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Surpopulation carcérale : chocs

Un jour, il y a fort longtemps, quand ma mère avait encore la force physique et surtout morale de rendre visite à son coquin de fils… Au cours de la conversation, elle m’a demandé un peu de mon quotidien, et sans le vouloir, je l’ai choquée : elle a découvert que nous étions deux en cellule et que je devais faire mes besoins dans la même pièce de 9m2 que mon codétenu... 

Un jour, il y a fort longtemps (1996), quand ma mère avait encore la force physique et surtout morale de rendre visite à son coquin de fils… Au cours de la conversation, elle m’a demandé un peu de mon quotidien, et sans le vouloir, je l’ai choquée : elle a découvert que nous étions deux en cellule et que je devais faire mes besoins dans la même pièce de 9m2 [que mon codétenu]. Pisser, chier, péter, vomir… quoi de plus naturel au fond, mais pas à deux, et encore moins à trois. Et ce, malgré toutes les astuces développées par les inventifs détenus pour créer un peu d’intimité […]. Elle était littéralement choquée (un silence durant de longues minutes), là où c’était devenu « normal » pour moi.

Peu de temps après, ce fut à mon tour d’être choqué, en lisant les dispositions du CPP [code de procédure pénale] qui évoquaient un ENCELLULEMENT INDIVIDUEL ! C’était la loi. Choc légitime pour un prévenu qui n’a jamais connu que la surpopulation pénale.

La surpopulation, c’est aussi les bagarres, le choc d’humeurs divergentes : on ne peut pas toujours être d’accord, et encore moins à trois… Le tout, dans un milieu où la loi est celle du plus fort.

Quatrième choc, donc : l’environnement conditionne l’individu. Loi fondamentale de la sociologie. Alors quel […] avenir pour quelqu’un qui subit une telle promiscuité et la violence qu’engendre ce côte-à-côte très envahissant ? Qu’on le veuille ou pas, elle nous aspire […].

En réfléchissant, en calculant, j’eus mon cinquième choc […] : si les juges libéraient tous ceux qui ont droit à un aménagement de peine (aux termes et dans les termes du CPP), on approcherait d’un chiffre acceptable pour travailler pénalement. […] Moins de détenus, plus de moyens, plus de surveillants, avec plus de temps pour un travail de probation (« réinsertion ») trop absent actuellement. […]

Et enfin, le dernier […] choc : un grand nombre de détenus actuels, un trop grand nombre, ne sont « pas à leur place » en détention car ils relèvent de la psychiatrie (de la plus légère à la plus lourde). C’est une injustice pour ceux qui sont reconnus handicapés par la société […] mais qui sont « maltraités » là où ils devraient être traités différemment (sans qu’il soit non plus besoin d’envisager des milliards de dépenses). […]

On se sent réduit à l'état d'animal

Ce texte est paru dans la revue de l’Observatoire international des prisons – DEDANS DEHORS n°126 – Surpopulation carcérale : les personnes détenues prennent la parole