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Une personne détenue interdite de se rendre aux obsèques de sa mère

Thierry, incarcéré au centre de détention de Bapaume, n’a pas été autorisé à se rendre aux obsèques de sa mère, décédée brutalement le 12 septembre. Malgré les avis favorables de la direction de l’établissement et du capitaine pénitentiaire, la juge de l’application des peines a en effet estimé qu’il ne pouvait pas bénéficier d’une seconde permission de sortir après celle qui lui avait été accordé pour se rendre à l’hôpital la semaine précédente.

Incarcéré au centre de détention de Bapaume depuis août 2023, Thierry reçoit toutes les semaines la visite de sa mère, et lui téléphone très fréquemment. Lorsqu’il apprend qu’elle est admise en urgence à l’hôpital et que son pronostic vital est engagé, il demande à pouvoir se rendre à son chevet. L’article 143-5 du code de procédure pénale prévoit en effet que des permissions de sortir exceptionnelles puissent être octroyées aux personnes condamnées « à l’occasion de la maladie grave ou du décès d’un membre de leur famille proche ». Mais à son arrivée à l’hôpital d’Amiens le 12 septembre, sa mère est déjà décédée. De retour au centre de détention en fin d’après-midi, il demande à pouvoir se rendre aux obsèques le 18 septembre. La veille de la cérémonie, sa demande est rejetée par la juge de l’application des peines, estimant que la sortie du 12 septembre lui a « permis de retrouver et partager des moments avec sa famille », et que la proximité géographique d’une des parties civiles « augmente le risque de rencontre ».

L’ordonnance de rejet s’appuie sur le rapport du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), qui donne un avis défavorable à la demande en raison d’une « impossibilité d’obtenir deux permissions de sortir exceptionnelles ». « Ça m’a tué ! s’exclame Thierry. Les CPIP [conseillères pénitentiaires d’insertion et de probation] de permanence sont venues me voir, elles ne me connaissent pas, c’est la première fois que je les voyais, et en deux minutes elles m’ont dit qu’elles mettraient un avis défavorable parce que j’avais déjà eu une permission ! » Pourtant, l’article du code de procédure pénale ne mentionne pas la règle d’une permission unique, et précise que la durée de celle-ci peut être de trois jours. En l’occurrence, Thierry n’a obtenu qu’une permission d’une journée pour se rendre à l’hôpital. « Plusieurs détenus sont venus me voir pour me dire qu’ils avaient pu aller à la fois à l’hôpital et aux obsèques lorsqu’ils ont perdu un proche », souligne-t-il. Quant au risque de rencontre avec une des parties civiles, ce motif n’avait pas fait obstacle à la permission de sortir précédente dans cette même ville, et peut surprendre s’agissant d’un détenu en fin de peine. Depuis le 7 novembre, Thierry S. est sorti de détention, et exécute sa fin de peine en placement à l’extérieur.

La décision du juge est d’autant plus surprenante que le directeur et le capitaine pénitentiaire du centre de détention avaient tous les deux émis un avis favorable à la demande. Thierry est décrit comme « actif en détention » dans l’ordonnance, qui précise qu’il a récemment obtenu plusieurs permissions de sortir pour se rendre à une formation diplômante et qu’il effectue des versements volontaires pour les parties civiles.

« Jusqu’au dernier moment, je n’ai pas réussi à annoncer à mon père que la demande avait été rejetée », précise le frère de Thierry, qui a tout tenté pour que celui-ci puisse être présent, en vain. La démarche de l’OIP auprès de la Jap n’a pas eu plus de succès. Thierry a même été convoqué par le SPIP, lui reprochant l’intervention d’un avocat et de l’OIP pour l’obtention de la permission de sortir, après que le service a informé oralement Thierry que celle-ci serait refusée. En réponse à l’OIP, la présidente du TJ d’Arras a précisé que les magistrats exerçaient leurs missions « avec humanité, dans le respect des impératifs liés à l’intérêt de la société et à l’intérêt de la victime ».