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Une personne transgenre discriminée par l’administration pénitentiaire à la prison de Muret

Depuis le mois de décembre 2022, Angèle, femme transgenre incarcérée à la prison de Muret, ne reçoit plus de courrier, à moins que celui-ci soit adressé à « Monsieur Roland M. », son ancienne identité. Un retour en arrière sur un droit acquis, qui souligne les errements de l’administration pénitentiaire dans l’accès aux droits fondamentaux des personnes transgenres.

Incarcérée depuis janvier 2022 au centre de détention pour hommes de Muret, Angèle, femme transgenre, a entamé des démarches de changement d’état de civil et de transition. Informée en avril 2022 de ces démarches, la direction de l’établissement accepte de la genrer au féminin, et les surveillants du bâtiment sont informés de son identité : « Il n’y en a qu’un qui a changé d’attitude à mon égard, les autres sont bienveillants », confie-t-elle alors. Pourtant, depuis le mois de décembre, les courriers qu’elle reçoit au nom de Madame Angèle M. sont systématiquement bloqués, sans que ce changement ne lui ait été notifié et motivé.

En principe, il n’est nul besoin d’avoir obtenu un changement d’état civil pour obtenir le respect de son identité de genre, en respect des principes énoncés par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2003. Pour la CEDH, le respect de l’identité de genre, même lorsqu’elle est différente du genre officiellement assigné, est une composante du respect de la dignité humaine. Ce point est d’autant plus important concernant les personnes détenues pour qui la longueur et la complexité des démarches de changement de genre sont renforcées par la détention : les personnels d’insertion et de probation chargés d’accompagner les personnes dans leurs démarches ont rarement été formés à l’exercice, et les éléments de preuve « de vie en tant que femme » à fournir sont difficiles à collecter en prison[1].

Dans son avis relatif à la prise en charge des personnes transgenres dans les lieux de privation de liberté, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) précise que la personne « doit être invitée à indiquer la civilité et le prénom selon lesquels elle désire être désignée […]. Les préférences ainsi exprimées doivent être respectées » [2].

Depuis plusieurs années, le ministère de la Justice indique mener des actions en ce sens. Dans une réponse au Sénat de janvier 2020, le ministre déclarait que « l’administration pénitentiaire met[tait] en œuvre des actions visant au respect de l’identité de genre exprimée par chaque détenu ». Dans sa réponse à l’avis du CGLPL en juillet 2021, il annonçait qu’un référentiel était en cours de rédaction[3]. Pourtant à ce jour, la Direction de l’administration pénitentiaire nous indique qu’il est « toujours en cours de finalisation ». Sa mise en œuvre n’est donc pas pour demain.

Faute de l’existence de ce référentiel et de sa diffusion, les personnes transgenres sont le plus souvent victimes de mégenrage, où qu’elles soient détenues. Certains agents refusent d’acheminer le courrier mentionnant « Madame » et le prénom féminin d’usage, « au motif qu’il n’y a pas de raison d’appeler Madame une personne affectée en établissement pour hommes »[4].

Saisie par l’Observatoire international des prisons (OIP), la direction de la prison de Muret n’a pas souhaité apporter de réponse.

Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps – 07 60 49 19 96


[1] F. Bès, « Transition : un chemin semé d’embûches », Dedans Dehors, n° 112, octobre 2021, p. 30.
[2] CGLPL, avis du 25 mai 2021 relatif à la prise en charge des personnes transgenres dans les lieux de privation de liberté, publié au Journal officiel de la République française du 6 juillet 2021
[3] Observations du Ministre de la Justice en réponse à l’avis du 25 mai 2021 relatif à la prise en charge des personnes transgenres dans les lieux de privation de liberté, 7 juillet 2021.
[4] François Bès, « Femmes trans en prison, ostracisées et discriminées », Dedans Dehors, n° 112, octobre 2021, p. 27.