Confrontées à des conditions indignes de détention, les personnes détenues au sein de la maison centrale de Saint-Martin de Ré saisissent simultanément le juge administratif pour faire cesser les atteintes graves aux droits fondamentaux auxquelles elles sont exposées. L’audience se tiendra devant le Tribunal administratif de Poitiers le 13 décembre à 10h.
La requête qui sera examinée par le juge des référés ce vendredi à 10 heures est doublement exceptionnelle. Si habituellement ce sont les conditions de détention dégradantes des maisons d’arrêt surpeuplées qui sont attaquées en Justice, cette fois ce sont celles d’une maison centrale pour longues peines, où s’applique l’encellulement individuel, qui sont dénoncées. Et si la saisine du juge des référés est en général le fait d’acteurs associatifs ou institutionnels, ce sont ici quinze personnes détenues qui, dans une forme d’action collective, entendent dénoncer l’indignité de leurs conditions de détention.
Dans leur requête soutenue par l’Observatoire international des prisons (OIP-SF) et l’A3D, les personnes se plaignent de l’insalubrité chronique de la maison centrale de Saint-Martin de Ré : des « fenêtre[s] double vitrage fendue[s] », de la moisissure dans les douches collectives ou au niveau du « plafond [et autour] des tuyaux des WC », des installations électriques défectueuses et dangereuses… En somme, ce que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté résume, dans son rapport de visite de 2021, par « une vétusté bâtimentaire des quartiers d’encellulement qui continue de se dégrader avec le temps ». Le « défaut d’investissement durant plusieurs années », de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré s’expliquerait, selon elle, par d’anciennes rumeurs de fermeture de l’établissement aux motifs « qu’il ne correspondrait pas aux normes sécuritaires en vigueur ».
Les personnes détenues dénoncent des conditions matérielles de détentions inacceptables, telles que l’odeur nauséabonde émanant des poubelles « sans couvercle » placées devant les cellules, la prolifération de nuisibles à tel point qu’elles sont « réveillé[e]s par des cafards sur le corps et le visage », le manque de lumière naturelle dans les cellules, la nourriture froide en quantité largement insuffisante, les températures très basses qui conduisent les personnes détenues à « allumer [leur] four ou [leur] plaque chauffante pour réchauffer la pièce », la moisissure due à l’humidité des cellules ou encore des comportements inappropriés de la part des surveillants pénitentiaires, recourant notamment à des fouilles à nue systématiques.
La maison centrale de Saint-Martin-de-Ré fait également face à des difficultés organisationnelles majeures, impactant gravement les conditions de vie des personnes incarcérées. Au-delà du chevauchement des « activités », qui leur impose de faire des choix : « Si on va à l’école, il n’y a pas de promenade », l’établissement ne propose aucune activité le week-end. L’OIP-SF entend souligner que ces manques criants sont d’autant plus préjudiciables au sein des maisons centrales où les personnes y sont enfermées pour de longues peines, et où les enjeux de réinsertion sont fondamentaux.
Par ailleurs le quotidien des personnes détenues est rendu particulièrement difficile en raison du régime carcéral à portes fermées et de l’architecture pénitentiaire désuète. Les cellules d’environ 6m² sont mal agencées : les téléphones sont installés au-dessus des toilettes obligeant les personnes détenues à se contorsionner pour pouvoir les utiliser et les sanitaires non cloisonnés sont visibles par les surveillants à l’aide de l’œilleton et positionnés, parfois, à moins d’un mètre de l’espace où les personnes détenues préparent leur repas. En outre l’eau du robinet en cellule est froide, « trouble ou parfois marron » les cellules ne disposent pas de douche. Les personnes détenues se trouvent alors contraintes de se rendre en douches collectives dépourvues de mitigeur, où la température de l’eau y est décrite comme tantôt « glaciale ou brûlante » les obligeant à rester habiller pour ne pas se brûler la peau.
Alors que les personnes incarcérées qui agissent en Justice contre l’administration pénitentiaire ne sont pas à l’abri de subir des représailles, ainsi que l’a déjà documenté la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, la démarche des quinze personnes détenues de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré doit être saluée. Gageons que le juge des référés, auquel revient la mission de protéger leurs droits fondamentaux saura les entendre.
Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96