Saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) est une autorité administrative indépendante instituée en 2007.
Il est chargé de « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux » (article 1er de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) est une autorité administrative indépendante instituée par la loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007.
La création de cette institution est une exigence du Protocole facultatif se rapportant à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par la France en 2005. Le Protocole prévoit l’obligation, pour les États signataires, de se doter d’un organisme de contrôle des prisons indépendant et assurant un « système de visites régulières ».
Le CGLPL est chargé de « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux » (article 1er de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté).
Son champ d’intervention couvre non seulement les établissements pénitentiaires, mais aussi tous les lieux où des personnes sont privées de liberté sur décision administrative ou judiciaire (locaux de garde à vue, centres de rétention, dépôts et geôles des tribunaux, hôpitaux psychiatriques, centres éducatifs fermés, etc.).
Il est nommé « en raison de ses compétences et connaissances professionnelles » par le président de la République « pour une durée de six ans » non renouvelable et non révocable (article 2 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté).
Le terme de « contrôleur général des lieux de privation de liberté » désigne à fois l’institution et la personne qui la dirige.
Le contrôleur actuel est Dominique Simonnot.
Le CGLPL dispose de pouvoirs d’investigation étendus et peut émettre des avis, des recommandations et des propositions de modification législative ou réglementaire, qu’il rend éventuellement publics (ex : maison d’arrêt des Baumettes) (articles 8, 9 et 10 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté).
Enfin, le contrôleur général doit publier un rapport d’activité annuel, qu’il remet au président de la République (article 11 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté).
Ces rapports dressent chaque année un « portrait de la France captive » et approfondissent quelques thématiques majeures de la condition des personnes détenues. Le rapport d’activité 2015 fait par exemple état des difficultés persistantes au sein des centres éducatifs fermés. Il y est dénoncé, notamment, la fragilité des équipes de direction, la succession d’activité sans cohérence qui pallie la faiblesse des projets éducatif, ou encore la qualification insuffisante du personnel. Suite à quoi la Contrôleure formule des recommandations : « imposer la qualification des personnels et poursuivre le renforcement des effectifs, mieux prévenir les crises et les dysfonctionnements, renforcer l’accompagnement du mineur à la sortie (…) ».
Chaque année, deux à trois thématiques sont ainsi plus particulièrement développées (accès aux droits sociaux, travail en détention, traçabilité, confidentialité, activités, usage de la vidéosurveillance, etc.) et permettent, au-delà des constats opérés, d’effectuer un certain nombre de recommandations.
Le contrôleur général est assisté de « contrôleurs », recrutés « en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission » (article 4 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté). Ce sont le plus souvent d’anciens fonctionnaires (pénitentiaire, police, militaire, soignant, etc.) ou des magistrats.
Aucun d’entre eux ne peut exercer, durant le temps de ses fonctions de contrôleur, une activité « en relation avec les lieux contrôlés ». Les personnes ayant fait l’objet d’une « condamnation, incapacité ou déchéance mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire » ne peuvent être recrutées par le contrôleur, ce qui fait obstacle à la participation d’anciens détenus.
Concrètement, le contrôleur agit selon deux modes. Il peut soit procéder à des visites des établissements de privation de liberté (effectuées par les contrôleurs) dont il rend compte à travers un rapport de visite (articles 8 et 9 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté), soit donner suite à des saisines individuelles portant sur une situation particulière (problème d’accès aux soins, aux droits sociaux, mauvais traitements, ou toute autre atteinte aux droits fondamentaux survenue en détention).
Pour traiter ces demandes, il s’est doté d’un « pôle saisines » composé de « chargés d’enquêtes ». Dans un premier temps, ils répondent au courrier et, si besoin, sollicitent « toute personne » pour obtenir des informations (en général par courrier). S’ils estiment que « les renseignements communiqués ne sont pas de nature à permettre de répondre sur le fond », une « enquête sur place » peut être menée (articles 4 et 5 du règlement de service du contrôleur général des lieux de privation de liberté).
Le contrôleur et l’ensemble de ses collaborateurs sont soumis à des « principes déontologiques » précis : indépendance (cela implique notamment que les contrôleurs ayant exercé dans un établissement ne peuvent participer à sa visite – §1-4 des principes déontologiques du contrôleur général des lieux de privation de liberté), neutralité, respect du contradictoire (entretiens avec les différentes parties, intégration du point de vue de l’administration pénitentiaire…), confidentialité, protection des sources, etc. Ils sont également « astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement des rapports, recommandations et avis ». Dans l’ensemble de ces documents, « aucune mention permettant l’identification des personnes concernées par le contrôle » ne doit apparaître – article 5 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Le contrôleur doit veiller à ce que toute « personne qui s’est confiée à lui oralement ou par écrit, ou par tout autre moyen, demeure protégée de toute mesure de rétorsion », conformément à l’article 21 du protocole facultatif des Nations unies qui dispose qu’« aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire n’ordonnera, n’appliquera, n’autorisera ou ne tolérera de sanction à l’encontre d’une personne ou d’une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux, au mécanisme national de prévention (le contrôleur général), et ladite personne ou organisation ne subira pas de préjudice d’aucune autre manière ». Voir également le § 3.9 des principes déontologiques du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Le contrôleur général peut être saisi directement par « toute personne physique » (la personne privée de liberté elle-même, son avocat, un proche, un témoin, une personne intervenant au sein de l’établissement, un personnel …).
Il peut également être saisi par « toute personne morale s’étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux », ou encore par le Premier ministre, les membres du gouvernement, les parlementaires (député ou sénateur) ou le défenseur des droits (article 6 de la loi du 30 octobre 2007).
Il peut aussi « se saisir de sa propre initiative ».
Le contrôleur doit être saisi « par lettres » (simples ou avec accusé de réception) adressées à son siège (voir le répertoire des adresses utiles – instances judiciaires et administratives). Les saisines effectuées par téléphone, par courriel ou par tout autre moyen doivent être ensuite « confirmées par courrier ». Il est donc préférable de rédiger directement un courrier et éventuellement de le faire suivre d’un appel.
Il est important que la lettre soit la plus précise possible (date et lieux des faits, chronologie, identité des protagonistes et des témoins, documents permettant d’attester de la situation, etc.).
Si un contrôleur est saisi dans le cadre d’une rencontre au cours d’une visite d’établissement, il doit rédiger un compte rendu de l’entretien mentionnant l’« accord de la personne pour qu’une suite soit donnée ».
Une réponse est en principe apportée aux saisines de façon « aussi rapide que possible ». Cette réponse doit, selon le cas, apporter un éclairage « sur le fond », informer de l’ouverture d’une enquête auprès d’une autorité, « écarter la compétence du contrôleur général » ou indiquer que l’affaire a été transmise à une autre autorité.
Si une enquête est réalisée, les personnes concernées sont informées des résultats et des suites qui lui sont données.
Les courriers échangés avec le contrôleur et son équipe ne peuvent faire l’objet d’aucun contrôle (article 4 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009). Cela signifie concrètement que les lettres doivent être remises fermées et qu’aucune lecture de leur contenu ne peut être réalisée (voir fiche correspondance). Quant aux appels téléphoniques à destination du contrôleur général en provenance des prisons, ils ne sont pas soumis à autorisation préalable (que la personne soit prévenue ou condamnée) et ne peuvent être écoutés ou enregistrés par l’administration pénitentiaire (voir fiche téléphone).
Le contrôleur général dispose du droit de « visiter à tout moment » tout lieu de privation de liberté (article 8 de la loi du 30 octobre 2007). Les autorités qui en sont responsables ne peuvent s’opposer à une visite que « pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou des troubles sérieux dans le lieu visite ». Dans ce cas, elles sont tenues de fournir au contrôleur les « justifications de leur opposition » et de l’informer « que des circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé ».
Les visites peuvent être « inopinées » ou « programmées ». Dans ce cas, la visite est annoncée au chef d’établissement par voie de correspondance téléphonique ou encore par télécopie. Les visites d’établissements dans lesquels « l’état des lieux et des personnes est susceptible d’être modifié rapidement » (réaffectation d’un local, transfert d’une personne, etc.), doivent « en principe » avoir lieu de manière « inopinée » (sans prévenir la direction de l’établissement) – article 18 du règlement de service du contrôleur général.
Cette possibilité de visite inopinée (dont le défenseur des droits ne dispose pas) peut permettre de mettre au jour de graves dysfonctionnements d’ordre individuel ou collectif et d’opérer les signalements nécessaires (saisine de l’autorité compétente ou information au parquet). Cependant, la majorité des visites en établissement pénitentiaire (60 % selon le rapport d’activité 2011) font l’objet d’une information préalable du chef d’établissement, qui est alors chargé de procéder à l’affichage et à la distribution en cellule de l’avis informant de la venue des contrôleurs, à destination des personnes détenues, des personnels et des proches, mentionnant la possibilité de s’entretenir de manière confidentielle avec un contrôleur. Les visites durent souvent plusieurs jours pendant lesquels l’équipe du contrôleur tente de s’insérer dans le quotidien de l’établissement.
Dans le cadre des visites, les contrôleurs doivent pouvoir « s’entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours leur parait nécessaire », et pas uniquement les responsables des lieux visités, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement (article 8 de la loi du 30 octobre 2007; articles 24 et 26 du règlement de service du contrôleur général et loi du 15 mai 2014). D’ailleurs, depuis la loi du 26 mai 2014, ils peuvent adresser une mise en demeure à l’égard de ses personnes si elles sont défaillantes.
Ils doivent notamment avoir accès à tous les locaux et cellules des établissements, « à toute heure du jour et de la nuit », « sans être accompagnés par aucun membre du personnel » (article 24 du règlement de service du contrôleur général). Lorsque la visite est inopinée, les locaux dans lesquels « les droits fondamentaux des personnes sont les plus susceptibles d’être méconnus » (quartiers disciplinaire ou d’isolement, notamment) doivent être visités « sans délai » à l’arrivée des contrôleurs (article 22 du règlement de service du contrôleur général).
Lors de leur visite, ils peuvent « tester ou faire tester, au moins brièvement, les équipements nécessaires à la vie quotidienne des personnes privées de liberté » et « prendre et consigner toute mesure » (taille des surfaces, température, luminosité, humidité, etc) (article 24 du règlement de service du contrôleur général).
Le contrôleur doit en outre obtenir de la part des autorités « toute information ou toute pièce utile à l’exercice de sa mission » (article 8 de la loi du 30 octobre 2007). Toutefois, le « secret de la défense nationale », la « sûreté de l’Etat », le « secret de l’enquête et de l’instruction », le « secret médical » et le « secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client » peuvent lui être opposés. Par contre, les informations relatives à la sécurité de l’établissement doivent lui être communiquées.
Depuis la loi du 26 mai 2014, les contrôleurs qui ont la qualité de médecins peuvent accéder aux informations couvertes par le secret médical, avec l’accord de la personne. Cet accord n’est pas requis lorsque sont en cause des atteintes physiques ou psychiques commises sur un mineur ou sur une personne incapable.
Le choix des lieux visités appartient au contrôleur général. Est notamment pris en compte les « informations qui peuvent parvenir d’un établissement », les « échos qui en sont recueillis auprès des personnes privées de liberté, des agents qui y sont en fonction ou des tiers qui y interviennent » ou la « nécessité d’examiner l’effectivité du respect des droits fondamentaux des personnes dans une catégorie d’établissements, une région ou un site déterminés » (articles 12 et 13 du règlement de service du contrôleur général).
Depuis 2014, la loi prévoit un délit d’entrave passible de 15 000 euros d’amende, défini par le fait de faire obstacle à la mission du contrôle général, soit en s’opposant aux visites ou à la communication de certains éléments, soit par des menaces ou représailles prise à l’encontre de toute personne qui est en lien avec l’institution (loi du 26 mai 2014).