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A deux mois de l’échéance…

Éditorial de la revue Dedans-Dehors n°85

Le 25 novembre prendra fin le moratoire sur l’encellulement individuel. La loi pénitentiaire de 2009 avait accordé un nouveau délai de cinq ans pour appliquer la règle un détenu = une cellule. Principe vieux de 139 ans, réaffirmé par la loi en 2000 puis en 2003, et jamais mis en œuvre. En 2009, la garde des Sceaux annonçait qu’en 2012 « le nombre de places correspondra [it] au nombre actuel de détenus ». Après cinq ans d’augmentation de la population carcérale et la création de près de 6 000 places supplémentaires, le nombre de détenus reste supérieur de 17 869 à celui des cellules (au 1er janvier 2014). Et les projections de l’administration pénitentiaire, qui prévoit 130 détenus pour 100 cellules en janvier 2017, invitent à se demander si l’objectif reste à l’ordre du jour.

Alors que l’État s’apprête de nouveau à ne pas appliquer ce droit fondamental, une rhétorique pernicieuse refait surface : l’encellulement individuel ne correspondrait ni à la demande, ni à l’intérêt des détenus et irait même à l’encontre de leur socialisation.

C’est oublier qu’il s’agit d’un droit et non d’une obligation, laissant la possibilité à ceux qui le souhaitent de partager leur cellule. C’est oublier que la socialisation, ça se passe en dehors d’une cellule. Le régime de détention « doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux », rappellent les Règles pénitentiaires du Conseil de l’Europe, qui précise que les activités des détenus « doivent les occuper en dehors de leur cellule au moins huit heures par jour » ! Oublier qu’une cohabitation dans un espace confiné génère tensions et violences : « En cellule, on n’est jamais seul, ce qui provoque des tensions inouïes. En maison d’arrêt, on ne peut même pas s’isoler aux toilettes : la pression s’accumule inévitablement », explique Christophe de La Condamine, qui a passé cinq ans derrière les murs. Oublier que l’encellulement collectif forcé va à l’encontre de l’objectif de réinsertion. « J’ai été contraint de revenir dans une cellule prévue pour quatre, dans laquelle deux lits ont été rajoutés, ce qui fait que nous vivons à six animaux dans ce poulailler. Aucune intimité n’est possible, il faut tout surveiller, sans cesse dire non. Impossible dans ces conditions de travailler sur soi-même et sur sa réinsertion », écrivait à l’OIP une personne détenue en janvier 2013.

Le principe de l’encellulement individuel est une condition du respect de la dignité. « Il vise à offrir, à chaque personne incarcérée, un espace où elle se trouve protégée d’autrui, où elle peut préserver son intimité », rappelait le Contrôleur général en mars 2014. Renouvellement du moratoire, inscription au budget des coûts d’indemnisation des détenus… Quel que soit le palliatif qui sera choisi le 25 novembre, il ne sera pas acceptable.

Cécile Marcel

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