Les enfants et adolescents incarcérés à l’EPM (établissement pour mineurs) de la Valentine, à Marseille, ont été privés de cours à plusieurs reprises au mois de mars, faute de personnel pénitentiaire pour assurer la surveillance et les déplacements jusqu’au pôle scolaire.
La proposition de loi de Gabriel Attal, adoptée le 26 mars par le Sénat, prévoit de multiplier les peines de prison pour les mineurs. Mais les élus ont-ils bien conscience de ce que ces peines signifient en pratique ? Lors de la visite du député Jean-François Coulomme à l’EPM de la Valentine, le 14 mars, trois surveillants seulement étaient présents en détention, pour les 54 enfants et adolescents répartis dans les sept unités de vie de l’établissement. En conséquence, les jeunes ont passé la journée confinés dans leur cellule, sans accès aux cours, aux activités sportives ou culturelles ou à tout autre temps collectif. « Priorité à la sécurité, à la promenade et à l’accès aux soins », a déclaré la cheffe d’établissement.
Cette situation n’est pas exceptionnelle à l’EPM : cette semaine-là, les cours et activités n’ont pu se maintenir que pendant une journée et demie. Les enseignements n’étant délivrés qu’à des groupes de taille réduite, certains élèves n’ont donc pas eu cours de la semaine. Le vendredi précédent, lors de la visite du député Hendrik Davi, les jeunes étaient là encore confinés en cellule, en raison de l’absence de la moitié de l’effectif de surveillants, en arrêt de travail. Le 7 comme le 14 mars, les députés n’ont croisé aucun jeune dans l’établissement, que ce soit dans les coursives, le gymnase ou les salles d’activité. D’après la direction interrégionale des services pénitentiaires (Disp) de Marseille, les promenades auraient toutefois été maintenues, ainsi qu’un « mode adapté des activités sportives » certains jours.
Dimanche 23 mars avec un seul agent sur place, ce sont les Équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris), dédiées en principe à la gestion sécuritaire des situations de tensions, qui ont assuré la garde de l’établissement. Ces équipes ne sont ni formées à la prise en charge des mineurs ni destinées à assurer des missions classiques de surveillance.
D’après la cheffe d’établissement, le 14 mars, l’« absentéisme » du personnel de surveillance est « chronique ». Le rapport d’activité de l’EPM précise en effet que chaque agent cumulait en moyenne 112 jours d’absence par an, pour congé maladie ou arrêt de travail, en 2023, et 81 l’année précédente. Pour l’année 2024, la direction interrégionale des services pénitentiaires (Disp) de Marseille évoque un taux d’absentéisme de 42,6%. Dans une lettre au député Jean-François Coulomme, le secrétaire général de la CGT PACA Corse, Paul Courtaro, évoque « des conditions de travail dégradées » et « un manque de reconnaissance du personnel », qui portent une « atteinte directe à la mission éducative et sécuritaire de l’établissement ».
Les conséquences sur les jeunes détenus sont en effet lourdes, pour la scolarité mais aussi pour le suivi éducatif. D’après Mattias Perrin, secrétaire régional du syndicat professionnel SNPES-PJJ-FSU, les éducateurs de milieu ouvert, qui assurent la continuité du suivi des jeunes, ont de plus en plus de difficultés à maintenir le lien avec eux dès lors qu’ils sont en détention : « De plus en plus de demandes d’accès ne sont pas validées par l’administration, et quand on obtient l’accès, les temps d’entretien sont réduits. La semaine dernière, une professionnelle du service (PJJ) a dû attendre 1h30 avant de voir le jeune avec lequel elle avait rendez-vous. »
Ouverts en 2007, les six établissements pénitentiaires pour mineurs répartis sur le territoire hexagonal, dotés de pôles socio-éducatifs et de terrains de sport, avaient pour mission de pallier les dysfonctionnements des quartiers mineurs des prisons en donnant la priorité à l’éducatif. La circulaire du 14 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs rappelle que ces derniers doivent « bénéficier des conditions les plus favorables en termes d’encadrement éducatif ou de préparation du projet de sortie ». Pourtant, les problèmes d’effectifs de l’administration pénitentiaire et le primat de la logique sécuritaire mettent à mal l’objectif éducatif, et avec lui les espoirs de réinsertion sociale des jeunes incarcérés dans ces structures. De février à juin 2024, l’EPM du Rhône a lui aussi connu des épisodes récurrents de confinement en cellule des enfants et adolescents, faute de personnel pénitentiaire pour les prendre en charge. Le problème n’est pas résolu en 2025, puisque lors d’une visite parlementaire dans cet établissement le 27 mars, les cours étaient à nouveau supprimés, toujours en raison du manque d’effectifs de surveillance.
Interpellé par l’Observatoire international des prisons (OIP), la Disp de Marseille a annoncé qu’elle allait « déployer quinze agents du centre pénitentiaire des Baumettes qui seront mis à disposition pendant un mois afin de venir renforcer les effectifs de l’EPM de la Valentine », et que « les heures de cours non suivies seraient rattrapées d’ici la fin de l’année scolaire ». L’OIP, inquiète des conséquences de ces manquements sur les parcours des jeunes, sera attentif au respect de ces engagements et à la mise en place de solutions pérennes. Au-delà, l’OIP tire, une fois de plus, la sonnette d’alarme sur la situation des mineurs incarcérés.
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