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La liberté d’expression de l’agent s’arrête là où la dignité du détenu commence

« Crapule au profil psy », « voyou », « vermine » ou encore « parasite » : ce sont les qualificatifs utilisés par le syndicat pénitentiaire Ufap-Unsa Justice pour désigner une personne détenue au centre pénitentiaire de Laon dans un tract dénonçant l’agression d’un surveillant, en octobre 2018. Au-delà des injures personnelles, le tract visait la population carcérale dans son ensemble en exigeant le transfert de la « voyoucratie », affirmant que le centre pénitentiaire « déborde de toutes ces racailles qui gangrènent les coursives ». L’OIP avait transmis ce tract au Défenseur des droits et demandé à la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille de constater les manquements aux obligations déontologiques commis par les agents responsables de sa rédaction.

Dans sa décision du 22 mars dernier, la Défenseure a recommandé un rappel des agents responsables de la rédaction du tract à leurs obligations déontologiques. Ces dernières imposent au personnel pénitentiaire d’avoir « le respect absolu des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire et de leurs droits » et de n’« user ni de dénomination injurieuse, ni de tutoiement, ni de langage grossier ou familier ». Elle a considéré que l’usage de dénominations injurieuses constituait une borne légale et proportionnée à la liberté d’expression dont jouissaient les agents en cause.

Remarquant que d’autres publications du bureau local de Laon, toujours accessibles sur le site internet du syndicat, « contenaient des propos de même nature », la Défenseure a également mis en garde face au risque que ce type d’incidents présente pour la sécurité et le bon ordre au sein des établissements pénitentiaires. En effet, dans un climat déjà tendu entre les détenus et l’administration pénitentiaire, de tels propos n’auraient pour effet que de décupler la tension et la méfiance.

Dernier point abordé par la Défenseure : le délai excessif dans lequel les autorités administratives ont répondu à sa demande d’information. Sollicitée le 26 février 2019, ce n’est que le 20 avril 2021 que celles-ci lui ont indiqué qu’aucune mesure n’avait été prise à l’égard des rédacteurs du tract. Comme le déplore la Défenseure, « une réponse trop tardive constitue un obstacle à la réalisation d’investigations, altère la qualité de l’enquête et le sens des conclusions ».

Cette décision fait écho à la condamnation, en 2017, d’un syndicat pénitentiaire du fait d’un tract dans lequel la population pénitentiaire était qualifiée de « voyous », de « crapules » et de « racaille ». La condamnation renouvelée de l’emploi de ces propos rappelle à nouveau l’administration pénitentiaire au respect de ses règles déontologiques en matière de respect des détenus.

par Salomé Busson-Prin