La permission de sortir permet de préparer une réinsertion, de maintenir des liens avec l’extérieur et donc de prévenir la récidive. Dans 99,5% des cas, ces permissions - 50 000 chaque année - se passent sans incident, permettent aux personnes détenues de préparer leur sortie, chercher un emploi, un logement, voir leurs proches dans des conditions de “normalité” perdues dernière les barreaux. En outre, ces « évasions » - 295 en 2013 - sont en réalité souvent des cas de retard et de non réintégration dans les délais (certains détenus se décidant à revenir au bout de quelques jours).
Le gouvernement envisage, après un fait divers certes dramatique, de changer un régime d’octroi déjà complexe et de systématiser les escortes, ce qui porterait un coup d’arrêt à la vocation de réinsertion de ces sorties. Un détenu va-t-il rencontrer son conjoint ou un potentiel employeur encadré de policiers ou surveillants ?
Les politiques mettent ainsi une nouvelle fois la pression sur les juges de l’application des peines, qui prononcent déjà très peu de permissions de sortir (0,91 permissions en moyenne par condamné détenu en 2013) alors que cette mesure devrait constituer une étape incontournable de préparation à la sortie.
Gouverner sous le coup de l’émotion, selon l’adage « un fait divers, une loi » ?
A son arrivée place Vendôme, la garde des Sceaux s’était démarquée avec virulence de cette pratique “populiste” de la précédente majorité, demandant aux parquets de “privilégier les mesures de nature à promouvoir la réinsertion du condamné”. Devant l’assemblée nationale, la ministre déclarait le 5 juillet 2012 : « Nous avons trop souvent eu affaire sous la précédente législature à des lois réactives, donc par nature peu prospectives. Inefficaces, ces textes ont été source d’insécurité juridique, aussi bien pour les praticiens du droit que pour les justiciables. Rendant la loi moins lisible, ils en ont amoindri la force en même temps qu’ils ont porté atteinte à la crédibilité de la parole ministérielle ».
Et encore, le 19 mars 2013 : « L’instrumentalisation des faits divers et la proclamation systématique d’un responsable ont eu essentiellement pour conséquence de diviser les Français d’un territoire à l’autre et d’opposer les professionnels entre eux (…) Ces injonctions contradictoires ont fait des dégâts considérables, selon le témoignage de tous les professionnels sur le terrain : malaise taraudant, impression de perte de sens, sentiment d’impuissance et d’irrationalité. Tous ces professionnels demandent à pouvoir exercer leur métier correctement, à travailler efficacement contre la délinquance et la criminalité, à mieux protéger les victimes et à en limiter le nombre ».
Aujourd’hui, la garde des Sceaux et le Premier ministre mettent une nouvelle fois les juges de l’application des peines sous pression, alors qu’ils octroient déjà de moins en moins de permissions de sortir, ce qui génère désocialisation, sorties non préparées et récidive. La politique doit être menée sur la base de tendances fortes. Elles montrent en l’occurrence que la permission de sortir est une bonne mesure, qui essuie une très faible part d’échecs, qui n’atteindra de toute façon jamais les 0%. Pourquoi ne pas proposer de renforcer et soutenir l’octroi des permissions à chaque fois qu’elles réussissent ? Dans 99,5% des cas, donc.