M. Z.G. souffre d'une psychose chronique de type schizophrénique, se manifestant par des troubles hallucinatoires et délirants. Suivi depuis l'âge de 13 ans, il a été hospitalisé à plusieurs reprises en secteur psychiatrique entre 1996 et 2004. Le 17 octobre 2005, il a été mis en examen et placé sous mandat de dépôt pour avoir mis le feu à la cellule qu'il partageait avec un codétenu, alors qu'il purgeait une peine de deux mois d'emprisonnement pour des atteintes aux biens. Son codétenu est décédé des suites de ses blessures durant l'instruction. Une première expertise psychiatrique a conclu que Z.G. était atteint au moment des faits « d'un trouble psychiatrique ayant dans une large mesure altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes », avant de conclure qu'il paraît « peu curable ou réadaptable », « ne semble pas accessible à la sanction pénale » et qu'une « stabilisation relative des troubles [ne pouvant être espérée qu'à] l'aide d'un traitement neuroleptique retard à fortes doses assorti d'un suivi sectoriel régulier, voire d'une hospitalisation en UMD (Unité pour malade difficile) ». Une seconde expertise a établi « qu'il était bien atteint [au moment des faits] de troubles psychiques ou neuropsychiques » de nature à abolir, altérer ou entraver son discernement ou le contrôle de ses actes. Il a pourtant été condamné à 10 ans de réclusion le 13 novembre 2008 par la Cour d'assises du Var pour ces faits, décision dont il a interjeté appel. Son avocat a déposé, le 25 mars, une demande de mise en liberté devant la Chambre de l'instruction, faisant valoir que le maintien en détention de Z.G. constitue un traitement inhumain, compte tenu de sa pathologie très lourde et des modalités de prise en charge psychiatrique dont il fait l'objet.
Pendant toute la durée de l’instruction, Z.G a été affecté au sein d’un Service médico-psychologique régional (SMPR), dans un premier temps dans celui de la maison d’arrêt de Fresnes, puis, à compter du 20 décembre 2005, dans celui du centre pénitentiaire de Marseille. Son état de santé a toutefois rendu indispensable de nombreuses hospitalisations d’office. Sur décisions du Préfet des Bouches-du- Rhône, il a ainsi été placé à l’hôpital Edouard-Toulouse, à Marseille, du 10 au 31 août 2007, puis du 14 au 31 mars 2008 et de nouveau du 8 au 25 juillet 2008, soit trois hospitalisations sous contrainte en moins d’un an. Le 31 décembre 2008, il a de nouveau été hospitalisé d’office, mesure prolongée de trois mois par arrêté préfectoral du 28 janvier 2009 devant la « recrudescence anxieuse avec mise en avant de ses idées délirantes et anciennes », constatée par le psychiatre du centre hospitalier. Pourtant, dès le 17 mars 2009, il a été réintégré au sein du centre pénitentiaire de Marseille pour être placé au SMPR. Du 23 mars 2009 au 1er avril, il a été placé en détention normale sur décision du service médical.
Interrogé par l’OIP sur les raisons qui ont conduit à l’affectation d’une personne atteinte de schizophrénie au sein de la détention ordinaire, le SMPR du centre pénitentiaire de Marseille n’a pas souhaité répondre sur la situation individuelle de M. Z.G. Il a cependant indiqué que les décisions sont toujours prises « en fonction de l’état de santé du détenu ». Rappelant l’augmentation depuis près de 20 ans du nombre d’hospitalisations d’office de détenus pour des périodes limitées, il a également précisé qu’il s’agissait d’une situation malheureusement fréquente et que, le maintien au SMPR ne pouvant être contraint, dans le cas où une personne souhaiterait réintégrer la détention ordinaire, elle ne peut en être empêchée sauf à ce qu’une hospitalisation d’office soit prononcée.
Les va-et-vient entre différentes structures dont il fait l’objet sont de nature à accroître les troubles de M. Z.G., qui voit constamment ses repères bouleversés. Par ailleurs, le maintien de longue durée au SMPR de M. A.Z. ne constitue manifestement pas une modalité de prise en charge adaptée à son état de santé, comme en témoignent ses différentes hospitalisations sous contrainte. Malgré son caractère médicalisé, cette structure reste fortement marquée par les contraintes carcérales, en termes de sécurité ou de gestion de la détention. En outre, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui s’est prononcée sur des violences commises à l’encontre de Z.G. par des surveillants au SMPR en mai 2006, relevait dans son avis du 22 septembre 2008 la présence au sein de ce SMPR de cellules de 10m2, source d’une « importante promiscuité pour les détenus malades », fermées à clé et ne pouvant être ouvertes que par un membre du personnel pénitentiaire. Elle constatait que la nuit, le personnel pénitentiaire de garde n’était ni spécifiquement affecté au SMPR, ni formé à la prise en charge de détenus présentant de telles pathologies.
L’OIP rappelle :
– que l’article D. 398 du Code de procédure pénale prévoit que « Les détenus atteints des troubles mentaux (…) ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire. » ;
– que la Cour européenne des droits de l’homme considère que « l’état de santé, l’âge et un lourd handicap physique constituent désormais des situations pour lesquelles la question de la capacité à la détention est aujourd’hui posée au regard [de l’interdiction des traitements inhumains posée à l’article 3 de la Convention] » La Cour a précisé que « pour apprécier si le traitement ou la sanction concernés étaient incompatibles avec les exigences de l’article 3, il faut, dans le cas des malades mentaux, tenir compte de leur vulnérabilité et de leur incapacité, dans certains cas, à se plaindre de manière cohérente ou à se plaindre tout court des effets d’un traitement donné sur leur personne. Il convient également, au sein de la vaste catégorie des maladies mentales, de distinguer celles, telles que la psychose, qui comportent, pour les personnes qui en souffrent, des risques particulièrement élevés. » (CEDH Rivière c. France, 11 juillet 2006).