Alors que la France franchit un nouveau record historique avec plus de 85 000 personnes détenues, la surpopulation carcérale gagne des secteurs d’incarcération jusqu’ici relativement épargnés : les prisons pour mineurs et les quartiers femmes.
Centres de détention, maisons centrales, centres de semi-liberté… Un à un, tous les lieux de détention approchent ou dépassent les 100 % d’occupation. Dans les établissements et quartiers pour femmes, la surpopulation silencieuse d’hier est devenue une crise explosive et durable. Au 1er novembre, leur taux moyen d’occupation atteignait 121 %, avec 19 établissements dépassant les 130 %. Seulement deux prisons étant exclusivement dédiées aux femmes (Rennes et Versailles), la majorité d’entre elles se trouve reléguée dans de petits quartiers au sein d’établissements pour hommes, avec un accès limité aux soins, aux activités et au travail. L’aggravation de la surpopulation dans ces quartiers accentue encore ces obstacles : l’augmentation du nombre de personnes détenues entraîne la raréfaction des places en ateliers, rallonge les délais médicaux et réduit la possibilité de maintenir des liens familiaux.
Même les adolescents incarcérés ne sont plus épargnés. L’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille a récemment dépassé les 100 % d’occupation, malgré les alertes répétées de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) qui recommandait, en juillet dernier, sa fermeture partielle en raison de conditions de détention « indignes ». L’EPM de Remire-Montjoly, quant à lui, atteint ce mois-ci près de 130 % d’occupation, une surpopulation qui aggrave encore les effets délétères de l’enfermement sur des adolescents fragilisés. Comme le rappelle le pédopsychiatre Boris Cyrulnik, l’incarcération est déjà « la pire des réponses » pour les jeunes, car elle renforce l’isolement, l’angoisse et l’humiliation, altérant leur capacité à réguler leurs émotions. Dans un contexte où la surpopulation réduit les activités, limite l’encadrement éducatif et accroît la promiscuité, ces effets se trouvent démultipliés.
Ces situations particulières s’inscrivent dans une dynamique nationale de plus en plus dramatique : 6 500 personnes dorment à même le sol et les maisons d’arrêt — où sont incarcérés plus des deux tiers des personnes détenues — atteignent désormais en moyenne 170 % d’occupation. La France se classe ainsi parmi les pays européens les plus touchés par la surpopulation carcérale : seuls la Slovénie et Chypre font pire.
Malgré ces chiffres, le discours politique dominant continue de dénoncer une justice prétendument « trop laxiste » et d’appeler à un renforcement de la répression. Le garde des Sceaux Gérald Darmanin prépare même une loi accentuant la « fermeté de l’action pénale », alors que l’allongement des peines et la multiplication des incarcérations n’ont fait qu’aggraver la saturation et détériorer les conditions de détention.
En persistant dans cette logique strictement punitive, l’État détourne l’attention des véritables problèmes – à commencer par l’indignité des conditions de détention – et des solutions efficaces : prévention, alternatives à l’incarcération, prise en charge adaptée des publics vulnérables… La surpopulation carcérale est le résultat de choix politiques. En rendant les conditions de détention toujours plus indignes et dangereuses, l’État met en péril non seulement les personnes détenues mais aussi le système judiciaire et la confiance de la société dans ses institutions.
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