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Centre pénitentiaire de Fresnes : la direction de l’établissement une nouvelle fois sanctionnée pour sa pratique illégale des fouilles à nu systématiques

Pour la troisième fois en moins de dix mois, le tribunal administratif de Melun a condamné en référé ce samedi 4 mai 2013 la direction du centre pénitentiaire de Fresnes en raison du régime de fouilles intégrales systématiques imposé à toutes les personnes détenues à leur sortie des parloirs. Cette décision atteste une nouvelle fois du refus manifeste de la direction de cet établissement d'appliquer les dispositions prévues par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui prohibent le systématisme des fouilles à nu et de sa volonté assumée de s'affranchir des décisions de justice la condamnant. L'OIP en appelle désormais à la Garde des Sceaux pour qu'elle impose enfin à l'administration pénitentiaire le respect de la loi. Il doit en effet être mis fin à la pratique illégale des fouilles intégrales systématiques au centre pénitentiaire de Fresnes, mais aussi et plus largement, dans tous les autres établissements pénitentiaires français qui y ont recours, en attendant que l'usage même des fouilles à nu soit purement et simplement abandonné.

Dans son ordonnance du 4 mai 2013, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a suspendu « la décision du directeur du centre pénitentiaire de Fresnes, matérialisée par une note du 31 mars 2013, de maintenir l’application de fouilles corporelles intégrales systématiques à l’encontre de toutes les personnes détenues sortant des parloirs de l’établissement », estimant que ce régime de fouille méconnaît l’article 57 de la loi pénitentiaire et qu’il expose les personnes détenues à des traitements dégradants contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette décision rendue en urgence ne fait pas que sanctionner une pratique illégale gravement attentatoire à une liberté fondamentale : elle stigmatise également le refus persistant de la direction du centre pénitentiaire de Fresnes d’appliquer deux précédentes ordonnances de référé qui lui avaient déjà enjoint, les 17 juillet 2012 et 29 mars 2013, de ne plus soumettre les personnes détenues à des fouilles à nu systématiques à l’issue des parloirs. Soulignant « que dix mois se sont écoulés depuis qu’a été rendue la première [des] ordonnances », le juge des référés a ainsi dénoncé « la carence persistante de l’administration à exécuter ces décisions » de justice.

Comme en témoigne le refus du directeur du centre pénitentiaire de Fresnes de se soumettre aux décisions du Tribunal administratif de Melun, l’administration pénitentiaire n’a jamais accepté l’encadrement de l’usage des fouilles intégrales en détention. Alors que de nombreux autres établissements ont également recours à la pratique interdite des fouilles à nu systématiques, elle demande en effet « que la loi pénitentiaire puisse être modifiée afin d’autoriser le recours aux fouilles intégrales dès lors que les personnes détenues auraient un contact avec l’extérieur » ainsi que l’ont souligné les sénateurs Jean-René Lecerf (UMP) et Nicole Borvo Cohen-Seat (groupe communiste) dans leur rapport sur le bilan d’application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ces derniers ont pourtant averti qu’ils « ne sauraient accepter un tel retour en arrière ». Plus récemment, à l’occasion du débat sur le contrôle de l’application de la loi pénitentiaire qui s’est tenu au Sénat le 25 avril 2013, le sénateur Jean-René Lecerf a réaffirmé que les dispositions relatives aux fouilles contenues dans ce texte sont « de nature à protéger la dignité de chacun et à limiter le risque suicidaire, si préoccupant dans notre pays » et qu’elles « doivent être maintenues et appliquées ». Le sénateur Jacques Mézard, président du groupe RDSE, a quant à lui dénoncé « l’utilisation abusive et humiliante des fouilles malgré leur strict encadrement ».

Bien loin de la position et des pratiques actuelles de l’administration pénitentiaire, le législateur a en effet souhaité en 2009 encadrer strictement l’utilisation des fouilles intégrales, en leur attribuant un caractère exceptionnel et en précisant que l’objectif visé était d’arriver à leur disparition. En ce sens, M. Jean-René Lecerf et Jean-Paul Garraud, rapporteurs du projet de loi pénitentiaire au Parlement, avaient respectivement affirmé que « les cas de fouille intégrale [devaient] se réduire avec le progrès technique » et, qu’à terme, les équipements de détection « permettront certainement la suppression des fouilles intégrales ». Dénonçant l’absence de politique volontariste en matière d’équipements de détection, le sénateur Lecerf demandait le 25 avril dernier « que l’on arrête (…) de nous dire que ces scanners corporels coûtent trop cher ! Le prix de 150 000 euros, dont le montant serait revu à la baisse si l’administration pénitentiaire en acquérait le nombre nécessaire, ne correspond qu’à peine au prix d’une place de prison supplémentaire ». Et la sénatrice Virginie Klès (groupe socialiste) de surenchérir : « il est urgent de mettre en place des scanners corporels pour rétablir la sécurité, sans porter atteinte à la dignité des détenus ni des surveillants ».

Sept ans après la première condamnation de la France par la Cour Européenne des droits de l’Homme pour sa pratique des fouilles à nu, plus de trois ans après l’adoption de la loi pénitentiaire qui est venue encadrer strictement l’usage de la fouille en détention, et plus dix-sept mois après le début de la campagne contentieuse de l’OIP qui a entraîné la condamnation des directions des établissements pénitentiaires de Rennes, Poitiers-Vivonne, Bourg-en-Bresse, Nancy, Lyon-Corbas, Bapaume, Salon-de-Provence, Joux-la-Ville, Varennes-le-Grand, Saint-Quentin-Fallavier ou encore Oermingen pour un recours illégal à des régimes de fouilles intégrales systématiques, il est aujourd’hui urgent et nécessaire pour la Garde des Sceaux de faire enfin appliquer les dispositions de la loi pénitentiaire par l’administration placée sous son autorité, en faisant immédiatement cesser l’application de ces régimes toujours en vigueur dans de nombreux établissements pénitentiaires.

L’OIP demande en outre que les mesures soient prises pour que, comme le souhaitait le législateur, disparaissent des prisons françaises la fouille à nu, mesure particulièrement intrusive et humiliante pour celui qui la subit, dégradante pour celui qui la pratique, qui génère par ailleurs en elle-même des troubles à l’ordre et à la sécurité par la maltraitance des personnes qu’elle emporte.

L’OIP rappelle :

– l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » et l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme El Shennawy c/ France du 20 janvier 2011 : « des fouilles intégrales systématiques non justifiées et non dictées par des impératifs de sécurité, peuvent créer chez le détenu le sentiment d’être victime de mesures arbitraires. Le sentiment d’arbitraire, celui d’infériorité et l’angoisse qui y sont souvent associées et celui d’une profonde atteinte à la dignité que provoque l’obligation de se déshabiller devant autrui […], peuvent caractériser un degré d’humiliation dépassant celui, tolérable parce qu’inéluctable, que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus » ;

– le Conseil d’État : « le droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par la Constitution et par les stipulations des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale » (CE, 30 juin 2009, Berghal, n° 328879 ; voir également en ce sens CE, 13 mars 2006, Bayrou et autres, n° 291118) et la Cour européenne des droits de l’Homme : « l’exécution d’un arrêt ou d’un jugement, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6. Si l’administration refuse ou omet de s’exécuter, ou encore tarde de le faire, les garanties de l’article 6 dont a bénéficié le justiciable pendant la phase judiciaire de la procédure perdraient toute raison d’être » (Cour EDH, 14 décembre 1999, Antonakopoulos, Vortsela et Antonakopoulou c/ Grèce, n° 37098/97, § 25 ; Cour EDH, 19 mars 1997, Hornsby c/Grèce, n° 18357/91, §§ 40-41) ;

– Christiane Taubira, députée de Guyane, à l’occasion des débats sur le projet de loi pénitentiaire : « les fouilles intégrales constituent une humiliation. Nous ne pouvons pas proclamer constamment notre humanisme, au motif qu’il a inspiré quelques articles de loi, si on l’oublie au moment de le mettre en pratique. Il ne suffit pas d’être humain face à celui qui est sage, raisonnable, qui a un emploi et un logement, qui traverse dans les clous et qui respecte les feux rouges… Il s’agit aussi et peut-être surtout d’avoir des gestes d’humanité vis-à-vis de celui qui se trouve en marge de la société, de celui qui a pu vaciller à un moment donné, de celui qui est en situation de vulnérabilité, y compris éventuellement en détention. Or la fouille est intrinsèquement un geste de déni d’humanité. Il s’agit d’ailleurs de la pratique la plus courante dans les dictatures : lorsque de tels régimes veulent écraser un esprit, ses agents commencent par dénuder l’opposant, le résistant, pour le réduire à sa stricte dimension corporelle. La fouille constitue vraiment une agression insupportable. C’est pourquoi il faut intervenir en ce domaine, non pas en usant de figures de style pour prétendre que cette pratique est subsidiaire, justifiée par des nécessités – que personne ne définit –, liée à la personnalité – dont personne n’établit la typologie. Ce n’est pas avec de telles échappatoires que vous allez réaffirmer votre humanisme, mes chers collègues, mais en reconnaissant que le prisonnier est un homme. Il l’a été avant, il le demeure emprisonné, et il le sera de mieux en mieux après si nous l’accompagnons vers sa sortie ».

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