En réflexion depuis 2015, le code pénitentiaire est entré en vigueur le 1er mai 2022. Il consiste en un regroupement, dans un corpus unique, de l’ensemble des dispositions relatives aux établissements pénitentiaires et à la prise en charge des personnes détenues. Un effort de clarté qui, aussi louable soit-il, n’aura pour ces dernières qu’un intérêt limité.
L’idée émanait des conclusions de la commission Cotte en 2015(1), avant d’être reprise par un rapport ultérieur(2) puis consacrée par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : celle-ci autorisait en son article 24 le gouvernement à « rassembler et organiser dans un code pénitentiaire les dispositions relatives au service public pénitentiaire, à son contrôle et à la prise en charge ainsi qu’aux droits et obligations des personnes qui lui sont confiées ». C’est désormais chose faite avec l’ordonnance et le décret d’application du 30 mars 2022 portant respectivement parties législative et règlementaire du code pénitentiaire, rapidement complétés par le décret du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues. Tous trois sont entrés en vigueur le 1er mai, à l’exception des dispositions concernant le temps de travail et les périodes d’astreintes (lire page 5). Organisé en sept livres et 1 659 articles (321 législatifs et 1 338 règlementaires), le texte consiste en une codification à « droit constant » de dispositions jusqu’alors disséminées pour l’essentiel dans le code de procédure pénale et la loi pénitentiaire de 2009 (mais également dans le code de la sécurité sociale, le code de l’action sociale et des familles, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, etc.)(3). L’objectif premier était donc de renforcer la cohérence et la lisibilité d’un droit rendu au gré des réformes aussi complexe que diffus, en le centralisant dans un instrument unique. L’effort de clarté doit être sur ce point salué. Quant aux dérangeantes prédictions du directeur de l’administration pénitentiaire, selon lequel « plutôt que d’agresser, les détenus pourront engager des recours en se fondant sur ce code »(4), rien ne permet de penser qu’il en sera ainsi. Pour que le code se pare d’une certaine utilité, il devra en effet être complété tant par la jurisprudence que par l’ensemble des normes infra-légales en vigueur (circulaires, instructions, notes), aussi abondantes que toutes-puissantes en milieu carcéral – un assemblage que seul le Guide du prisonnier est actuellement en mesure de proposer. Gageons que les éditeurs juridiques se saisissent de ce défi, sans quoi le code restera un manuel pour l’administration plutôt qu’un outil à destination des personnes détenues.
Un outil pour (et contre) le droit
Par ailleurs, et bien que le mandat du gouvernement ne portait que sur un travail de compilation, peut-être faut-il souligner l’effet pervers de cristallisation auquel la codification procède. En effet, à l’heure où les ravages liés à la surpopulation carcérale couplés à la production foisonnante du savoir scientifique invitent à repenser la prison sous toutes ses coutures, le code vient à l’inverse se dresser comme un écran de fumée. La prison est, nous dit-il, et voici comment elle fonctionne. Avec lui, l’emprisonnement se profile ainsi un peu plus comme une affaire de technique et un peu moins comme une question politique – dont l’extrême complexité justifiait à elle seule l’éclatement au sein d’une pluralité de textes régulant la vie publique. Or si le code ne réinvente bien sûr pas cette norme, il la raffermit, tout en parachevant la légitimation(5) d’un régime juridique dérogatoire, que plusieurs décennies de réformes et de décisions contentieuses auront hissé au rang de science administrative. Pour le meilleur et pour le pire. Face à cette sinistre sanctuarisation d’un droit avant tout prohibitif, il apparaît maintenant et plus que jamais urgent d’imaginer une réforme d’ampleur de la prison. Celle-ci ne pourra se faire qu’au travers d’une profonde reconfiguration de son objet, de sa finalité et de sa conformité avec les libertés individuelles.
Par Julien Fischmeister
(1) « Pour une refonte du droit des peines », rapport de la commission présidée par Bruno Cotte, décembre 2015.
(2) « Sens et efficacité des peines », rapport de Bruno Cotte et Julia Minkowski, janvier 2018.
(3) Seules les dispositions relatives aux mineurs n’ont pas été intégrées, celles-ci étant contenues dans le récent code de la justice pénale des mineurs.
(4) Allocution introductive de Laurent Ridel lors du forum sur le code pénitentiaire, organisé par la DAP le 9 juin 2022.
(5) Une partie préliminaire, de portée générale, est en ce sens vouée à réaffirmer le rôle, le cadre et les missions du service public pénitentiaire.
Publié dans Dedans Dehors n°115, juin 2022.