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Edito. Sous le tapis de la place Vendôme

Une surpopulation au caractère « particulièrement indigne », un état d’hygiène « déplorable » avec des rats qui évoluent en masse, dont l’urine s’écoule des faux plafonds et dont le pelage, les excréments et les cadavres dégagent une « odeur persistante », un climat de tension permanente caractérisée par « un usage banalisé de la force et des violences », des pratiques de fouilles à corps qui « violent les droits des personnes détenues »…
Le tableau de la maison d’arrêt de Fresnes, dressé dans des recommandations en urgence publiées par la Contrôleure général des lieux de privation de liberté Adeline Hazan, est terrifiant.

Et pourtant, la situation de cette prison n’est pas nouvelle. En 2001 déjà, Marylise Lebranchu, alors ministre de la Justice, évoquait les besoins de rénovation de l’établissement. À trois reprises entre 2012 et 2013, l’OIP a fait condamner la direction pour la pratique illégale des fouilles à nu systématiques… qui persiste donc encore en 2016. Tout récemment, l’OIP saisissait à nouveau la justice face à la prolifération alarmante des rats, puces et cafards dans la prison.

Aussi dramatiques soient-elles, ces conditions de détention n’ont malheureusement rien d’exceptionnel. Un tiers du parc carcéral français est considéré comme vétuste. Trente-et-un établissements pénitentiaires ont été jugés par la justice française comme exposant les personnes détenues à des traitements inhumains ou dégradants. À dix-sept reprises, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour l’état de ses prisons.

Autant de condamnations et de rapports accablants qui devraient inviter à un véritable plan Marshall pour les prisons ? Pas pour le gouvernement, en tous cas, malgré l’annonce d’un plan de construction de 33 nouvelles prisons qui ne fera que grever davantage le budget d’entretien du parc carcéral actuel. Pour le reste, il prend – aux mieux – des mesurettes : à Fresnes, indique le ministre dans sa réponse à la Contrôleure générale, l’administration a renouvelé armoires et tabourets, fait l’acquisition de trois nettoyeurs à haute pression, remplacé l’ensemble des caillebotis de deux divisions (ce grillage épais posé sur les fenêtres pour empêcher le jet de détritus, qui plonge les cellules dans une quasi-obscurité), ou encore rappelé au personnel le code de déontologie déjà affiché dans l’établissement.

Le plus souvent, le gouvernement se contente de faire trainer, remisant sous le tapis les recommandations des instances de contrôle et tentant d’éviter toute publicité négative. Aussi, le rapport de la visite du Comité européen de prévention de la torture effectuée en novembre 2015 et transmis au gouvernement en juillet dernier attend toujours son aval pour être publié.

Et pour le grand soir, il faudra revenir. Le ministre de la Justice a certes annoncé un livre blanc sur les prisons, mais il s’est tristement réduit à un « livre blanc sur la construction pénitentiaire », dont la mise en oeuvre échoira… au prochain gouvernement.

Par Cécile Marcel, Directrice de l’OIP-SF