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Violences : mensonges et cécité en commission de discipline

En janvier 2019, dans une prison du sud-est de la France, une altercation éclate entre monsieur Z. et une surveillante à l’occasion d’une fouille de cellule. Les affaires de monsieur Z. ont été placées dans un sac, que ce dernier demande à récupérer. La surveillante s’y oppose et lui demande de réintégrer sa cellule. Selon cette dernière, monsieur Z. reprend alors son sac, s’avance « d’un pas décidé » sur elle et « force le passage »(1). Un refus d’obtempérer et une violence qui vaudront à monsieur Z. une convocation en commission de discipline quelques jours plus tard. Lors de cette commission, Monsieur Z. reconnaît avoir refusé de réintégrer sa cellule mais nie vigoureusement avoir forcé le passage et bousculé la surveillante. En attestent, selon lui, les images de vidéosurveillance de la scène. Faisant fi de cette vidéo, pourtant visionnée lors de l’audience, la commission tranche : trente jours de quartier disciplinaire – la sanction maximale. Scandalisée, son avocate fait appel de la décision auprès de la direction interrégionale, qui confirme la version de monsieur Z. et annule, le 4 mars, la décision de la commission de discipline : selon elle, « la vidéo de surveillance ne permet pas d’attester de violence physique ». Cette affaire est révélatrice de certaines dérives au sein de l’administration pénitentiaire, largement documentées dans un rapport de l’OIP paru en juin(2) : la tendance, chez certains agents, à falsifier les comptes-rendus d’incident pour accabler la personne détenue, voire se disculper de violences qu’ils ont eux-mêmes commises. Pour contrer ces pratiques, la vidéosurveillance peut être perçue comme la solution miracle. L’affaire de monsieur Z. en montre cependant une des limites : même si les vidéos, chose rare, ont pu être conservées et visionnées, les images restent soumises à l’interprétation de la commission de discipline. Cette commission est présidée par le directeur de l’établissement, qui y est à la fois juge et partie. Partiale donc de par sa structure même, il est rare que l’arbitrage de la commission se fasse en faveur de la personne détenue.

par Charline Becker

(1) Extraits de la décision de la commission de discipline.
(2) Omerta, Opacité, Impunité : enquête sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues, 2019.