenir avec son juge par écran et caméra interposés. Elle peut être mise en place sur décision du juge en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie. Elle peut être utilisée pour une personne détenue dans le cadre d’une audition ou d’un interrogatoire par le juge d’instruction, le président de la cour d’assises, le tribunal de police, le procureur ou le procureur général. Elle peut aussi être utilisée pour la présentation au juge des libertés et de la détention (JLD). Il peut également être recouru à la visioconférence dans le cadre du débat contradictoire préalable au placement ou à la prolongation de la détention provisoire quand la personne est détenue pour une autre cause, ainsi qu’aux audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la juridiction de jugement.

Le recours à la visioconférence en cas de notification d’une expertise est en principe obligatoire, sauf décision contraire motivée ou s’il doit être procédé concomitamment à un autre acte. Enfin, l’impossibilité pour un interprète de se déplacer peut être pallié en permettant à ce dernier d’intervenir en visioconférence (article 706-71 du code de procédure pénale)

En revanche, le Conseil constitutionnel a estimé qu’elle ne pouvait pas être utilisée à l’occasion de la comparution devant la chambre de l’instruction (Cons. const., 30 avr. 2020, n° 2020-836 QPC). De même, le Conseil d’Etat a estimé que son usage pendant le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries des avocats, devant les juridictions criminelles, porte « une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable «  (CE, ordonnance du 27 novembre 2020).

La généralisation de cette technique est très critiquée par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), qui estime que ce procédé « ne saurait intervenir pour des questions de simple commodité, ou des motifs d’économies budgétaires » (CGLPL, avis du 14 octobre 2011 relatif à l’emploi de la visioconférence à l’égard de personnes privées de liberté). Il recommande que la visioconférence ne puisse être rendue obligatoire. Dans les faits, et malgré les problèmes techniques fréquents (mauvaise qualité du son et/ou de l’image, voire parfois absence totale de son et/ou d’image), cette technologie tend à se développer de plus en plus.

La modalité de comparution devant une juridiction est une question primordiale car, selon que la personne détenue est physiquement présente dans la salle d’audience ou qu’elle se trouve derrière un écran, la perception implicite de culpabilité (ou de nécessité de la détention provisoire) par la juridiction n’est pas la même. Le Conseil constitutionnel a posé les jalons d’un éventuel droit à la présentation physique devant une juridiction en invoquant, dans deux décisions de 2019, « l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique de l’intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d’une procédure de détention provisoire » (Cons. const., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC ; Cons. const., 20 sept. 2019, n° 2019-802 QPC). À ce jour, il n’est pas pour autant possible de considérer qu’il s’agisse d’un principe constitutionnel.

La loi prévoit déjà des hypothèses dans lesquelles la personne détenue peut soit consentir soit refuser l’utilisation de la visioconférence (articles 706-71 et 706-71-1 du code de procédure pénale). Tout d’abord, l’accord de la personne est requis pour sa comparution devant le tribunal correctionnel (ou la chambre des appels correctionnels) dans une affaire pour laquelle elle est prévenue (l’accord de l’ensemble des parties est alors nécessaire). La personne doit faire connaître son accord ou son désaccord à la juridiction dans un délai de cinq jours à compter du « moment où elle est informée de la date de l’audience. » En outre, la personne incarcérée peut refuser la visioconférence « lorsqu’il s’agit d’une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire », et à condition que le transport de l’intéressé ne paraisse pas « devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion ». La Cour de cassation exerce en revanche un véritable contrôle sur les motifs tenant aux risques d’atteinte à l’ordre public ou d’évasion, qui doivent êtres « précis et circonstanciés » (Cass. Crim., 11 avr. 2018, n° 18-80648). Ainsi, la garantie par l’administration d’une parfaite qualité de la transmission n’est pas un motif valable pour contourner le refus opposé par la personne détenue (Cass. Crim., 11 oct. 2011, n° 11-85602). Le refus de la visioconférence doit être exprimé « au moment où [la personne] est informée de la date de l’audience ». Dans tous les autres cas, ni l’intéressé ni son avocat ne sont consultés sur l’usage de cette technologie.

Le transfert est l’opération matérielle par laquelle une décision de changement d’affectation est mise en œuvre. Il donne lieu à un « ordre de transfert », émis par l’autorité compétente (directeur interrégional des services pénitentiaires ou ministre de la Justice), auquel le chef d’établissement qui détient la personne concernée doit déférer « sans le moindre retard », à moins d’une « impossibilité matérielle » ou de « circonstances particulières » dont il doit avertir immédiatement l’autorité qui a ordonné le transfert.

Qu’elles soient « prévenues, condamnées non encore affectées ou affectées en attente de départ pour un établissement pour peine », les personnes détenues en maison d’arrêt peuvent être soumises à un transfert administratif vers une autre maison d’arrêt, en dehors de toute « procédure d’orientation ». Les personnes condamnées et affectées en établissement pour peine peuvent également faire l’objet d’un changement d’affectation, mais seulement si « un fait ou un élément d’appréciation nouveau » le justifie. En aucun cas, l’intéressé ne peut cependant être transféré si son état de santé l’interdit. Cette impossibilité doit être attestée par le certificat d’un médecin « habilité ou autorisé à intervenir dans l’établissement pénitentiaire ». La personne détenue peut donc s’adresser au médecin de l’unité sanitaire de la prison pour tenter d’obtenir un tel document.

La modification de l’affectation d’une personne incarcérée et son transfert peuvent être décidés soit à la suite d’une demande formulée par l’intéressée auprès du chef d’établissement, soit sur proposition de ce dernier. Le chef d’établissement ne dispose pas du pouvoir d’ordonner le changement d’affectation. Lorsqu’il est saisi d’une demande de transfert, il doit constituer le dossier et le transmettre à l’autorité compétente même si cette demande lui paraît injustifiée..

Le transfert d’une personne ayant le statut de prévenu est décidé, après avis du magistrat en charge du dossier de la procédure, par le directeur interrégional des services pénitentiaires ou par le ministre de la justice, à savoir en pratique par le bureau de la gestion des détentions (SP2) de la direction de l’administration pénitentiaire. De façon générale, le ministre de la Justice est compétent pour le « transfèrement à titre administratif de tout détenu d’une région pénitentiaire à une autre ». De son côté, le directeur interrégional des services pénitentiaires peut ordonner « à l’intérieur de sa région, les transfèrements individuels ou collectifs qu’il estime nécessaires », sauf s’il s’agit de « détenus ayant fait l’objet d’une décision d’affectation de la part du ministre de la Justice ». En matière de rapprochement familial des personnes prévenues par exemple, outre le cas dans lequel ce rapprochement implique un transfert d’une direction interrégionale à une autre, le ministre de la Justice est aussi compétent lorsque le demandeur est inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS) ou s’il est prévenu pour « acte de terrorisme ».

Si la personne est condamnée, la modification de son affectation ne peut intervenir que si « un fait ou un élément d’appréciation nouveau » le justifie. Par ailleurs, la personne condamnée ne peut pas être transférée si elle doit être tenue « à la disposition de la juridiction dans le ressort de laquelle [elle] se trouve », soit parce qu’elle fait l’objet de poursuites, soit parce qu’elle est susceptible d’être entendue comme témoin. Il appartient alors au ministère public de faire connaître à l’administration pénitentiaire la date à partir de laquelle l’intéressé pourra être transféré.

En revanche, aucun texte n’interdit strictement le transfert d’une personne engagée dans une procédure d’aménagement de peine. La circulaire du 21 février 2012 prévoit cependant qu’avant le transfert, le greffe de la prison « vérifie systématiquement qu’il n’y a pas un audiencement en commission d’application des peines des personnes détenues à transférer ». Le cas échéant, l’établissement doit immédiatement en référer à l’autorité compétente, pour que le transfert n’ait lieu qu’après la décision d’aménagement. Ce principe n’est cependant pas toujours respecté, surtout en cas de transfert à l’initiative de l’administration. Si le transfert est exécuté, la procédure d’aménagement engagée doit en principe être poursuivie, et le délai dans lequel une décision doit être rendue continue de courir. Mais cette règle est rarement appliquée en pratique, si bien que la personne détenue doit souvent engager une nouvelle procédure, et parfois même définir un nouveau projet d’insertion à l’appui.

Enfin, une circulaire du 16 août 2019 recommande « de limiter autant que possible les transferts des personnes détenues [de nationalité étrangère] dont le reliquat de peine est inférieur à six mois » afin de ne pas « mettre en péril la procédure d’éloignement » qui pourrait être engagée à leur encontre.

(Articles R.57-8-7, D.82, D.292, D.300 et D.301 du code de procédure pénale)

Si les personnes détenues ne disposent pas du « droit de choisir leur lieu de détention » (CE, 21 juil. 2020, n° 441880), elles peuvent néanmoins solliciter un changement d’affectation auprès de l’administration pénitentiaire.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose par exemple que « les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement » peuvent demander à bénéficier d’un rapprochement familial. Elle prévoit également que les personnes incarcérées en maison d’arrêt qui souhaitent bénéficier d’un encellulement individuel impossible à mettre en œuvre dans leur établissement du fait sa « distribution intérieure » et du « nombre de personnes détenues », peuvent solliciter leur transfert dans la maison d’arrêt permettant un tel encellulement « la plus proche ». De son côté, le code de procédure pénale indique que « le transfèrement dans un établissement pénitentiaire mieux approprié peut être sollicité » par les personnes détenues qui ne bénéficient pas, dans l’établissement où elles sont écrouées, de « conditions matérielles de détention adaptées à leur état de santé » ou par ceux « qui nécessitent une prise en charge particulière ».

La circulaire du 21 février 2012 indique que toute personne condamnée peut solliciter son transfert « à tout moment de l’exécution de sa peine » s’il survient « un fait ou un élément d’appréciation nouveau » qui le justifie. Elle fournit, à titre indicatif, une liste non exhaustive de motifs pour lesquels ce transfert peut être demandé : un rapprochement familial ; une perspective de réinsertion ; un projet d’exécution de peine ; une volonté de changement de régime de détention ; une formation professionnelle (éventuellement en réponse à des appels à candidature nationaux) ; l’exécution de mesures d’aménagement de peine (placement extérieur, semi-liberté, détention à domicile sous surveillance électronique) ; en vue d’obtenir un placement en cellule individuelle.

Pour solliciter un changement d’affectation, la personne détenue doit adresser une demande écrite au chef d’établissement en exposant les motifs pour lesquels elle sollicite ce changement et en fournissant, le cas échéant, les documents justificatifs qui appuient sa demande (justificatif de domicile des membres de la famille dans le cas d’une demande de rapprochement familial, attestation médicale dans le cas d’une demande fondée sur l’état de santé ou demande de formation acceptée par exemple). Il est recommandé de conserver une copie de cette demande écrite.

La loi pénitentiaire de 2009 reconnaît aux personnes prévenues la possibilité de solliciter un rapprochement familial sous certaines conditions. Ce texte dispose en effet que « les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d’un rapprochement familial jusqu’à leur comparution devant la juridiction de jugement, après avis conforme de l’autorité judiciaire ». En cas d’avis négatif de l’autorité judiciaire, la personne détenue peut exercer un recours devant le président de la chambre de l’instruction. En cas d’avis positif de cette autorité, mais de rejet de la demande de rapprochement familial par l’administration, un recours peut être engagé devant le tribunal administratif (CE, 5 déc. 2018, OIP-SF, n° 424970).

Si la loi pénitentiaire n’évoque pas la situation des personnes condamnées, ces dernières peuvent également formuler une telle demande en se prévalant du droit au respect de la vie familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil d’État considère en effet que le fait de détenir une personne « dans une prison éloignée de sa famille au point que toute visite se révèle en réalité très difficile » peut constituer en effet « une ingérence dans la vie familiale du détenu » et méconnaître son droit au respect de sa vie familiale (CE, 21 juil. 2020, n° 441880).

La modification de l’affectation d’une personne détenue peut être proposée par le chef d’établissement auprès des autorités compétentes pour en décider (article D.82 du code de procédure pénale). La demande de transfert des personnes qui sont détenues en maison d’arrêt peut avoir pour objet « la bonne gestion des détentions, notamment par la régulation des effectifs des établissements ». Le transfèrement peut ainsi être décidé lorsque la prison connaît une sur-occupation importante ou pour des motifs d’ordre et de sécurité, par exemple à la suite d’un incident.

Le chef d’établissement peut également solliciter la modification de l’affectation des personnes condamnées si « l’évolution de la situation » des intéressées le justifie. La décision peut être prise dans l’intérêt de la personne détenue ou pour des motifs qui lui sont favorables. Les personnes incarcérées en maison centrale, dont le comportement s’est « stabilisé » aux yeux de l’administration, peuvent par exemple être affectées dans un établissement moins sécuritaire (centre de détention). De même, un transfert peut être décidé en faveur d’un « condamné en fin de peine dont il est nécessaire de préparer la libération » ou pour tenir compte de l’« évolution de l’état de santé de la personne détenue : handicap nécessitant une cellule adaptée, proximité d’un établissement hospitalier adapté, etc. » (Circulaire du 21 février 2012). Il peut encore être ordonné par mesures de protection, lorsque la personne détenue fait par exemple l’objet de menaces ou de violences de ses codétenus.

Mais un changement d’affectation peut également être sollicité par le chef d’établissement – généralement contre la volonté de l’intéressé, lorsque le comportement de celui-ci est jugé « incompatible avec l’application du régime propre à l’établissement pour peines » article D.87 du code de procédure pénale) ou pour assurer le « maintien du bon ordre dans l’établissement ». De tels transferts sont fréquents. En théorie, l’administration doit tenir compte « de la situation familiale de la personne détenue, des formations engagées dans l’établissement et du projet éventuel d’aménagement de peine » avant de prendre sa décision. En pratique, les considérations liées au maintien de l’ordre et de la sécurité sont largement prééminentes.

Enfin, lorsqu’une mesure d’aménagement de peine prise par l’autorité judiciaire (placement en semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous-surveillance électronique) rend nécessaire un changement d’établissement, le chef d’établissement doit en « informer immédiatement l’autorité compétente pour que soit prise une décision d’affectation conforme à la décision judiciaire ». S’agissant des changements d’affectation entre centres de semi-liberté, « il est préconisé de les réaliser sur la base d’une ordonnance modificative du juge d’application des peines compétent, dans les cas où ce dernier a indiqué dans sa décision initiale le lieu d’écrou du semi-libre ». Toutefois, le code de procédure pénale permet de les instruire suivant la procédure habituelle des demandes de changement d’affectation. Dans ce cas, l’avis du JAP est « déterminant » et l’établissement choisi devra être « compatible avec les assignations auxquelles est soumis le condamné ».

Le transfert ne figure pas sur la liste des sanctions qui peuvent être prononcées contre les personnes détenues en vertu des dispositions du code de procédure pénale. Mais il est fréquemment utilisé en réponse à un manquement à la discipline, ou dans le but allégué d’assurer l’ordre ou la sécurité dans un établissement. De tels transferts, généralement vécus par les personnes concernées comme une mesure disciplinaire, ont ainsi pu être prononcés après que des personnes détenues ont proféré des menaces contre un agent de l’administration pénitentiaire et sa famille, participé à des mouvements collectifs ou encore ont été soupçonnées de préparer une évasion. Lorsque le comportement de la personne détenue est à l’origine de la demande, le directeur doit apporter « un soin particulier à la rédaction de la rubrique relative à la conduite et aux incidents en détention » (en joignant notamment les comptes rendus d’incident et les observations contenues dans Genesis) afin de permettre à l’autorité compétente de « mieux apprécier l’opportunité d’un changement d’affectation » (Circulaire du 21 février 2012) . Quand un transfert pour mesure d’ordre est décidé, il n’est en général pas tenu compte de la situation personnelle de la personne concernée sur le plan des relations avec l’extérieur, de l’emploi, de la formation ou de la préparation à la sortie. Les règles de procédure applicables à tout transfèrement administratif et le cas échéant, aux changements d’affectation devraient en principe être appliquées, mais c’est rarement le cas. Concrètement, la personne détenue prévenue ou condamnée est souvent transférée sans préavis sur décision du directeur interrégional ou du ministre et ne se voit pas notifier cette décision à son arrivée dans l’établissement.

Les personnes détenues jugées particulièrement « difficiles » ou dangereuses, ou présentant selon l’administration des risques d’évasion, peuvent être soumises à des transferts répétés que l’on appelle « rotations de sécurité ». Pour le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe (CPT ), « l’effet des transfèrements successifs sur le détenu pourrait, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain ou dégradant ». La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour de tels traitements, au motif qu’elle avait soumis pendant plusieurs années une personne détenue à des rotations de sécurité accompagnées de placements prolongés à l’isolement et de fouilles intégrales répétées. Dans une autre affaire, la Cour a cependant estimé que des motifs de sécurité permettaient de justifier l’application au requérant d’un régime de rotation de sécurité (CEDH, 20 janv. 2011, Payet c. France, n° 19606/08).

Les « opérations permettant de réguler le taux d’occupation dans les maisons d’arrêt », anciennement appelés transferts ou opérations « de désencombrement » sont destinées à « remédier aux inconvénients liés à la surpopulation » et à « offrir aux personnes détenues des conditions d’accueil plus favorables » (Circulaire du 21 février 2012). Elles peuvent concerner aussi bien des personnes condamnées que prévenues (plus rarement) et se traduisent par des transferts individuels ou collectifs vers d’autres établissements, « autant que possible » sur la base du « volontariat ». « En principe », l’administration doit éviter de transférer les personnes détenues qui reçoivent des visites fréquentes, dont la scolarité est en cours ou qui participent à un stage de formation professionnelle, qui ont « élaboré un projet sérieux d’aménagement de peine avec le SPIP », ou qui ont un « comportement inadapté ». Elle doit aussi éviter le transfert des personnes détenues de nationalité étrangères faisant l’objet d’une mesure d’expulsion du territoire auxquels il reste à subir une peine inférieure à six mois.

S’ils concernent des personnes condamnées, les transferts de désencombrement doivent théoriquement être guidés par un « souci d’individualisation » et chaque décision de transfert est censée être motivée, sauf « cas de force majeure » (par exemple, évacuation d’un établissement suite à une inondation). « Sauf urgence », la liste des personnes condamnées concernées doit être soumise pour avis au juge de l’application des peines ou au procureur de la République (article 717-1-1 du code de procédure pénale). Pour les personnes prévenues, l’avis du magistrat en charge du dossier est indispensable en toutes circonstances. Le dossier d’orientation qui doit être constitué par le chef d’établissement est simplifié et la procédure allégée en raison de l’urgence qui entoure souvent ce type de transferts. En pratique, ces derniers sont fréquemment mis en œuvre quand l’établissement est sous forte tension (incident majeur, très fort taux d’occupation, etc.). Ils sont donc décidés rapidement par l’administration qui peut alors faire peu de cas de la situation personnelle des personnes détenues concernées.

Que la demande de changement d’affectation émane de la personne détenue (demande écrite) ou du chef d’établissement, ce dernier doit constituer un dossier qui comprend « les éléments permettant d’établir la motivation de la demande ». Ce dossier, qui contient les données favorables ou défavorables au changement d’affectation et les renseignements relatifs à la conduite de la personne concernée et aux incidents en détention, est adressé à l’autorité compétente pour se prononcer (ministre de la Justice ou directeur interrégional des services pénitentiaires).

Sont intégrées à ce dossier la plupart des informations contenues dans le dossier d’orientation, ainsi que d’autres relatives à la période de détention écoulée entre temps : profil pénal, activités scolaires, de travail ou socio-culturelles suivies, permis de visite, régularité des parloirs et des contacts téléphoniques, « conditions de prise en charge sanitaire » sur les plans physique et psychique, comportement en détention, éléments d’information du SPIP, etc. Le ministre de la Justice, le directeur interrégional ou le chef d’établissement « peuvent procéder ou faire procéder à toute enquête sur la situation familiale ou sociale du condamné » (Circulaire du 21 février 2012).

Le transfert des personnes prévenues ne peut intervenir qu’après information du magistrat saisi du dossier de l’instruction judiciaire et qu’à défaut d’opposition de celui-ci dans un délai de huit jours à compter de la réception de cette information.

Pour les personnes condamnées, le recueil de l’avis du juge de l’application des peines (JAP) et du procureur de la République du lieu de détention est obligatoire (article 717-1-1 du code de procédure pénale). En cas d’urgence, cet avis peut néanmoins être sollicité a posteriori. L’absence de recueil de ces avis entraîne l’illégalité de la décision de changement d’affectation (TA Lyon, 2 juin 2020, n° 1902347).

En pratique, la décision de changement d’affectation est un « document communicable » à la personne détenue, qui peut en faire la demande à tout moment au chef d’établissement (CADA, 29 sept. 2006, avis n° 20063950-CB). En l’absence de réponse pendant plus de deux mois, la demande de changement d’affectation formulée par l’intéressée doit être regardée comme rejetée implicitement. Si ce rejet devait être motivé, le demandeur peut solliciter la communication des motifs auprès de l’autorité compétente.

L’obligation de motivation et de débat contradictoire n’est pas applicable lorsque le changement d’affectation est décidé spontanément par l’administration, sur proposition du chef d’établissement, entre deux établissements de même nature. Par exemple, les décisions de transfert entre deux centres de détention ou deux maisons centrale ou quartiers de maison centrale ne sont pas soumises à l’obligation de motivation et de débat contradictoire préalable, même lorsqu’elles mettent en cause un droit fondamental de la personne détenue ou lorsqu’elles entraînent une aggravation de ses conditions de détention. Seule la décision de changement d’affectation d’un établissement pour peine vers une maison d’arrêt doit, « eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus », être motivée en fait et en droit et être précédée d’un débat contradictoire (Circulaire du 21 février 2012). Encore faut-il préciser que l’obligation de motivation est écartée en cas d’« urgence absolue », c’est-à-dire lorsque les circonstances imposent que la décision soit prise dans de très brefs délais.

Par ailleurs, l’administration peut se soustraire à l’obligation d’une procédure contradictoire préalable en cas d’« urgence », de « circonstances exceptionnelles » ou de risque de trouble à l’« ordre public ».

Le recours pour excès de pouvoir est le recours par lequel on sollicite l’annulation d’une décision administrative. Même lorsque les changements d’affectation et les transferts ont de lourdes conséquences sur les personnes détenues (éloignement familial, interruption de la préparation d’un projet de sortie, perte d’un emploi etc.), tous ne peuvent pas être contestés devant le juge administratif. Seules les décisions de changement d’affectation d’un établissement pour peines (centre de détention ou maison centrale) à une maison d’arrêt peuvent toujours faire l’objet d’un recours (CE, 14 déc. 2007, n° 290730), sauf s’il s’agit d’une affectation temporaire (transit), dans l’attente d’un transfert vers une autre prison (CE, 13 nov. 2013, n° 355742).

À l’inverse, sont a priori regardées comme des mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours les décisions de changement d’affectation d’une maison d’arrêt à un établissement pour peines (CE, 14 déc. 2007, précit.), les décisions de changement d’affectation entre deux établissements de même nature  (entre deux maisons d’arrêt ou entre deux établissements pour peine) sauf si ce changement s’accompagne « d’une modification du régime de détention entraînant une aggravation des conditions de détention » (CE, 13 nov. 2013, n° 355742) ainsi que les décisions rejetant la demande de changement d’affectation formulée par une personne détenue (CE, 13 nov. 2013, n° 338720).

Il est tout de même possible de demander l’annulation de telles décisions si elles mettent « en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus », c’est-à-dire si elles portent « à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention ». Pour que le recours dirigé contre des décisions habituellement qualifiées de mesures d’ordre intérieur soit recevable, c’est-à-dire pour que le juge accepte de l’examiner dans son intégralité, il faut donc que la personne détenue démontre que le transfert attaqué porte une telle atteinte à ses droits et libertés fondamentaux

En complément du dépôt d’un recours pour excès de pouvoir, la personne détenue peut également saisir le tribunal administratif d’une requête en « référé-suspension » afin de solliciter la suspension de la décision de transfert ou du refus de transfert. Deux conditions doivent être remplies pour que cette suspension puisse être prononcée. L’intéressé doit démontrer qu’il existe un doute quant à la légalité de la décision attaquée. Il doit donc critiquer la légalité de cette décision, en reprenant – et éventuellement en complétant – les arguments avancés dans le cadre du recours pour excès de pouvoir. La personne détenue doit par ailleurs prouver l’existence d’une situation d’urgence. Cette seconde condition est remplie lorsque la décision attaquée porte atteinte « de manière suffisamment grave et immédiate » à la situation du requérant. (article L.521-1 du code de justice administrative).

Le « référé-liberté » est une procédure permettant d’obtenir très rapidement la protection des droits et libertés fondamentaux (article L.521-1 du code de justice administrative). Pour obtenir du juge des référés le prononcé de mesures de sauvegarde, la personne détenue doit justifier d’une situation d’extrême urgence et d’une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La condition d’urgence, qui est interprétée beaucoup plus strictement qu’en référé-suspension, exige de démontrer que l’intervention du juge s’impose à très bref délai. Il a par exemple été jugé qu’une telle urgence ne saurait simplement résulter de ce que la prison dans laquelle le requérant a été transféré il y a plusieurs mois est distante de plus de 400 km du lieu de résidence de sa famille (TA Clermont-Ferrand, 7 sept. 2018, n° 1801497).

La condition d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale est également très exigeante et n’a été, jusqu’à présent, que très rarement regardée comme satisfaite. Si le juge des référés ne suspend pas le transfert, il peut en revanche prescrire des mesures visant à remédier à certaines conséquences néfastes de ce dernier, en enjoignant par exemple à l’administration de garantir dans le nouvel établissement à une personne détenue la continuité du suivi psychiatrique régulier dont elle bénéficiait avant son transfert (CE, 26 avr. 2019, n° 429686).

Sous certaines conditions, les personnes détenues et/ou leurs proches peuvent obtenir la réparation financière d’un préjudice subi et imputable à l’administration pénitentiaire. Il est pour cela nécessaire que le préjudice soit réel, certain (même s’il peut être futur) et personnel (c’est-à-dire qu’il doit affecter la personne qui demande réparation).

Par ailleurs, le préjudice doit être directement imputable à une faute de l’administration. Le rejet de la demande d’une personne détenue souhaitant être transférée dans un établissement lui permettant de bénéficier des soins que son état de santé requiert peut ainsi par exemple ouvrir droit à indemnisation (TA Amiens, 30 juin 2020, n° 1900844 et 1902086).

La responsabilité de l’État peut aussi par exemple être engagée si les biens d’une personne détenue ont été perdus ou endommagés lors du transfert, « ce dommage [étant] imputable, en tenant compte des contraintes pesant sur le service public pénitentiaire, à une carence de l’administration dans la mise en œuvre des moyens nécessaires à la protection de ces biens » (CE, 11 juil. 2018, n° 413621). En particulier, le règlement intérieur type des établissements pénitentiaires prévoit que « lorsque la personne détenue est transférée, les objets lui appartenant sont déposés contre reçu entre les mains de l’agent de transfèrement s’ils ne sont pas trop lourds ou volumineux ». Or pour le juge administratif, il découle notamment de l’obligation de protéger les biens « qu’en cas de transfert, le reçu remis à l’agent de transfèrement ainsi que, le cas échéant, au responsable de l’expédition des objets, doit, sauf urgence, être accompagné de l’inventaire précis de l’ensemble des objets personnels du détenu, dressé contradictoirement avec ce dernier » (CAA Nantes, 21 mars 2019, n°18NT02683). En l’absence d’un tel inventaire, et si aucune considération d’urgence ne faisait obstacle à ce que soit remplie cette obligation, l’État commet donc « une faute de nature à engager sa responsabilité ». Par ailleurs, faute d’inventaire « dressé contradictoirement », le juge ne saurait reprocher à la personne détenue de ne pas démontrer avoir été en possession des biens dont elle déplore la perte alors qu’elle « produit devant lui des factures et des documents permettant d’étayer ses allégations » (CE, 19 juin 2020, n° 427871). De même, la restitution tardive d’un bien (ordinateur, machine à écrire, etc.) retenu pour contrôle à l’arrivée de la personne détenue dans son nouvel établissement peut ouvrir droit à indemnisation (CAA Lyon, 12 juil. 2012, n° 11LY00838).

Les transfèrements administratifs sont assurés par des personnels de l’administration pénitentiaire, sous la responsabilité du « service national des transfèrements » ou du directeur interrégional des services pénitentiaires (article D304 à D310 du code de procédure pénale). Le mode de transport (par route, voie ferrée, maritime ou aérienne) et l’importance de l’escorte sont déterminés par l’autorité chargée de l’organisation du transfert en tenant compte du nombre de personnes transférées, de l’éventuelle « dangerosité » et de l’état de santé du ou des intéressé(s) (le médecin peut prescrire un transport médical), ainsi que de la distance à parcourir et de l’urgence de l’opération (article 717 du code de procédure pénale). L’administration pénitentiaire peut, en cas de besoin, requérir une escorte supplémentaire des services de gendarmerie ou de police. Toutes les précautions doivent en principe être prises pour assurer aux personnes détenues un transport « dans des conditions suffisantes de confort et d’hygiène ». Cette disposition est cependant inégalement appliquée. « Dès que le détenu transféré est arrivé à destination », les personnes « autorisées de façon permanente à communiquer avec lui » doivent en principe en être informées, ce qui est loin d’être toujours le cas en pratique (article D296 du code de procédure pénale)..

Dans tous les cas où le transfert est exécuté par l’administration pénitentiaire, le chef d’établissement remet au chef de l’escorte les effets ou objets appartenant à la personne détenue, à l’exclusion de l’argent, transmis par virement. Un reçu, accompagné d’un inventaire de ses biens « dressé contradictoirement », doit être remis à la personne détenue. Le poids total des bagages accompagnant le détenu ne doit pas excéder 100 kg, soit cinq cartons de 20 kg maximum. Le cas échéant, les colis excédentaires doivent être expédié à l’établissement de destination, aux frais de la personne détenue, ou peuvent être remis à un tiers désigné par lui après accord du chef d’établissement;

Les personnes détenues étant informées de leur transfert très peu de temps avant leur départ, il n’est pas rare qu’elles soient dans l’impossibilité de réunir leurs affaires personnelles et qu’ils doivent les laisser sur place. L’administration pénitentiaire est alors chargée de faire suivre le paquetage, soit lors de transferts ultérieurs (qui peuvent se faire attendre longtemps), soit par le biais d’une entreprise de fret. Dans ce dernier cas, il est demandé à l’intéressé de prendre en charge les frais, bien qu’en principe, « les dépenses auxquelles donne lieu l’exécution des transfèrements administratifs sont prises en charge par l’administration pénitentiaire ». Par ailleurs, les transferts sont souvent l’occasion de perte ou de détérioration d’objets personnels. Dans ce cas, une action indemnitaire peut être engagée par la personne détenue. Rien n’est expressément prévu dans les textes concernant les translations judiciaires mais en pratique, les mêmes règles s’appliquent.

Il peut en outre arriver que le transfèrement ne se fasse pas directement quand la distance, notamment, est trop importante. La personne peut alors être sujette à un transit en maison d’arrêt en attendant son transfert dans le nouvel établissement pour peines d’affectation. Ce fonctionnement ne doit toutefois être utilisé que s’il est « nécessaire à l’organisation matérielle du transfert » et ne peut durer plus de trois mois, ce qui constitue déjà une durée très importante eu égard à l’objectif poursuivi. Il doit être « expressément prévu » dans la décision d’affectation, qui doit donc mentionner le transit. Comme l’indique elle-même l’administration pénitentiaire, cette pratique constitue une dérogation au code de procédure pénale qui prévoit que les personnes condamnées doivent être sauf exception incarcérées en établissement pour peines. La décision de transit en vue d’un transfèrement est une mesure d’ordre intérieur qui ne peut faire l’objet d’un recours, sauf si elle porte atteinte aux droits et libertés fondamentaux l’intéressé. (Circulaire du 21 février 2012)