Free cookie consent management tool by TermsFeed

Nantes : il n’y a pas qu’en maison d’arrêt que les conditions de détention sont indignes

Le 18 juin 2024, la justice administrative a reconnu l'indignité des conditions d'incarcération au centre de détention de Nantes, jugées constitutives de traitement inhumains ou dégradant pour les personnes détenues. Un précédent qui place le débat sur les conditions de détention au-delà du seul prisme de la surpopulation carcérale.

Les alertes quant aux conditions de détention dans la prison nantaise s’accumulaient depuis des années : Contrôleure générale des lieux de privations de liberté, bâtonnier de Nantes… Saisi en urgence par l’Ordre des avocats du barreau local et l’OIP, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a reconnu à son tour, le 18 juin 2024, l’indignité des conditions d’incarcération dans l’établissement et les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues.

Dans son ordonnance, la juridiction relève notamment la persistance de « nombreuses dégradations » dans les différents bâtiments de la prison, leur « état de vétusté manifeste », la présence de moisissures sur les murs et plafonds des cellules et des parties communes, ainsi que la saleté et le dysfonctionnement des douches. Elle enjoint au ministère de la Justice de mettre en œuvre, en urgence, diverses mesures pour remédier aux violations des droits des personnes détenues – notamment l’élimination des traces de moisissures et de champignons, le nettoyage des installations sanitaires, ou encore la limitation de la présence d’amiante dans l’air des cellules. Mais aussi la cessation des fouilles à corps systématiques.

Si la juridiction prend note des mesures envisagées ou d’ores et déjà engagées par l’administration pour remédier à certains problèmes persistants, elle considère que la majorité d’entre elles sont en réalité insuffisantes, de sorte que les atteintes aux libertés fondamentales des personnes demeurent caractérisées. Ce raisonnement se distingue de la pratique habituelle du juge administratif, qui a régulièrement tendance à se satisfaire de tout effort de l’administration pénitentiaire – aussi minime soit-il – pour écarter les demandes de mesures correctives dont il est saisi.

Mais l’importance significative de cette décision réside surtout dans le fait que, pour la première fois, le juge administratif reconnaît l’indignité de conditions d’incarcération au sein d’un centre de détention, et non d’une maison d’arrêt, dont la surpopulation est chronique. Le juge établit ainsi que la caractérisation de conditions indignes de détention n’est plus nécessairement conditionnée à la suroccupation de l’établissement.

Par Sophia Bidine