Alors qu’il était incarcéré au centre de détention de Longuenesse, Monsieur S. a subi des conditions de détention particulièrement dégradées en raison d’une grève des surveillants : pendant douze jours entre le 14 et le 26 janvier 2018, il n’a bénéficié d’aucune promenade ni aucune activité, n’a pas pu accéder au téléphone pour appeler sa famille et a vu ses parloirs annulés. Pendant toute la période, l’accès aux douches et le ramassage des poubelles étaient réduits et, alors que la livraison des cantines accusait des retards, le repas du midi n’a pas été distribué pendant six jours consécutifs. Face au préjudice subi, il a adressé une demande préalable d’indemnisation au garde des Sceaux. Celle-ci ayant été implicitement rejetée, il a alors saisi le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 30 avril 2021, le tribunal a retenu la faute de l’administration pénitentiaire. Soulignant dans un premier temps l’entière dépendance des prisonniers à l’égard de l’administration, le tribunal rappelle les obligations réglementaires qui pèsent sur elle et ce, en dépit de grèves des surveillants. Il précise, dans sa décision, que l’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention des prisonniers dépend, outre leurs caractéristiques personnelles (âge, état de santé, etc.), de la nature et de la durée des manquements constatés, eu égard aux contraintes qu’implique le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires. Si l’administration a affirmé avoir fait les efforts nécessaires et suffisants pour garantir un minimum aux prisonniers de Longuenesse durant cette période, le tribunal relève qu’elle n’apporte généralement pas la preuve de ses allégations et qu’en tout état de cause, les affirmations du requérant ne sont pas contredites. Partant, il considère que le fait que le requérant n’ait – durant douze jours – pu sortir de cellule ou accéder aux douches et que les poubelles n’aient pas été ramassées constitue un traitement dégradant. En outre, le tribunal estime que l’absence d’accès à la cabine téléphonique, couplée à l’annulation des parloirs durant un week-end, a porté atteinte au droit au maintien des liens familiaux.
Le garde des Sceaux a fait appel. Gageons que la cour administrative d’appel de Douai confirme ce jugement, ce qui irait dans le sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (Clasens c. Belgique, n° 26564/16, 28 mai 2019). La CEDH est d’ailleurs actuellement saisie des conditions de détention au centre pénitentiaire de Condé-sur- Sarthe durant la grève de mars 2019, la Cour de Strasbourg ayant décidé d’instruire les requêtes de huit prisonniers. — TA Lille, 30.04.2021, req. n° 1811587
— Benoit David