M.H. a été sanctionné à 30 jours de « mitard » pour une faute passible de 20 jours au maximum. Il se voit ainsi contraint de passer les fêtes de fin d'année au quartier disciplinaire du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) alors même qu'il a tenté d'y mettre fin à ses jours le 4 décembre dernier.
Le Tribunal administratif de Grenoble examinera le 16 décembre à 15 heures le recours formé en urgence par l’avocat de M.H. contre une décision de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier de placer l’intéressé au quartier disciplinaire jusqu’au 1er janvier 2010. M.H. est maintenu au « mitard » depuis quatorze jours, et doit y passer les fêtes de fin d’année alors que sa fragilité psychologique est avérée : le 4 décembre, il a été sauvé in extremis par un personnel de surveillance qui l’a retrouvé pendu à l’aide d’un drap, ses pieds ne touchant plus le sol. Après avoir été décroché par le surveillant puis examiné par le service médical, M.H. a cependant été remis en cellule disciplinaire, se voyant en outre contraint de remettre ses draps et ses vêtements contre un pyjama en papier, en prévention d’un éventuel nouveau passage à l’acte.
Contacté par l’OIP, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Lyon, qui assure les soins au sein de la prison de Saint-Quentin-Fallavier, indique que M.H. a été vu après son passage à l’acte par un généraliste et un psychiatre, qui n’ont pas fait de « certificat de contre indication » au maintien au quartier disciplinaire. Bien que le CHU confirme que M.H. « a fait une tentative de suicide », le service médical déclare être opposé, par principe, à son immixtion dans les questions pénitentiaires. Les personnes repérées comme fragiles et maintenues au quartier disciplinaire se voient remettre un « kit prévention suicide » qui comprend un pyjama en papier. Il ne leur est en outre laissé « aucun drap » ni « aucune literie » , ce dont les personnes concernées se plaignent aux soignants. Ces derniers considèrent le pyjama papier comme « une grosse bêtise » : la première personne à qui il a été fourni a tenté de se pendre avec la « ceinture rigide » du vêtement, qui « n’a pas craqué ». Depuis, le CHU a demandé à l’administration pénitentiaire de retirer toutes ces ceintures. Le problème est loin d’être anecdotique puisque les tentatives de suicide au quartier disciplinaire sont « quasi hebdomadaires ».
Le 4 décembre 2009, M.H. avait comparu devant la commission de discipline de l’établissement pour avoir proféré, le 2 décembre lors de son arrivée au sein du centre pénitentiaire, « des insultes ou des menaces à l’égard d’un membre du personnel de l’établissement » et provoqué « un tapage de nature à troubler l’ordre de l’établissement ». Le jour même, il avait été placé « en prévention » en cellule disciplinaire. C’est donc au total à 30 jours de « mitard » que M.H. a été sanctionné, alors que le maximum légalement prévu est de 20 jours pour ce type de faits depuis la promulgation de la loi pénitentiaire.
Contactée par l’OIP à deux reprises sur la situation de M.H. et la problématique de la prévention du suicide au quartier disciplinaire, la direction du centre pénitentiaire a indiqué ne pas répondre oralement aux « questions particulières ».
L’OIP rappelle :
– que la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009, entrée en vigueur le 26 novembre 2009, énonce à l’article 91 que « le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes » ;
– que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le placement au quartier disciplinaire d’un détenu souffrant de troubles psychiques et suicidaire avait constitué un traitement inhumain et avait violé le droit à la protection de la vie (CEDH, Renolde c/France, 16 octobre 2008). La Cour avait souligné dans cette affaire que « le placement en cellule disciplinaire isole le détenu, en le privant de visites et de toute activité, ce qui est de nature à aggraver le risque de suicide lorsqu’il existe » ;
– que la circulaire du 29 mai 1998 sur la prévention des suicides en prison met en garde les chefs d’établissement sur le fait que, « S’il est constant que certains actes auto-agressifs constituent, de la part du détenu, un moyen de pression par rapport à l’institution carcérale, il n’en demeure pas moins vrai que celui-ci, qui ne peut être présumé par l’administration, n’est pas exclusif d’une souffrance et d’un risque suicidaire sérieux. Vis à vis de l’institution pénitentiaire et plus globalement de l’institution judiciaire, l’acte auto- agressif peut être vécu comme le seul moyen de formuler une demande ou de s’opposer à l’autorité qu’elle représente ».