Édito, par Cécile Marcel, directrice de l’OIP-SF
« Comment garantir une meilleure qualité de service, un meilleur fonctionnement de l’institution pour une Justice plus rapide et plus efficace ? » C’est la question à laquelle ambitionnent de répondre les États généraux de la justice, annoncés par le président Macron avant l’été et lancés à l’automne. Une démarche qui pourrait être louable si elle n’arrivait pas à la fin d’un quinquennat qui s’est ouvert avec les Chantiers de la Justice, initiés en octobre 2017 – qui se sont traduits par la loi de programmation pour la Justice 2018-2022 –, et qui se clôt avec la loi dite « Pour la confiance en l’institution judiciaire », adoptée par le Parlement le 18 novembre dernier.
Qu’attendre dès lors de cette nouvelle initiative ? Une opportunité de sortir du populisme pénal et de poser les enjeux d’un débat informé en amont d’une élection présidentielle dominée par un emballement sécuritaire ? Pas vraiment, au vu du questionnaire sommaire proposé aux citoyens et qui ressemble avant tout à un énième sondage d’opinion. L’occasion de mettre à plat les causes des dysfonctionnements de la justice et les besoins pour y remédier ? Toujours pas, si l’on en croit les magistrats qui ont boudé la consultation et dénoncé un questionnaire orienté, qui dessine « une véritable destruction des fondamentaux de la justice », selon le Syndicat de la magistrature. L’occasion de consulter les personnes détenues sur leurs conditions de détention et les moyens de les améliorer ? À ce sujet, il faut au moins reconnaître que des questionnaires ont été diffusés en prison et des réunions organisées dans un certain nombre d’établissements. On attend de voir ce qu’il en sortira mais déjà, les premiers témoignages reçus à l’OIP laissent penser que cette consultation est loin d’être aussi libre, indépendante et ouverte qu’elle prétend l’être.
Quel qu’ait été l’agenda politique du gouvernement avec le lancement de ces États généraux, il vient d’être balayé par un profond mouvement de contestation du monde judiciaire. Plus de la moitié des juges ont signé, en novembre, une tribune dans laquelle ils affirment ne plus vouloir « d’une justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre tout et comptabilise tout », d’une justice « qui tend à faire des magistrats des exécutants statistiques, là où, plus que nulle par ailleurs, il doit être question avant tout d’humanité ». Le 15 décembre dernier, ils étaient dans la rue pour brandir le slogan #justicemalade. Ils dénoncent le manque de moyens et le manque de temps qui ne permettent pas de rendre une justice de qualité. Des insuffisances qui contribuent aussi, comme nous l’avons souvent souligné dans ces pages, à une justice d’abattage qui entraîne toujours plus de personnes derrière les barreaux à l’issue de procédures toujours plus expéditives.