À l’ère du numérique, nos informations personnelles se retrouvent parfois accessibles à tout le monde : notre photographie, notre identité, et même nos parcours de vie. Cette mémoire numérique, qui persiste avec le temps, peut être source de difficultés, voire de discriminations – notamment à l’encontre des personnes qui sortent de détention. Pour autant, nous disposons de droits pour protéger notre vie privée en ligne.
Toute personne passée sous main de justice peut un jour être confrontée à la diffusion d’informations liées à son parcours judiciaire. Sa condamnation ou les faits qui lui sont reprochés peuvent ainsi faire l’objet d’articles de presse ou de publications sur les réseaux sociaux. Le fait que ces informations soient publiques et accessibles en ligne constitue parfois un frein à la réinsertion professionnelle, sociale et familiale – tout particulièrement après la fin de la peine. En effet, les personnes qui candidatent à un emploi, une formation professionnelle ou un logement sont souvent « googlisées », et il arrive que leur candidature soit écartée du fait de la visibilité d’informations liées à leur condamnation. Plus largement, ces données étant accessibles en quelques clics sur un moteur de recherche, les personnes condamnées pénalement peuvent être confrontées durant plusieurs années aux traces de leur parcours judiciaire – même après avoir purgé leur peine.
Toutefois, toute personne, quel que soit son parcours, a droit au respect fondamental de sa vie privée. Son nom, son prénom ou sa photo constituent des données personnelles, protégées par des droits. En France, c’est la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui accompagne les personnes à mieux les comprendre et les exercer. Le droit à l’effacement et le droit au déréférencement, en particulier, permettent de demander la suppression de contenus en ligne. La combinaison de ces deux droits forme ce que l’on appelle le « droit à l’oubli ».
Le droit à l’effacement
Si un média diffuse sur son site web ou sur les réseaux sociaux un article relatif à la condamnation pénale d’une personne, ou toute autre information gênante, en mentionnant son nom, son prénom ou sa photo, cette personne peut demander l’effacement des données qui la concernent. Le site peut parfois refuser, notamment si cela va à l’encontre de l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information.
Le droit au déréférencement
Il est également possible de rendre des contenus moins visibles en demandant aux moteurs de recherche (Google, Bing, etc.) de supprimer certains résultats associés à son nom. C’est le déréférencement. Le contenu restera cependant consultable depuis le site à l’origine de la diffusion.
Il est important de décrire précisément les raisons pour lesquelles le déréférencement est demandé (par exemple, « J’ai fini de purger ma peine et je souhaite suivre une formation professionnelle. Or, ce contenu porte préjudice à ma réinsertion »), en veillant à joindre tout élément utile à l’appui de la demande (un billet de sortie, par exemple). En effet, le moteur de recherche prendra en compte d’une part la protection de la vie privée et des données du demandeur, et d’autre part l’intérêt du public à connaître cette information.
Pour ces deux droits, en cas d’absence de réponse ou de refus, il est toujours possible de saisir la Cnil afin d’obtenir de l’aide : un·e spécialiste analysera plus en détail et gratuitement la demande de déréférencement ou d’effacement, et les arguments pour et contre. La Cnil mettra ensuite en balance différents critères afin de déterminer si le contenu en cause doit selon elle être supprimé, ou non. Si la réponse est négative, la Cnil en informe la personne concernée. Si la réponse est positive, la Cnil peut utiliser l’ensemble de ses pouvoirs pour contraindre le moteur de recherche ou le site à respecter les droits de la personne.

par TESS DELMAS, juriste et MARCO VERMEIL, chargé de sensibilisation aux droits à la CNIL
Cet article a été publié dans le Dedans Dehors N°126 Surpopulation carcérale : les personnes détenues prennent la parole