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Maison d’arrêt de Lille-Sequedin (Nord) : le ministère de la Justice refuse de donner suite à l’avis de la CNDS relatif à l’usage prohibé d’un bâillon sur un détenu

Dans un avis n°2009-27 publié le 10 juin 2011, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) dénonce l'usage d'un bâillon à l'encontre d'un détenu en février 2008, pratique dangereuse, prohibée depuis une note de l'administration pénitentiaire (AP) en 2006. Le ministère de la Justice n'entend pas donner suite aux préconisations de la CNDS, notamment en ce qui concerne l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre de l'agent en cause.

Au terme de deux ans d’enquête, la CNDS établit qu’un bâillon a bien été utilisé, le 28 février 2008, par le personnel de surveillance de la maison d’arrêt de Sequedin (59), sur la personne de M.B., à l’occasion de la maîtrise dont il a fait l’objet devant sa cellule par huit surveillants alors qu’il venait de donner des coups à plusieurs d’entre eux. Une bande vidéo enregistrée depuis une caméra de surveillance a confirmé sans équivoque les allégations de M.B. : « une serviette a été sortie par une surveillante (…) qui l’a remise à un autre surveillant », « elle a été pliée et placée autour de la tête du détenu au niveau de la bouche ».

Dans ses recommandations, la CNDS demande en premier lieu que soient rappelés « à l’ensemble des surveillants de la maison d’arrêt de Lille-Sequedin ainsi qu’à l’ensemble des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire les termes de la note du 9 octobre 2006 qui proscrit l’usage d’un bâillon, quelles que soient les circonstances et l’attitude du détenu ». Il apparaît en effet que sur les trois fonctionnaires entendus par la CNDS, un seul avait connaissance de l’interdiction de la technique du bâillon dans les prisons françaises. Sur cette question, le garde des Sceaux s’est contenté, dans sa réponse du 12 avril 2011, d’indiquer qu’il existait une formation dont l’objectif est de « permettre aux personnels d’agir en suivant un processus organisé, en utilisant des moyens règlementaires et en adéquation avec les règles pénitentiaires européennes, des techniques apprises et comprises, adaptées à la situation et à l’environnement » et qu’il allait demander au directeur de l’AP de rappeler aux chefs d’établissements de « veiller à l’organisation de sessions de formation aux techniques d’intervention pénitentiaire ».

En second lieu, la CNDS demande à l’administration de « recherch[er] l’identité du surveillant ayant fait l’usage du bâillon et que des sanctions disciplinaires soient prises à son encontre ». Le ministre de la Justice répond par la négative, expliquant que « l’ancienneté de l’incident et l’impossibilité d’identifier les protagonistes sur la bande vidéo enregistrée depuis la caméra de vidéo-surveillance de la coursive, interdisent aujourd’hui la conduite d’une enquête administrative permettant d’établir avec certitude la matérialité des faits et d’en identifier l’auteur ».

Si aucune enquête administrative n’a effectivement été diligentée par l’Inspection des services pénitentiaires, la direction de la maison d’arrêt de Sequedin a établi dès le 29 février 2008, un rapport circonstancié sur les faits. Il y est fait totale abstraction de l’usage du bâillon, mais y figure la liste nominative des douze agents présents lorsque M.B. a été maîtrisé. Dans ces conditions, l’identification de l’agent, dont le visage était « nettement reconnaissable sur la bande vidéo », ne relevait pas de l’impossible pour l’administration pénitentiaire. La CNDS déplore ainsi n’avoir pas été autorisée à interroger ce fonctionnaire, soulignant que « ses collègues, entendus par la commission, [avaient] prétendument oublié son nom ».

Enfin, l’OIP rappelle que les procès verbaux issus de la procédure judiciaire engagée contre M.B. pour les violences à l’encontre des personnels, comportent les témoignages de différents surveillants confirmant l’utilisation d’un bâillon à l’encontre du détenu. L’un d’eux indique qu’un « collègue a donc récupéré une serviette pour la mettre autour de la bouche de M.B. et éviter une morsure ». Devant la CNDS, seul, un agent atteste avoir vu la serviette posée sur la bouche du détenu, précisant toutefois avoir immédiatement informé ses collègues sur l’interdiction de cette pratique, de sorte que le bâillon aurait été retiré « deux à trois secondes » après. Une version très différente de celle de M.B. qui affirme que le bâillon aurait été maintenu durant son transport sur la coursive du premier étage et dans les escaliers : il n’aurait été retiré qu’au rond point central du rez-de-chaussée, au moment où ne parvenant plus à respirer, il aurait simulé une perte de connaissance.

Sollicitée par l’OIP sur les suites qu’elle entendait apporter à l’avis de la CNDS, la direction du centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin a indiqué ne pas souhaiter répondre.

L’OIP rappelle :

– L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

– Le rapport 2005 du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) relatif à sa visite du 13 au 20 décembre 2004 : soulignant que « bâillonner une personne constitue une mesure extrêmement dangereuse », le CPT avait demandé au gouvernement français d’abroger immédiatement cette pratique et « de veiller à expressément prohiber pour l’avenir tout moyen de contrainte susceptible d’obstruer partiellement ou totalement les voies respiratoires (nez et/ou bouche). »

– La note du Directeur de l’Administration pénitentiaire en date du 9 octobre 2006 qui, « eu égard à plusieurs cas récents de difficultés graves liées à ce type de contrainte », a définitivement prohibé cette pratique.

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