« Épisode de fortes chaleurs, remarquable et inédit », températures « extrêmes » : en prison, le thermomètre a explosé cet été, aggravant considérablement les conditions déjà indignes dans lesquelles sont enfermées les personnes détenues.
Les vagues de chaleur qui ont marqué cet été, le quatrième le plus chaud depuis 1900, ont rendu invivable le quotidien derrière les barreaux. Une situation exacerbée par le nouveau record de surpopulation atteint au 1er juillet : 74 513 personnes étaient incarcérées, et plus de la moitié s’entassait dans des maisons d’arrêt où le taux d’occupation moyen dépassait 146 %. 2 478 d’entre elles étaient contraintes de dormir sur un matelas à même le sol. « On est à trois dans une cellule de 10m2 où il fait 40°C », rapportait l’une d’elles fin août à la permanence de l’OIP.
Chaleur et vétusté, un cocktail détonant
Dans certains centres pénitentiaires, des surveillants confirmaient des températures exceptionnelles. À la prison d’Aix-Luynes, ils enregistraient jusqu’à 50°C fin juin et faisaient état de vomissements et de malaises[1]. « Rien que ce matin, il y a eu trois malaises à notre étage, alertait en août une personne détenue. Dans la cellule, le frigo est cassé. Ils refusent de le changer et nous ont dit de le remettre en route. Mais quand on a essayé, il a failli prendre feu. » Car, outre la surpopulation, la vétusté de nombreux établissements pénitentiaires accentue l’effet des fortes chaleurs : murs épais, caillebotis aux fenêtres, ventilation impossible, cours de promenade bétonnées et dépourvues d’ombre… « La nuit dans la cellule, ça peut monter jusqu’à 32°C. Les fenêtres étant à plus de deux mètres du sol, aucune aération n’est possible », rapportait à l’OIP une personne incarcérée en maison centrale. Fin août, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté témoignait à son tour : « Dans certaines prisons que j’ai visitées, on avait l’impression que le sol de la cour de promenade était sur le point de bouillir… »
Des recommandations largement ignorées
La Direction de l’administration pénitentiaire a édicté une note dédiée mi-juin et assuré qu’une prise en charge renforcée des publics fragiles ou vulnérables était mise en œuvre. Mais force est de constater que la situation est restée dramatique pour de nombreuses personnes détenues. Et pour cause, la note se contentait de lister des recommandations applicables « en fonction de la configuration des locaux », « lorsque cela est possible ». Les témoignages reçus par l’OIP soulignent leur application hasardeuse : bouteilles d’eau interdites en cours de promenade, douches quotidiennes refusées, commandes de ventilateurs mettant des semaines à être livrées…
Face à l’absence de mesures adaptées, des avocats ont déposé de concert plus de 140 requêtes pour conditions de détention indignes, mi-août, au nom de personnes incarcérées en Occitanie dans l’attente de leur procès. Tant que les autorités ne prendront pas sérieusement la mesure de la surpopulation carcérale et de la vétusté des prisons, la France continuera d’être condamnée par les tribunaux nationaux[2] et la justice européenne[3]. Les personnes détenues, quant à elles, resteront condamnées à subir les effets démultipliés des intempéries : canicule en été, froid glacial en hiver.
Par Prune Missoffe
[1] « Canicule : incidents, violences, malaises… Les fortes chaleurs aggravent les conditions de vie en prison, racontent des surveillants », France Info, 19 juillet 2023.
[2] « La Justice confirme les conditions indignes de détention à la prison de Perpignan mais refuse de suspendre les incarcérations », OIP, 23 août 2023.
[3] « Surpopulation carcérale et conditions de détention indignes : la France à nouveau condamnée par la CEDH », OIP, 6 juillet 2023.