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Soutien-gorge au portique : pratiques sexistes à l’entrée des prisons

Le 16 juillet 2021, alors qu’une avocate pénètre dans la maison d’arrêt de Grasse, le portique de sécurité sonne à son passage. Rentrée sans difficulté dans la prison le matin même, elle se voit cette fois-ci demander par l’agent en service de sortir et de retirer son soutien-gorge sur le parking de la maison d’arrêt. « J’ai indiqué à cet agent qu’il en était hors de question et qu’il convenait qu’il passe le magnétomètre, comme le font tous ses collègues depuis des années », explique l’avocate. L’agent lui aurait alors répliqué qu’il ne pouvait effectuer une telle opération, « et que si ses collègues faisaient autrement, c’est qu’ils faisaient mal leur travail ». Et un deuxième surveillant de lui asséner : « Vous êtes plein de lois, mais ici ce sont les règles. »

Les règles, les surveillants les méconnaissaient manifestement. Interpelée au sujet de cette pratique récurrente dès décembre 2019 par l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), la direction de l’administration pénitentiaire (Dap) avait, le 7 août 2020, confirmé que le déclenchement répété du portique devait entraîner le recours à un détecteur manuel de masses métalliques, précisant que demander aux personnes de se dévêtir constituait un manquement caractérisé aux obligations déontologiques des surveillants. Des consignes que la Dap a rappelées dans une note diffusée à tous les établissements le 20 juillet 2021.

Mais elles ne sont visiblement pas parvenues à tous les portiques : le 24 août 2021, à la maison centrale d’Arles, deux avocates ont été contraintes de retirer leur soutien-gorge, sans qu’un passage au magnétomètre ne leur ait été préalablement proposé ni qu’aucun lieu permettant de se dévêtir en conservant un tant soit peu d’intimité ne leur ait été indiqué. La prison comme la direction interrégionale ont été saisies de cette situation le lendemain de cette visite par le Conseil national des barreaux ainsi que par l’Ordre des avocats de Tarascon. Fin septembre, aucune réponse n’y avait encore été apportée.

Les proches des personnes détenues, soumises aux mêmes règles que les avocates, se retrouvent elles aussi souvent confrontées à ces pratiques arbitraires : « Au portique, on doit enlever son soutien-gorge, ses chaussures, son pull… Il faudrait presque se présenter nue », ironise une compagne. Mais pour elles, trois sonneries répétées du portique se soldent fréquemment par une interdiction pure et simple d’accéder à l’établissement pénitentiaire.

Charline Becker