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Lorient-Ploemeur : l’indignité des conditions de détention condamnée

Saisi par l’OIP et l’ordre des avocats du barreau de Nantes, le tribunal administratif de Rennes a ordonné à l’administration pénitentiaire d’agir contre l’indignité des conditions de détention au centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur. Une décision qui vient rappeler, en plein débat sur la création d’une voie de recours permettant aux détenus de contester leurs conditions de détention, que seule une véritable politique de déflation carcérale serait à même de redresser la situation que connaissent les établissements pénitentiaires français depuis de très nombreuses années.

Dans une ordonnance du 17 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a estimé que les conditions d’incarcération au sein de la prison de Ploemeur exposent les personnes détenues à une « atteinte à la dignité humaine » ainsi qu’à un « risque d’atteinte caractérisée au droit à la vie ».

Le centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur se trouve depuis de nombreuses années dans une situation particulièrement critique et inquiétante en raison notamment d’un taux d’occupation très élevé et d’infrastructures vétustes et inadaptées. Dans un rapport de visite daté de 2018, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté relevait ainsi que « l’établissement se caractérise par des conditions matérielles d’hébergement indignes, aggravées par une surpopulation pénale endémique et un sous-effectif des agents. »

Dans sa décision, le tribunal a enjoint d’abord à l’administration de réaliser un diagnostic amiante, constatant que « l’ensemble des bâtiments du centre pénitentiaire comporte de l’amiante » et que cela constitue un obstacle à la réalisation de travaux. Il ordonne également l’installation d’un système d’interphonie dans toutes les cellules de la maison d’arrêt et la mise aux normes des installations électriques de l’établissement. Le juge des référés a encore prescrit à l’administration pénitentiaire d’améliorer l’aération naturelle des cellules, le cas échéant par la suppression des caillebotis (grillages) sur les fenêtres. Au sein du quartier maison d’arrêt, où la densité carcérale est la plus importante puisqu’elle atteignait les 168% au 1er mars 2021, il a enjoint à l’administration de prendre les dispositions pour qu’aucune personne détenue ne dorme sur un matelas à même le sol et d’assurer, dans l’ensemble des cellules de ce quartier, la séparation des sanitaires du reste de l’espace de vie. Enfin, constatant des insuffisances en matière d’hygiène, le juge a ordonné à l’administration de prendre des mesures permettant d’améliorer l’accès aux produits d’entretien des cellules ainsi qu’aux sacs poubelle – devant être ramassés quotidiennement – et au papier hygiénique et de procéder au nettoyage des abris des cours de promenade.

Néanmoins, et conformément aux principes posés par la jurisprudence du Conseil d’État, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a refusé d’ordonner des mesures qu’il qualifie de « structurelles », telles que de lourds travaux, et qui seraient, selon lui, « insusceptibles d’être mises en œuvre et, dès lors, de porter effet à très bref délai ». Alors qu’un texte est actuellement en discussion au Parlement afin de créer une voie de recours à même de garantir aux personnes détenues la possibilité de saisir un juge de conditions de détention contraires à la dignité humaine afin qu’il y soit mis fin, cette décision vient donc rappeler l’insuffisance des recours actuels, déjà dénoncée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans l’arrêt JMB et autres c. France du 30 janvier 2020.

Cependant, la création d’une voie de recours ne saurait à elle seule redresser la situation que connaissent les établissements pénitentiaires français depuis de très nombreuses années. Ces derniers mois, les prisons de Nouméa, Nanterre ou Faa’a Nuutania ont elles aussi été visées par des injonctions prescrivant à l’administration d’apporter des améliorations aux conditions de détention : la décision rendue par le tribunal administratif de Rennes ne fait que rappeler que l’indignité des conditions d’incarcération est d’une triste banalité dans les prisons françaises. Comme l’y enjoignait la CEDH, la France doit désormais accompagner la mise en place d’une voie de recours par « l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention ».

Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96

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