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Monsieur A., la prison malgré le grand âge

Monsieur A. est atteint de pathologies le rendant dépendant dans tous les actes de la vie quotidienne. Ballotté de sa prison à diverses structures de soins, il reste bloqué au sein d’un système pénitentiaire qui n’a aucune solution viable à lui offrir.

À 81 ans, Monsieur A. ne peut se déplacer, se laver ni se nourrir sans aide extérieure. Depuis quelques semaines, il a même besoin d’aide pour composer le numéro de téléphone de sa fille. Une expertise médicale de février 2023 a conclu que « la dépendance et la situation clinique de Monsieur A. justifient un hébergement en Ehpad », mais ce n’est que le 16 octobre qu’une suspension de peine lui a été accordée. En attendant qu’une structure d’hébergement veuille bien l’accueillir à l’extérieur, il reste bloqué à l’Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF), réservé aux personnes détenues mais inapproprié à son état. Un provisoire qui s’éternise.

Au centre de détention de Bédenac, où il était incarcéré jusqu’au début de l’année, Monsieur A. « ne pouvait plus se déplacer de son lit à son fauteuil roulant et dormait sur une chaise, la tête posée sur le rebord du lit », témoigne sa fille. Le 9 janvier, il est hospitalisé à Jonzac pour une fracture du bassin liée à des chutes répétées. Constatant un état de santé très dégradé et une dépendance importante, les médecins l’adressent le 20 janvier à l’Unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Bordeaux, dédiée aux patients détenus pour de courts séjours sous la surveillance de l’administration pénitentiaire. Monsieur A. est ensuite transféré, le 4 avril, à l’EPSNF pour des soins de suite et de réadaptation.

Au bout des six semaines prévues pour la rééducation, l’équipe de Fresnes demande son retour à Bordeaux – d’autant que Monsieur A. refuse les soins qui lui sont proposés. « C’était trop difficile pour lui, il est en surpoids morbide, il n’arrivait pas à faire les mouvements, à se soulever, il a baissé les bras », confie sa fille. D’après les médecins de l’EPSNF, Monsieur A. nécessite de toute façon des soins spécialisés qu’ils ne peuvent dispenser, et il était prévu qu’il passe une expertise psychiatrique à Bordeaux.

Mais le médecin en charge à l’UHSI, qui occupe seul l’équivalent de trois postes et demi, propose quant à lui que le patient soit renvoyé… à Bédenac. Une orientation dans l’intérêt de Monsieur A., d’après son chef de service, le docteur Brun : dès lors qu’un patient est placé à l’UHSI, les juges tendraient à considérer qu’il bénéficie d’une prise en charge suffisante et pourraient s’opposer à sa demande d’aménagement ou de suspension de peine. « Si l’on ne fait pas ça, on aura tous nos lits occupés durablement par des Monsieur A., ajoute-t-il. Or les UHSI ne sont ni conçues ni équipées pour accueillir ce type de patients. »

L’expertise médicale de février indiquait pourtant que « le centre de détention de Bédenac n’apparaît pas adapté à la prise en charge de Monsieur A. » Dans un mail adressé à l’UHSI et l’EPSNF, la cheffe par intérim du centre de détention, Murielle Damy, confirme que la situation y est « intenable autant pour lui que pour les personnels ». Des auxiliaires de vie sont censés passer à la prison trois fois par semaine, un rythme « rarement tenu » du fait d’absences régulières. « Si Monsieur A. devait être à nouveau transféré à Bédenac, alerte la directrice, ses conditions de détention seraient indignes. » Un avertissement étayé par les conclusions de plusieurs visites du Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) au sein de l’établissement[1].

En attendant qu’un Ehpad accepte de l’accueillir après sa suspension de peine, Monsieur A. réside donc toujours à l’EPSNF – qui n’a pourtant pas vocation à accueillir ce type de patients et n’est pas en mesure de lui offrir un accompagnement adéquat. Placé dans une chambre non adaptée à ses besoins, il n’a toujours pas récupéré une bonne part de ses affaires personnelles et dépend de la disponibilité du personnel pour chaque acte du quotidien. Jusqu’à quand ?

Par Odile Macchi

Cet article est paru dans la revue DEDANS DEHORS n°120 – Octobre 2023 : Placement extérieur, une alternative à la peine

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[1] Pour la dernière visite en date : CGLPL, 16-18 janvier 2023 – 3ème visite Centre de détention de Bédenac : suivi des recommandations en urgence (Charente-­Maritime)

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