Dans une décision du 22 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a confirmé le caractère indigne des conditions de détention au centre pénitentiaire de Perpignan et ordonné au ministre de la Justice d’engager plusieurs mesures pour préserver les droits des personnes détenues. Il refuse toutefois de prendre toutes ses responsabilités et d'ordonner la suspension des affectations dans l'établissement. Il appartient maintenant au Conseil d'État de trancher, l'Observatoire international des prisons (OIP) et l'Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) le saisissent dans le cadre d'un appel.
Saisi d’un référé-liberté par l’OIP et l’A3D[1], le tribunal administratif a pris acte de l’état de délabrement du centre pénitentiaire et a ordonné à l’administration pénitentiaire de procéder à l’« élimination de la moisissure », à la « réparation et au changement des fenêtres défectueuses » et « de manière générale de remédier aux conditions d’insalubrité des cellules ». Le juge enjoint également « une opération d’envergure susceptible de permettre la désinsectisation de l’ensemble des locaux du centre pénitentiaire de Perpignan » ainsi que l’« ensemble de réparations qui s’imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des détenus ». Enfin, et pour la première fois dans la jurisprudence, le juge des référés a sévèrement apprécié les mauvais traitements infligés par les personnels pénitentiaires au quartier disciplinaire – privation de douches, de nourritures, brimades, etc. – et a ordonné l’ouverture d’une enquête interne pour identifier les responsables.
La suspension des nouvelles incarcérations au centre pénitentiaire de Perpignan, où le taux d’occupation du quartier maison d’arrêt pour hommes atteint 279 %, a en revanche été évincée par le tribunal. Alors que la demande était inédite, celui-ci s’est retranché derrière une jurisprudence habituelle du Conseil d’État concernant les limites de son office. Ainsi, « compte tenu de l’ampleur du phénomène » de surpopulation au sein de l’établissement, il juge qu’une telle injonction constituerait une mesure d’ordre structurel excédant son pouvoir. Il ajoute que l’administration ne dispose d’aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou « lesquelles relèvent exclusivement de l’autorité judiciaire ». L’ordonnance précise d’ailleurs qu’« une maison d’arrêt est ainsi tenue d’accueillir, quel que soit l’espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou », ce qui a le mérite de souligner l’écueil de la législation en vigueur.
Il faut pourtant rappeler que le dispositif « stop écrou » a été mis en place à la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan par l’administration elle-même, faisant naître un nouveau contexte et confirmant qu’elle est capable de suspendre les mises sous écrou dans un établissement précis pour y réduire la surpopulation. L’OIP et l’A3D porteront donc cette question devant le Conseil d’État dans le cadre de l’appel.
Consulter l’ordonnance du 22 août 2023
Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps – sophie.larouzeedeschamps@oip.org – 01 44 52 88 00
[1] Communiqué de l’OIP : Prison de Perpignan : la justice saisie pour suspendre les incarcérations