Dans la nuit du 30 au 31 octobre, un incendie s’est déclaré dans les cuisines de la maison d’arrêt de Nice. Quelques jours plus tôt, l’Observatoire international des prisons (OIP) avait pourtant fait part de sa profonde inquiétude dans un courrier adressé à la directrice de l’établissement, en alertant sur les insuffisances du système de sécurité incendie déjà relevées lors d’une visite de la CGLPL en mai 2025.
Vétusté de l’établissement, taux d’occupation atteignant 185,9% au 1er octobre 2025, la maison d’arrêt de Nice présentait tous les signes annonciateurs au d’un risque de déclenchement d’un incendie. Dans un avis du 12 mai 2025, la Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) dénonçait déjà des « installations électriques dangereuses, augmentant les risques d’incidents graves, en particulier d’incendie ». Face à ce constat, l’OIP avait adressé une lettre le 27 octobre dernier à la directrice de la maison d’arrêt pour demander l’organisation d’une visite de contrôle par la sous-commission départementale de sécurité incendie[1]. Ces visites règlementaires, pourtant essentielles, étant trop souvent négligées par les établissements pénitentiaires. En 2020, l’Inspection générale de la justice (IGJ) relevait ainsi que « la traçabilité des interventions dans le cadre des contrôles techniques obligatoires n’[était] que partiellement respectée ».
L’incendie survenu quelques jours plus tard a révélé, de façon brutale, les conséquences concrètes de ces défaillances. La cuisine désormais hors de fonction, les personnes détenues se voient distribuer des repas froids et frugaux, fournis par un prestataire extérieur, dans l’attente d’une solution pérenne. Selon le témoignage recueilli par l’OIP auprès de la compagne d’une personne détenue, celle-ci reçoit « une boîte de conserve de 115 g à chaque repas » et ne peut plus cantiner de produits alimentaires, l’épicerie ayant été endommagée par les flammes. Pour beaucoup de personnes détenues, cantiner des produits alimentaires constitue pourtant le seul moyen de compenser les repas distribués en détention, jugés insuffisants et de mauvaise qualité. Presqu’un mois après l’incendie, la direction n’a toujours pas répondu aux demandes d’éclaircissement de l’OIP.
Cette absence de réaction fait écho à d’autres faits déjà observés dans d’autres établissements. Cet été, un incendie meurtrier à la prison de La Santé en a donné une illustration dramatique. Dès le 17 juillet, l’OIP avait alerté le préfet de Paris sur la surpopulation de l’établissement et demandé la mobilisation urgente de la sous-commission départementale de sécurité incendie. Faute de réponse dans le délai légal, la demande a été implicitement rejetée. Ce n’est qu’après le décès d’une personne détenue dans l’incendie du 31 août 2025 que le préfet a finalement répondu, indiquant qu’une réunion serait prochainement organisée pour décider de l’opportunité d’une nouvelle visite. Le 21 octobre, l’OIP a de nouveau sollicité le préfet pour obtenir l’avis de la dernière inspection et savoir si la réunion évoquée avait eu lieu. À ce jour, aucune réponse n’a été reçue.
Ces événements s’inscrivent dans une problématique ancienne et persistante. Dès 2021, l’OIP alertait dans sa revue trimestrielle Dedans Dehors sur les carences de la prévention incendie en détention : contrôles trop rares et trop superficiels, défaillances techniques, formation insuffisante des agents pénitentiaires…, autant d’éléments qui, dans un environnement marqué par une surpopulation chronique et des bâtiments vieillissants, constituent une menace directe pour la sécurité des personnes détenues.
La répétition des incendies en détention montre une réalité incontestable : la surpopulation, la vétusté des bâtiments et l’insuffisance des contrôles exposent directement les personnes détenues à des risques mortels. Les drames de Nice et de La Santé rappellent qu’il est urgent de mettre fin à ces défaillances structurelles et de garantir enfin des conditions de sécurité à la hauteur des obligations de l’État.
[1] Lettre de l’OIP adressée à la directrice de la maison d’arrêt de Nice le 27 octobre 2025 concernant contrôle de la sécurité incendie dans la maison d’arrêt de Nice
Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96 – sophie.deschamps@oip.org
