Depuis l’entrée en vigueur de la réforme de l’aide juridictionnelle en décembre 2020*, l’accès à cette prise en charge de l’État pour les frais liés à une procédure judiciaire semble singulièrement se compliquer pour les personnes détenues.
Prise en compte du revenu fiscal de référence, des revenus mobiliers ou immobiliers : autant de nouveautés dans cette réforme qui ont poussé certains bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) à exiger des personnes détenues qu’elles fournissent des documents supplémentaires.
Alors qu’auparavant, le certificat de présence ou la fiche pénale délivrés par l’établissement pénitentiaire suffisaient à l’octroi de l’aide juridictionnelle, certains BAJ, comme ceux d’Angers, Auxerre ou de Lille, demandent désormais de « fournir le justificatif de la maison d’arrêt indiquant si le demandeur à l’AJ exerce une activité rémunérée et dans l’affirmative, joindre les justificatifs de ses revenus », ou encore de « fournir la copie complète de l’avis d’imposition sur les revenus ».
Ces exigences – disparates d’un BAJ à l’autre – méconnaissent profondément la réalité de la vie en prison. Faute d’accès à Internet et parfois sans aide de la famille, réunir tous ces documents relève du chemin de croix pour les personnes détenues. L’épreuve devient quasiment insurmontable pour celles et ceux qui ne maîtrisent pas le français ou l’écrit – 6 % des personnes incarcérées ne parlent pas français et 11 % sont illettrées. L’exigence de justifier des revenus gagnés en détention paraît en outre décalée lorsque l’on sait que les détenus ayant la chance d’accéder à un emploi – seulement une personne sur quatre – ne bénéficient pas de contrat de travail et sont rémunérés entre 20 et 45 % du SMIC, lorsqu’ils ne sont pas payés à la pièce.
« Cette demande de justificatif alourdit inutilement, et, par conséquent, freine l’accès au droit des personnes détenues », s’indigne Matthieu Quinquis, avocat et membre de l’A3D, l’association des Avocats pour la défense des droits des détenus. Un avis que partagent la plupart des BAJ : « Avec l’entrée en vigueur de la réforme, on avait commencé à demander aux détenus des justificatifs de ressources, avec l’avis d’impôt sur le revenu. Ça a été très compliqué, les personnes n’arrivaient pas les à fournir. On a arrêté, on est revenu à l’ancien système », explique une salariée du BAJ de Lyon. De son côté, après avoir un temps demandé l’avis d’imposition, le BAJ d’Aix-en-Provence se contente désormais d’un certificat sur l’honneur de la personne détenue, indiquant que cette dernière ne dispose ni de revenus, ni de patrimoine. Une souplesse dictée par le bon sens qui n’a cependant pas cours dans toutes les juridictions.
Par Charline Becker
* Décret no 2020-1717 du 28 décembre 2020.