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Nouveau moratoire sur l’encellulement individuel : une perspective inacceptable

On attendait un énième report. La garde des Sceaux l’a annoncé hier lors de sa conférence de presse sur le budget de la justice prévu dans le projet de loi de finances 2015. S’il était adopté, l’Etat se verrait accorder un nouveau délai de trois ans pour respecter le principe de l'encellulement individuel, alors que le moratoire de cinq ans fixé par la loi pénitentiaire de 2009 arrive à échéance le 25 novembre prochain. Le droit à disposer d'une cellule individuelle, bafoué depuis plus d'un siècle en France, serait de nouveau nié jusqu'à la fin 2017. Sans garantie de le voir véritablement consacré à cette date. L'administration pénitentiaire distillant déjà l'idée qu'il ne constituerait pas « l'alpha et l'oméga de la dignité des conditions de détention des personnes détenues ».

Rappelons qu’aujourd’hui, des détenus peuvent être contraints de cohabiter à trois dans des cellules individuelles de 9m2, à six dans des cellules prévues pour quatre, avec l’ajout de matelas au sol ou de lits superposés… Contraints de vivre comme des « animaux dans un poulailler », sans cesse sur le qui-vive : « aucune intimité n’est possible, il faut tout surveiller, sans cesse dire non », écrivait à l’OIP une personne détenue en janvier 2013. Les conséquences d’une cohabitation forcée dans un espace confiné sont connues : aggravation des tensions et violences, états de stress permanent, sentiment de persécution… L’encellulement individuel « concourt au caractère effectif des droits fondamentaux » a rappelé le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (rapport 2013). Car il s’agit de garantir à « chaque personne incarcérée un espace où elle se trouve protégée d’autrui et où elle peut donc ainsi préserver son intimité et se soustraire aux violences et aux menaces des rapports sociaux en prison ». Lorsqu’on interroge les détenus, 84 % déplorent être privés de ce droit (BVA-États généraux de la condition pénitentiaire, 2006). Un droit qui n’empêcherait pas ceux qui souhaitent partager leur cellule de continuer à accéder à des cellules collectives.

Au regard du taux d’occupation des établissements pénitentiaires (67 075 détenus pour 49 206 cellules au 1er janvier 2014), le gouvernement se retrouve incapable d’assurer le respect de l’encellulement individuel à l’échéance du 25 novembre 2014. Après les reports successifs de l’application de ce principe en 2000, 2003 puis 2009, les pouvoirs publics n’ont une nouvelle fois pas pris les mesures nécessaires au respect de la loi. Alors qu’il s’agissait d’une « priorité absolue » comme l’a rappelé Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale (Le Point, 29 aout 2014).

Ils auraient pu consacrer véritablement le principe et indemniser les détenus qui n’en bénéficient pas. Lors de la conférence de presse, Christiane Taubira a réfuté cette option en soulignant que ce ne serait pas « de bonne gestion publique que de prévoir des fonds pour payer des sanctions pécuniaires pour non respect d’une disposition qui est contenue dans la loi française ». En d’autres termes, mieux vaut déroger au principe que de permettre aux détenus d’obtenir réparation pour non respect d’un droit fondamental.

Rappelons que la « bonne gestion publique » aurait surtout dû commander d’investir dès le début de mandat dans le développement des alternatives et des aménagements de peine plutôt que dans l’accroissement du parc carcéral et le renforcement de la sécurité en prison. Près de 50 millions d’euros ont été alloués aux dépenses de sécurité en 2014 (pour un taux d’évasion de 0,01 %), contre 8,6 millions d’euros pour le développement du placement à l’extérieur, mesure d’aménagement de peine favorisant la prévention de la récidive, mais dont le financement – qui ne permet que 800 placements en moyenne – reste bien insuffisant au regard des besoins. Or, si tous les détenus exécutant une peine de moins d’un an (22 213 au 1er janvier 2014) bénéficiaient d’une telle mesure, d’un placement sous surveillance électronique ou d’une libération conditionnelle comme le permet la loi, l’encellulement individuel serait un objectif atteint. L’OIP invite ainsi les parlementaires à s’opposer à ce nouveau moratoire et exiger que le budget soit orienté vers le développement des alternatives et aménagements de peine.

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