Depuis trois ans, l’OIP mène une large campagne contentieuse visant à garantir aux personnes détenues ayant le statut de prévenu le droit d’exercer un recours contre les décisions de l’autorité judiciaire affectant leurs conditions de détention et leurs liens avec leurs proches. En mai 2016(1), le Conseil constitutionnel censurait, à la demande de l’association, des dispositions qui privaient les personnes en détention provisoire de la possibilité de contester un refus de permis de visite ou un refus d’autorisation de téléphoner émanant de l’autorité judiciaire. La voie de recours manquante a été créée quelques semaines plus tard par la loi renforçant la lutte contre le crime organisé du 3 juin 2016. En juin 2018(2), le Conseil constitutionnel sanctionnait cette fois l’absence de voie de recours contre les décisions par lesquelles le juge d’instruction ou le procureur de la République refuse à une personne prévenue détenue le droit de correspondre par écrit avec un tiers ou procède à la saisie des courriers de l’intéressée. Depuis la loi du 23 mars 2019, ces décisions – qui doivent être motivées et notifiées par tout moyen et sans délai à la personne détenue – peuvent être attaquées devant le président de la Chambre de l’instruction en vertu de l’article 145-4-2 du code de procédure pénale (CPP). Celui-ci doit statuer sur le recours dans le délai d’un mois par une décision écrite et motivée. Au cours des six derniers mois, les juges ont encore constaté à trois reprises la violation du droit à un recours effectif des personnes détenues prévenues à l’occasion de procédures engagées par l’OIP. En décembre 2018, le Conseil d’État exigeait en effet qu’une voie de recours soit créée contre les changements d’établissement pénitentiaire décidés par l’autorité judiciaire(3). Trois mois plus tard, en février 2019, c’était à nouveau au tour du Conseil constitutionnel de condamner l’absence de toute possibilité de recours contre les avis par lesquels le procureur de la République s’oppose au rapprochement familial d’une personne détenue dans l’attente de sa comparution devant une juridiction de jugement(4). Très récemment, dans une décision du 21 juin 2019(5), les juges constitutionnels ont encore sanctionné l’impossibilité faite aux détenus prévenus de contester les refus d’autorisation de sorties sous escortes opposées par l’autorité judiciaire. Mis sous pression par les différentes procédures engagées par l’OIP, le législateur a été contraint de réagir. Créé par la loi du 23 mars 2019, l’article 145-4-2 du CPP prévoit en effet, outre une voie de recours contre le refus de correspondances écrites, que « les autres décisions ou avis conformes émanant de l’autorité judiciaire prévus par les dispositions réglementaires du présent code ou par la loi [pénitentiaire] et relatifs aux modalités d’exécution d’une détention provisoire ou à l’exercice de ses droits par une personne placée en détention provisoire peuvent (…) faire l’objet d’un recours du détenu ou du Ministère public devant le président de la Chambre de l’instruction ». Les transferts judiciaires, l’avis opposé à une demande de rapprochement familial ou les refus de sortie sous escortes peuvent donc désormais être contestés sur le fondement de cet article devant le président de la Chambre de l’instruction.
par Nicolas Ferran
(1) Décision n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016.
(2) Décision n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016.
(3) CE, 5 déc. 2018, n°424970.
(4) Décision n° 2018-763 QPC du 8 février 2019.
(5) Décision n° 2019-791 QPC du 21 juin 2019.