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Le droit au respect de la vie privée et familiale réaffirmé par la Cour européenne

Dans un arrêt de Grande Chambre du 30 juin 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les restrictions apportées aux visites familiales d’un détenu ont violé le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la CEDH.

Purgeant une peine de réclusion à perpétuité, M. Khoroshenko a été soumis pendant les dix premières années de sa détention à un régime très strict : il ne pouvait pas recevoir plus d’une visite de quelques heures par semestre, limitée à deux adultes. Lors de ces visites, aucun contact physique n’était autorisé. L’intéressé ne pouvait s’entretenir avec ses visiteurs qu’à travers une paroi de verre ou des barreaux en métal, sous la surveillance constante d’un gardien. En outre, si M. Khoroshenko pouvait correspondre par écrit avec l’extérieur, il avait interdiction de téléphoner.

Or, «il est essentiel au respect de la vie familiale que l’administration pénitentiaire autorise ou, le cas échéant, aide le détenu à maintenir le contact avec sa famille » (§ 123), rappelle la Cour européenne. Certes, les États peuvent prendre des mesures pour contrôler les contacts des détenus avec le monde extérieur, telles que la limitation du nombre de visites, leur surveillance, voire, si la situation le justifie, la mise en place de modalités de visite particulières. Mais les atteintes portées à la vie familiale doivent être « nécessaire [s] dans une société démocratique », c’est-à-dire proportionnées au but poursuivi et fondées sur un « besoin social impérieux ». En particulier, l’État « ne peut avoir toute latitude pour introduire des restrictions générales sans prévoir une dose de flexibilité permettant de déterminer si les limitations apportées dans chaque cas particulier sont opportunes ou réellement nécessaires » (§ 126). En outre, pour se prononcer sur la proportionnalité des mesures prises contre les détenus, la Cour précise accorder une « importance croissante […] à la nécessité de ménager un juste équilibre entre la sanction et l’amendement des détenus » (§121). Et relève à cet égard que les États européens mettent de plus en plus l’accent sur l’objectif de réinsertion de la détention dans l’élaboration de leurs politiques pénales. La Cour relève ainsi que dans la majorité des États membres du Conseil de l’Europe, les visites familiales sont au minimum bimestrielles en ce qui concerne les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité. Dans ces conditions et compte tenu de la rigueur du régime de visite appliqué à M. Khoroshenko, la Cour conclut à l’unanimité à la violation du droit au respect de la vie privée et familiale.

Cour EDH, 30 juin 2015, Khoroshenko c/Russie, req. n°41418/04