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Dont acte

« Le 14 novembre dernier, les États généraux de la condition pénitentiaire ont conclu leurs travaux par l’adoption d’une déclaration qui formulait, en dix points, les principes qui devaient, selon eux, guider la réforme pénitentiaire qu’ils appelaient de leurs vœux. Cette déclaration est le résultat d’une démarche qui a aujourd’hui un an, et qui a, durant cette période, vu travailler en commun sur la question carcérale des syndicats de magistrats, d’avocats, de personnels pénitentiaires, des associations d’aide à la réinsertion et de protection des droits de l’homme. Elle a d’abord consisté en l’organisation d’une consultation inédite qui a vu plus 20 000 personnes, dont plus de 15 000 détenus, s’exprimer à partir d’un questionnaire commun. Les résultats de cette consultation ont fait l’objet d’une discussion entre les organisations partenaires et d’une mise en perspective au regard des recommandations faites à la France par les différents rapports consacrés à l’état de ses prisons, notamment ceux qui émanent des instances nationales et internationales de protection des droits de l’homme. Ce travail a permis de dégager un socle commun, consigné dans la déclaration finale que les États généraux ont décidé de souconsigné mettre à l’appréciation des candidats à la Présidence de la République.

Nous rendons aujourd’hui publiques les réponses qui nous ont été apportées.

Dix candidats avaient été sollicités. Nous prenons d’abord acte du fait que, à l’exception de Philippe de Villiers, tous nous ont répondu. Nous disposons donc de neuf réponses. Sur les neuf candidats qui ont répondu, sept ont signé sans réserve la déclaration que nous leur avons proposée. Il s’agit d’Olivier Besancenot, d’Arlette Laguiller, de Marie-George Buffet, de Dominique Voynet, de Ségolène Royal, de François Bayrou et de Corinne Lepage.

“Votre proposition d’une loi pénitentiaire et le contenu de celle-ci constituent une rupture salutaire avec un système carcéral basé sur l’humiliation. Je partage votre volonté de redonner dignité et accès aux droits élémentaires aux détenus comme le font vos propositions. Je porterais l’ensemble de vos propositions si j’étais en situation de responsabilité“. Olivier Besancenot

“J’ai pris connaissance avec le plus grand intérêt de votre déclaration finale et je suis parfaitement d’accord avec la totalité de ces dix points, c’est à dire avec le contenu de la loi que ces États généraux proposent. Mon soutien vous est totalement acquis“. Arlette Laguiller

“Le débat politique et moral sur les prisons n’a jamais cessé dans notre pays et n’a pas, aujourd’hui encore, reçu de réponse. Vous me demandez si je suis prête à défendre comme candidate à la présidentielle vos dix propositions. Je m’y engage. Si le peuple français me confi e des responsabilités, je ferais mienne les propositions du Manifeste des “États généraux de la condition pénitentiaire“. Ces principes devront être inscrits dans une nouvelle loi pénitentiaire qui devra être adoptée très rapidement par le Parlement qui sera issu des prochaines élections“. Marie-George Buffet

“Il faut dire la vérité aux Français : le système carcéral engendre des violences dans les établissements, nie les droits humains des détenus, ne prépare pas leur sortie. Il engendre souffrances et désordres dans la société et ne résout rien quant à notre capacité à vivre ensemble. La campagne pour les élections présidentielles ne peut éluder cette question essentielle. Je me prononce pour la mise en place d’une loi pénitentiaire. Les propositions des États Généraux sont une bonne base de contenu“. Dominique Voynet

“Le système pénitentiaire fonctionne aujourd’hui dans une contradiction permanente : à l’écart des règles et exigences de la société libre, il est supposé permettre aux personnes détenues de retrouver le chemin d’une vie responsable et respectueuse du droit. Les réformes de nos prisons, proposées par les États généraux, visent à sortir de cette forme de contradiction, pour que nos sanctions pénales aient un sens pour ceux qui sont condamnés, pour ceux qui ont en charge de les exécuter et pour la société toute entière. C’est pourquoi je m’engage, si je suis élue, à les mettre en œuvre“. Ségolène Royal

“Les États généraux de la condition pénitentiaire étaient une nécessité démocratique. Il faut maintenant poursuivre le travail que vous avez initié : opérer une profonde réforme du système pénitentiaire français, en lui fixant des missions précises, en lui donnant les moyens de ses missions, pour qu’il soit digne d’un État de droit, conforme aux normes européennes. Parce que l’état des prisons est un signe de l’état de notre société, les engagements pris pour réformer le système pénitentiaire doivent l’être de façon transpartisane, pour interpeller avec force l’opinion publique. C’est la démarche des États généraux, à laquelle je m’inscris sans réserve“. François Bayrou

“Nos prisons sont pleines et le taux récidive ne baisse pas. Pire encore, les prisons sont devenues des lieux d’initiation à la grande délinquance. La politique pénitentiaire oriente ses dépenses vers des programmes de construction, en vue d’augmenter les capacités d’accueil. Mais le problème est ailleurs. Je ne crois pas que plus de prisons, même “plus confortables“, apporte un début de réponse à la problématique carcérale. Je m’engage, si je suis élue, à appliquer les principes contenus dans la déclaration finale des États généraux de la condition pénitentiaire“. Corinne Lepage

Cet engagement commun est un événement dont il faut mesurer la portée. Il marque la constitution d’un large consensus démocratique et républicain sur le diagnostic posé sur notre système carcéral et sur les fondements de la réforme à accomplir. Cet engagement est essentiel car il ne constitue pas un consensus a minima mais l’adoption, par des candidats venus d’horizons très différents, d’une volonté claire de rupture avec le fonctionnement actuel de nos prisons, dont les conséquences désastreuses à la fois pour les prisonniers et pour le personnel pénitentiaire ne sont pas contestées. Quiconque connaît la question carcérale sait que chacun de ces dix points contient un renversement de perspectives fondamental dans notre manière d’envisager la peine de prison. Pour ne citer que lui, le dernier avis rendu sur le sujet par le Comité national consultatif d’éthique voulait lever “le lourd silence qui pèse sur ce qui est subi de manière inhumaine : la surpopulation, la violence, le suicide, la maladie mentale, les conditions de vie indignes, le peu de place donnée à la réinsertion, le travail sous-rémunéré, l’insuffisante préparation de la sortie, les humiliations“. Pour en fi nir avec cette situation, les engagements proposés par les États généraux veulent permettre à la fois de rompre avec la tentation du tout carcéral, de mettre fin à la détention indigne de personnes gravement malades, de reconnaître l’ensemble de leurs droits fondamentaux aux personnes détenues, d’affirmer l’inclusion de la prison dans le territoire de la République, de revoir la procédure et le régime des sanctions disciplinaires, de considérer la préparation à la sortie et la réinsertion comme des tâches centrales de l’administration pénitentiaire, de placer la prison sous le contrôle d’un organe indépendant, et d’associer les personnels pénitentiaires à ces perspectives de réforme. Ces engagements constituent un ensemble et c’est la cohérence de celui-ci qui rend sa mise en œuvre nécessaire et possible. Nécessaire, car il s’agit ni plus ni moins que de mettre notre système carcéral en conformité avec les exigences contemporaines de respect des droits de l’homme. Possible, car c’est l’engagement conjoint sur l’ensemble des problématiques juridiques, sociales, médicales, qui permettront de rompre avec l’indignité, l’arbitraire, la violence, le déclassement social et, à la sortie, la précarité, l’exclusion et la marginalité. La diversité des signatures obtenues montre que les exigences posées par les États généraux ne sont d’aucun parti et d’aucun bord politique. Sur une question aussi difficile et grave, les candidats abandonnent tout règlement de compte et toute rhétorique politicienne. Ce faisant, leur réponse restaure l’unanimité sur l’ampleur des réformes à accomplir apparue en 2000 par le biais des commissions d’enquête de l’Assemblée et du Sénat. Plus encore, elle marque la prise en compte effective des travaux menés d’abord en 2000 par les parlementaires et la Commission Canivet, puis en 2004 par la Commission nationale consultative des droits de l’homme et enfin, par le Conseil de l’Europe, par une série de recommandations dont la dernière, les Règles pénitentiaires européennes adoptées en janvier 2006, n’est pas la moindre.

Deux candidats ont préféré se démarquer de la démarche qui leur était proposée. Il s’agit d’abord de Jean-Marie Le Pen, dont les réponses attestent d’un rejet catégorique des principes de réforme proposés par les États généraux. Il s’agit aussi de Nicolas Sarkozy qui, refusant de souscrire à l’ensemble des engagements qui lui étaient soumis, rejette tout renversement de perspectives. Cette réponse est pour les États généraux regrettable, car nous avons espéré – et la réponse de tous les autres candidats montre qu’il ne s’agissait pas d’une chimère – que le fait de regarder en face la situation de nos prisons ne pouvait que conduire à une réponse d’ensemble, à hauteur du mal. La réponse qui nous a été transmise contient, à défaut d’un engagement d’ensemble, un certain nombre de propositions constituant des avancées en matière de respect des droits de l’homme dans la prison. Il s’agit, outre la généralisation des unités de visites familiales et l’instauration d’un contrôleur général des prisons, de réformer dans le cadre d’une loi pénitentiaire le régime des fouilles corporelles et la procédure des sanctions disciplinaires. Mais elle est très incomplète, insuffisante, et ambiguë notamment au regard de la volonté, qui y est proclamée, sans que les conséquences en soient tirées, d’appliquer les Règles pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe. En matière de protection des droits des personnes, le Conseil recommande avec autant de force de mettre en œuvre ses préconisations concernant le fonctionnement des prisons que de faire de la privation de liberté une sanction de dernier recours, de préparer la réinsertion des détenus ou de prendre garde que la longueur des périodes d’emprisonnement n’invalide pas toute perspective de réinsertion. Issus des recommandations de l’ensemble des instances de protection des droits de l’homme, les dix points sur lesquels les États généraux ont sollicité un engagement ne peuvent pas plus être l’objet d’une reconnaissance partielle que les droits fondamentaux qu’ils visent à promouvoir. Autrement dit, la globalité de la déclaration finale des États généraux est celle de l’ensemble des recommandations faites à la France pour mettre son système de sanctions pénales en conformité avec les droits de l’homme. Elle suppose un renversement de perspectives qui impose de reconsidérer l’ensemble de notre conception et de notre pratique de la peine privative de liberté tout comme les conditions d’élaboration des réformes à accomplir. Elle impose de prendre en compte que les problèmes posés à tous les niveaux du système pénal et carcéral doivent, pour éviter de reproduire les échecs passés, être abordés conjointement dans la perspective d’élaboration d’une loi pénitentiaire

L’engagement inédit de la majorité des candidats ne marque pas la fin de notre travail. Depuis le 14 novembre, un grand nombre de débats ont eu lieu en régions pour que l’ensemble des organisations partenaires des États généraux puisse aller à la rencontre du public expliquer le sens de leur engagement et de leurs propositions. Cet effort sera poursuivi et prolongé par un travail permanent de pédagogie. Point par point, les États généraux veulent, au fil des campagnes électorales présidentielle et législative, illustrer le sens de ce qu’ils proposent par contraste avec la situation actuelle et montrer que ces transformations seront bénéfiques tant pour les personnes détenues que pour tous ceux qui travaillent en prison et pour la société dans son ensemble. Par ailleurs, les États généraux de la condition pénitentiaire, au-delà des engagements aujourd’hui recueillis, seront attentifs sur la manière dont les différents candidats, au travers de leurs programmes respectifs, entendent les mettre en œuvre. Cette vigilance des États généraux étant appelée à se poursuivre au lendemain des différentes élections. »

Les États généraux de la condition pénitentiaire, mardi 16 janvier 2007