En adoptant un amendement du député En Marche Dimitri Houbron, chargé en début d’année d’une mission d’information sur le régime des fouilles en détention, le parlement vient d’élargir encore les possibilités de fouilles intégrales systématiques des personnes détenues. Un recul inacceptable au regard du respect de la dignité humaine et peu convaincant en termes de renforcement de la sécurité dans les établissements pénitentiaires.
La mission d’information avait été mise en place à l’issue du mouvement des surveillants du début d’année. Les syndicats de surveillants demandaient l’abrogation de l’article 57 de la loi pénitentiaire qui, en 2009, était venu prohiber la systématicité des fouilles intégrales et encadrer cette pratique. Le gouvernement avait habilement renvoyé la question à une enquête ultérieure, commandée à la commission des lois du Parlement.
Sur la question de l’abrogation de l’article 57, les rapporteurs ont été clairs : « Le retour à des fouilles systématiques n’est pas compatible avec les exigences posées tant par le Conseil d’État que par la Cour européenne des droits de l’homme. »[1] Autrement dit : un retour en arrière contreviendrait à nos engagements internationaux en matière de respect des droits de l’homme, et notamment à l’article 3 de la Convention européenne qui interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Pour apporter des gages aux syndicats de surveillants, ils ont cependant proposé, dans le cadre des discussions sur le projet de loi justice, un amendement élargissant encore les possibilités de fouilles intégrales. Objectif : permettre de fouiller à nu systématiquement toute personne entrant en détention après une période sans surveillance constante (extraction ou permission de sortir) et entériner la possibilité d’un « régime dérogatoire » de fouilles intégrales systématiques à l’encontre de détenus identifiés comme présentant un risque pour la sécurité. Tout en facilitant au passage les fouilles de cellule et par palpation. Un amendement adopté par les députés qui ont, en revanche, rejeté une autre proposition de M. Houbron visant à ce que toute décision de fouille à l’encontre d’un détenu soit communiquée à son avocat et puisse lui être motivée…
Outre que ce dispositif grignote un peu plus les faibles garanties qu’offrait encore l’article 57 de la loi pénitentiaire, il fait fi d’un certain nombre de réalités. Le caractère profondément attentatoire à la dignité des fouilles intégrales, d’abord. Une enquête publiée récemment par l’OIP[2] montre pourtant comment le fait d’être régulièrement soumis à des inspections, nu, dans des conditions toujours humiliantes, parfois brutalisantes, est dégradant pour les personnes. Et à quel point les conséquences de ces pratiques peuvent être dramatiques pour elles, et au-delà, pour la vie en détention.
Les critiques unanimes des organes internationaux des droits de l’homme, ensuite. Dans son dernier rapport sur la France, le Comité européen de prévention de la torture (CPT) dénonçait le recours « fréquent voire systématique aux fouilles intégrales dans certains établissements ». Tandis que les Nations unies demandaient aux autorités françaises d’assurer un strict contrôle des principes de nécessité et de proportionnalité des fouilles intégrales, insuffisamment respectés.
Pour l’administration, ces atteintes aux droits se justifient par des raisons de sécurité. En réalité, seules 2,5 % des fouilles menées à l’issue d’un parloir aboutissent à la saisie d’un ou plusieurs objets[3]. Et seul un tiers des objets illicites saisis en détention le sont à l’issue de fouilles. Surtout, si ces objets sont illicites, ils ne sont pas forcément dangereux : téléphones, produits stupéfiants ou nourriture constituent la grande majorité des saisies. Des produits qui servent à maintenir un lien avec l’extérieur ou à améliorer le quotidien carcéral pour les uns, ou qui relèvent d’une politique de santé publique plus que de sécurité pour les autres. Il est à cet égard regrettable – et significatif – que les auteurs du rapport parlementaire ne se soient pas posé la question de la pertinence de ces interdictions et qu’ils aient limité leur champ d’étude au moyen de les faire respecter.
Enfin, s’il est régulièrement fait mention, pour justifier l’urgence de recourir aux fouilles intégrales, de l’accroissement des violences à l’encontre des surveillants, les chiffres, vus dans le détail, disent autre chose. Au regard de l’augmentation de la population carcérale, les agressions de surveillants sont stables. La proportion des agressions violentes a même diminué. Si la violence carcérale est une réalité incontestable, il est aussi établi que le renforcement ces dernières années des dispositifs coercitifs, sécuritaires et déshumanisants en est l’un des principaux facteurs.
Par Cécile Marcel
[1] Rapport de la mission d’information relative au régime des fouilles en détention, Commission des lois de l’Assemblée nationale, 8 octobre 2018.
[2] « Fouilles à nu : souvent illégales, toujours humiliantes », Dedans Dehors n° 101, octobre 2018.
[3] Rapport de la mission d’information relative au régime des fouilles en détention, op. cit.