La section française de l’OIP informe des faits suivants :
Les mesures proposées pour réformer la justice à la suite de l’affaire dite « d’Outreau » font, à juste titre, débat.
Mais devrait également être ouvert un débat public sur les problèmes dont l’actuel projet ne dit rien alors qu’ils ont été au cœur du drame vécu par les personnes acquittées, comme ils le sont aujourd’hui encore pour plusieurs milliers de personnes : les conditions et la durée de la détention avant jugement.
Après le témoignage impressionnant des acquittés d’Outreau sur leurs conditions de détention, les députés ont affirmé dans leur rapport : « Il est certes excessif de ramener tous les dysfonctionnements dans cette affaire au problème de la détention provisoire. Pourtant, l’affirmation d’une conviction aussi largement partagée et les témoignages très forts des acquittés sur ce sujet prouvent bien que l’utilisation qui fut faite de la détention provisoire et le caractère inopérant de son contrôle, resteront sans doute, par leurs conséquences humaines, le dysfonctionnement majeur de l’affaire d’Outreau ».
A l’heure où est présenté le projet de réforme supposé répondre à ce drame, la seule mesure envisagée concerne le contrôle de l’instruction : « La chambre de l’instruction de la cour d’appel statuera en audience publique sur l’ensemble de la procédure, six mois après le premier placement en détention ».
Une proposition qui passe sous silence les trois enjeux essentiels pour transformer la situation des personnes prévenues : Qui est susceptible d’être détenu avant son procès ? Quelles sont les limites de la durée de cette détention prévues par la loi ? Dans quelles conditions cette détention est-elle effectuée ? Les députés l’ont bien vu, qui ont dénoncé dans leur rapport « la proportion de placements en détention provisoire par rapport aux solutions alternatives possibles », « des détentions [qui] choquent par leur durée » et « les conditions de la détention provisoire ».
Trois types de mesures devraient répondre à ces préoccupations : limiter drastiquement le nombre de personnes qui encourent l’emprisonnement avant jugement, limiter tout aussi drastiquement les durées maximales de placement en détention provisoire, réformer les prisons pour que la détention provisoire, comme toute détention, s’exécute dans le respect des droits fondamentaux des personnes.
Dans le rapport suivant sa visite en France de 2003, le Comité européen de prévention de la torture (CPT) avait considéré que les conditions de détention dans les maisons d’arrêt qu’il avait visitées pouvaient « légitimement être décrites comme s’apparentant à un traitement inhumain et dégradant ».
Il en appelait, entre autres, « aux autorités françaises pour qu’elles s’inspirent (…) de la Recommandation R (80) 11 relative à la détention provisoire » de 1980, en particulier en ce qui concerne les principes généraux suivants : « Étant présumé innocent tant que la preuve de sa culpabilité n’a pas été établie, aucun prévenu ne doit être placé en détention provisoire, à moins que les circonstances ne rendent cette détention strictement nécessaire. La détention provisoire doit ainsi être considérée comme une mesure exceptionnelle et ne jamais être obligatoire ni utilisée à des fins punitives ». Le Comité invitait également la France à se reporter au paragraphe 11 de l’Annexe à la Recommandation R (99) 22 concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale de 1999 : « L’application de la détention provisoire et sa durée devraient être réduites au minimum compatible avec les intérêts de la justice ».
Dans ses recommandations, la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire dite « d’Outreau » avait fait la proposition d’instaurer des limites à la détention avant jugement (un an en matière délictuelle, deux ans en matière criminelle), malheureusement assorties d’exception qui en limitait considérablement la portée (personnes en état de récidive, ou prévenus d’infractions relevant de la criminalité organisée ou du terrorisme). Elle n’avait fait aucune préconisation précise concernant les conditions dans lesquelles la détention provisoire s’exerce.
En janvier 2006, Pascal Clément avait déclaré : « Nous devons lutter contre cette culture française de la détention provisoire. En particulier lorsqu’elle est utilisée pour obtenir des aveux, car la loi l’interdit ! Il y a trop de personnes en détention provisoire en France : cela représente entre 35 % et 40 % de la population carcérale, alors que l’on devrait être plus proche de la moyenne européenne (20 %) ».
Le projet aujourd’hui présenté par le gouvernement passe tout simplement l’ensemble de la question à la trappe.
L’OIP demande que soient élaborées dans le cadre de la réforme de la justice des dispositions permettant concrètement de limiter la durée et de réformer les conditions de la détention provisoire.