Les recours administratifs
Avant d'engager un recours contentieux devant le juge administratif, le détenu peut demander à l'autorité décisionnaire de revenir sur sa décision (recours gracieux) ou à son supérieur de la modifier ou de l'annuler (recours hiérarchique). Dans certains cas, ce recours administratif peut être obligatoire avant de pouvoir saisir le tribunal administratif.
Toute décision prise par l’administration peut faire l’objet d’un recours administratif. La décision administrative contestée peut être une décision écrite (explicite). Mais une décision administrative n’est pas forcément toujours formalisée. Elle peut être « implicite », lorsque l’administration ne répond pas à une demande qui lui a été adressée depuis plus de deux mois (art. L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration). L’existence d’une décision administrative informelle peut aussi être révélée par l’action de l’administration (le fait de soumettre une personne détenue à des fouilles à nu à la sortie de chaque parloir révèle l’existence d’une décision administrative d’appliquer un régime de fouilles intégrales systématiques à la personne concernée.
Attention : dans certains cas, l’absence de réponse de l’administration pénitentiaire à une demande pendant plus de deux mois équivaut non pas à une décision implicite de rejet mais à une décision implicite d’acceptation.
Tel est le cas dans les demandes suivantes :
– organisation d’une réunion entre personnes détenues du régime spécial
– perception de subsides non soumis à répartition
– perception de subsides de la part d’une personne non titulaire d’un permis de visite
– certificat de présence
– accès aux éléments de la procédure hors procédure en matière disciplinaire et isolement
– travail pour son propre compte ou pour le compte d’une association (à la demande d’une personne détenue)
– assistance par un avocat dans le cadre d’une procédure disciplinaire
– sortie d’un écrit rédigé en détention en vue de sa publication
– entretien avec un aumônier
– participation demandée par une personne détenue à la préparation et à l’animation d’une activité
– envoi à un tiers ou consignation des sommes en possession de la personne détenue lors de son incarcération
– obtention de produits d’hygiène personnelle
– levée de la mesure d’isolement dans l’hypothèse où l’isolement est prononcé à la demande du détenu
– restitution de documents personnels détenus par le greffe
– accès au point d’accès au droit
– parloir équipé d’un dispositif de séparation
– réception ou envoi de publications écrites et audiovisuelles par dépôt à l’établissement
– entretien avec un aumônier pendant les heures de travail
– maintien d’un enfant de plus de 18 mois auprès de la mère détenue
– versement d’une somme d’argent à l’extérieur par un détenu condamné
– autorisation de téléphoner présentée par une personne condamnée
– possession d’une somme d’argent à l’occasion d’une mesure de placements à l’extérieur, de -placement sous surveillance électronique, de semi-liberté et de permission de sortir
– versement au créancier de la personne détenue du montant du pécule de libération et de la part réservée aux parties civiles pour les détenues sous contrainte judiciaire
– obtention de vêtements
– remise d’objets à un tiers
– sortir d’un écrit rédigé en détention en vue de sa publication
– report d’élargissement
– achat de biens en cantine
– obtention d’objets ou de livres cultuels
– envoi d’argent à la famille
– possession d’une somme d’argent à l’occasion d’une hospitalisation
– entretien avec le chef d’établissement
– présentation aux épreuves d’un examen
– assistance ou représentation par un avocat ou un mandataire
– mesure de protection individuelle
Le recours gracieux est une requête écrite adressée à l’auteur d’une décision défavorable visant à ce qu’il revienne sur celle-ci.
Toutes les décisions prises par le chef d’établissement sont susceptibles de faire l’objet d’un recours gracieux, comme par exemple le refus d’autoriser un parloir prolongé (double parloir). Par ailleurs, la personne détenue qui sollicite une audience auprès du directeur doit en principe être reçue si elle invoque un motif suffisant (Article 34 du Décret n°2013-368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires annexé à l’article R.57-6-18 du Code de procédure pénale).
Le recours gracieux peut être adressé sur papier libre, aucune forme particulière n’étant imposée. Il est toutefois recommandé de faire parvenir sa requête en recommandé avec accusé réception, afin de conserver une preuve de son envoi. Il est également vivement conseillé de conserver une copie de la lettre, ainsi que des pièces jointes et des justificatifs de leur envoi et de leur bonne réception par l’administration.
À tout moment, il est possible de saisir le chef d’établissement pour lui demander de revenir sur l’une de ses décisions. Mais si l’objectif est de saisir ensuite une juridiction, il est important de former son recours gracieux dans les deux mois qui suivent la mesure ou la décision critiquée.
Le recours hiérarchique consiste pour le détenu – ou toute autre personne concernée – à demander par écrit la modification ou la suppression d’une décision au supérieur hiérarchique de l’auteur de cette décision.
Pour les décisions prises par le chef d’établissement, le recours hiérarchique est à adresser au directeur interrégional des services pénitentiaires ; pour celles prises par le directeur interrégional des services pénitentiaires, il faut s’adresser au ministre de la justice (Article 34 du Décret n°2013-368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires annexé à l’article R.57-6-18 du Code de procédure pénale).
Toute personne ayant subi personnellement les effets d’une mesure de l’administration pénitentiaire peut effectuer un tel recours : la personne détenue bien sûr, mais aussi des tiers tels que le titulaire d’un permis de visite qui a été retiré par le chef d’établissement par exemple.
Comme pour le recours gracieux, aucun formalisme n’est exigé. Le recours hiérarchique peut être adressé sur papier libre. Il est conseillé de faire parvenir sa requête en recommandé avec accusé réception, afin de détenir une preuve de son envoi et de conserver une copie de la lettre, ainsi que des pièces jointes et des justificatifs de leur envoi et de leur bonne réception par l’administration.
Il n’est pas obligatoire d’exercer un recours hiérarchique avant de saisir le tribunal administratif sauf en matière disciplinaire. En effet, l’article R.57-7-32 du Code de procédure pénale prévoit que la personne détenue doit obligatoirement contester préalablement la sanction disciplinaire prise à son encontre devant le directeur interrégional des services pénitentiaires dans un délai de quinze jours à partir de la notification de la décision. Le directeur dispose d’un délai d’un mois dès la réception du recours hiérarchique pour répondre par une décision motivée. L’absence de réponse dans ce délai équivaut à une décision implicite de rejet que l’on peut alors soumettre au contrôle du Tribunal administratif.
Il est possible de déposer un recours hiérarchique sans avoir fait au préalable un recours gracieux ou sans attendre d’avoir reçu la réponse au recours gracieux.
Comme pour le recours contentieux, les recours gracieux ou hiérarchique doivent être exercés dans les deux mois qui suivent la prise de la décision contestée (voir la question « Dans quels délais peut-on demander l’annulation d’une décision administrative ? » de la fiche « Saisir le juge administratif »).
L’engagement d’un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois a pour effet de « prolonger » les délais durant lesquels le tribunal peut être saisi. En effet, la décision expresse ou implicite (absence de réponse pendant plus de deux mois) par laquelle le chef d’établissement ou le directeur interrégional rejette un recours gracieux ou hiérarchique peut être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois (voir la fiche « comment saisir le juge administratif ? »).
Le recours gracieux n’est pas suspensif, c’est-à-dire qu’il ne fait pas obstacle à l’exécution de la décision qui continue à s’appliquer dans l’attente d’une réponse.
L’administration est tenue de procéder à l’abrogation ou au retrait d’une décision illégale lorsqu’elle est saisie d’une demande en ce sens dans le cadre d’un recours gracieux ou hiérarchique. Il est donc important de faire référence, dans sa demande, non seulement aux textes éventuellement méconnus, mais également aux circonstances précises qui ont entrainé la prise de cette décision et à ses conséquences négatives concrètes.
Si la personne détenue souhaite saisir le Tribunal administratif après le rejet d’un recours hiérarchique ou gracieux, elle doit contester les deux décisions (décision initiale et rejet du recours gracieux ou hiérarchique).
En matière disciplinaire, où existe un recours hiérarchique préalable obligatoire devant le direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP), la décision du directeur interrégional se substitue à celle de la commission de discipline et doit donc seule être attaquée devant le tribunal administratif.
Dans tous les cas, le tribunal administratif territorialement compétent est celui du lieu où a été prise la décision initiale, et non celui du lieu où a été prise la décision hiérarchique (article R.312-1 du Code de justice administrative).