Deux candidats se refusent à souscrire à l’ensemble des engagements qui leur était soumis. Ce positionnement de Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen acte d’un désaccord sur les principes fondamentaux des réformes à accomplir, voire même d’un déni partiel du constat accablant issu de la consultation des États généraux et partagé par tous les autres candidats sur l’état du monde carcéral, le président de l’UMP allant jusqu’à affirmer que « la situation s’améliore »…
Nicolas Sarkozy, Union pour un mouvement populaire (UMP)
« Depuis 25 ans, ce sont les gouvernements de droite qui ont le plus agi en faveur des prisons. Les programmes Chalandon et Méhaignerie ont augmenté le nombre de places, construit de nouvelles prisons et introduit la gestion mixte des établissements, unanimement saluée aujourd’hui comme un incontestable progrès. La loi du 9 septembre 2002 a prévu à son tour la construction de 13 200 nouvelles places, dont la livraison commencera en 2007. Elles s’ajouteront aux 9 000 construites ou réhabilitées depuis 2002. Depuis cette date, le gouvernement a également œuvré en faveur de l’amélioration de la santé des détenus et du maintien des liens familiaux, et développé l’usage du bracelet électronique qui est une alternative précieuse à l’incarcération. Tout n’est pas réglé dans le système carcéral français, loin de là, mais progressivement la situation s’améliore et les propos définitifs parfois tenus au sujet de nos prisons sont autant d’injustices envers les surveillants de prison qui accomplissent jour après jour leur mission dans le respect de la loi et des personnes. Des organismes comme l’Observatoire international des prisons jouent à cet égard un rôle déterminant pour mobiliser l’opinion publique et inciter les gouvernements à agir. Leur action n’a pas été inutile. Je me suis clairement engagé à ce que la dignité de la condition carcérale soit une priorité de notre action. Être condamné à une peine de prison, ce n’est pas être condamné à être maltraité par d’autres détenus, à ne plus avoir de contacts avec sa famille, à vivre dans une cellule surpeuplée, à se sentir acculé au suicide. Les conditions de la détention provisoire nécessitent une réforme profonde car il n’est pas normal que les personnes présumées innocentes soient aussi celles qui subissent le régime carcéral le plus dur. De manière générale d’ailleurs, la France a trop recours à la détention provisoire. Celle-ci devrait notamment être réservée aux cas d’atteinte ou de menace à l’intégrité physique des personnes. La dignité humaine exige cet engagement, mais aussi la protection des victimes car tout détenu qui sort de prison avec un projet de réinsertion a beaucoup moins de risques de récidiver. Parmi les mesures que j’ai proposées figurent notamment la séparation stricte, dans des établissements différents, des mineurs et des majeurs, ainsi que celle des prévenus et des personnes condamnées, afin que la rigueur du régime des premiers soit limitée au minimum s’agissant de personnes présumées innocentes. Le principe de l’encellulement individuel pour toute personne qui le souhaite, dans des conditions respectueuses de l’intimité, doit être garanti. Le maintien des liens familiaux, par la création d’unités de visites familiales dans toutes les prisons, la réinsertion, qui souffre du manque de personnels pour s’en occuper et du manque de travail, et la santé des détenus doivent faire l’objet de toutes nos attentions. Les détenus souffrant de troubles psychiatriques, notamment les condamnés pour des faits d’ordre sexuel, doivent être placés dans des établissements médicalisés spécialisés. Les règles pénitentiaires érigées par le Conseil de l’Europe indiquent les normes considérées comme indispensables. À nous de les appliquer. Une loi pénitentiaire doit préciser les missions de l’administration pénitentiaire et les conditions générales de la détention. Elle devra surtout, puisque c’est une loi, fixer les droits et les devoirs des détenus, dont beaucoup sont aujourd’hui prévus par des textes de niveau inférieur alors qu’ils relèvent évidemment de la loi. Il en est de même du régime des sanctions disciplinaires, dont la procédure doit en outre devenir pleinement conforme aux exigences d’un État de droit. Un contrôle général indépendant des prisons doté de tous les pouvoirs nécessaires, doit être institué. Je souhaite également que le régime des fouilles corporelles soit profondément revu comme je l’ai fait avec la garde à vue par la circulaire du 11 mars 2003. »
Jean-Marie Le Pen, Front national (FN)
« La peine privative de liberté doit être une sanction de dernier recours : Non. Déjà beaucoup de délits ne sont pas sanctionnés par la détention et 40 % des peines de prisons ne sont pas effectuées. Les personnes dont l’état de santé, psychique ou physique, est incompatible avec la détention doivent être libérées […] : La mise en liberté de telles personnes mettrait en danger leur sécurité et celle des honnêtes gens. En revanche, il est nécessaire de ne pas les mélanger avec les autres détenus et de les prendre en charge dans des structures de soin adaptées à leur état de santé physique et psychique. Le respect de l’État de droit en prison : Les prisons françaises sont devenues des zones de non droit, dans lesquelles la loi du plus fort s’exerce aux dépens des plus faibles. La banalisation de la toxicomanie en est une illustration. C’est la conséquence du surpeuplement et du mélange des détenus, mais aussi du recul de l’autorité pénitentiaire. Le rétablissement de celle-ci, qui doit être juste et impartiale est donc une condition préalable au rétablissement de l’État de droit. L’administration pénitentiaire doit veiller au respect du règlement, qui, d’une part, doit être le même pour tous, de l’autre, doit émaner d’une loi votée par les représentants du peuple. La reconnaissance de l’ensemble des libertés et droits fondamentaux des personnes détenues, à l’exception de la liberté d’aller et venir : Oui. À la privation de liberté, la détention ne doit pas ajouter des conditions de vie indécentes et, pour les plus faibles, le racket, la torture et le viol. La réforme de nos prisons doit permettre aux détenus de jouir des droits fondamentaux attachés à la personne humaine et notamment du premier d’entre eux qui est la sécurité. Pour cela, il faut notamment mettre fin au surpeuplement des prisons et donner à chaque détenu la possibilité d’être seul dans sa cellule, avec le confort minimum, (toilettes, fenêtre, place disponible). Cela nécessite : – un grand programme de construction de prisons et de rénovation ; – la diminution du nombre des détenus provisoires (21 000) par la réduction des délais dans lesquels la justice est rendue, l’amélioration de l’efficacité des magistrats, notamment celle des juges d’instruction, la surveillance électronique pour les suspects de délits ne portant pas atteinte à la sécurité des personnes ; – la diminution de la population carcérale étrangère (22 % des détenus). Tout étranger ayant commis un délit en France doit, après sa condamnation, d’une part, être expulsé et interdit de séjour, d’autre part, effectuer sa peine dans son pays. Il faut aussi répartir les détenus selon leur statut et la nature de leur délit : séparer les prévenus des condamnés, les mineurs des adultes, les “primo-délinquants“ des récidivistes, les condamnés pour atteinte aux biens de ceux condamnés pour violence, les délinquants sexuels des autres détenus. Organiser et garantir l’exercice du droit à la santé, à l’hygiène, au maintien des liens familiaux et des prestations sociales, à l’éducation, au travail, à la formation… : Oui, tout en veillant à ce que l’exercice de ces droits ne s’exerce pas aux dépens, d’une part, de la sécurité du personnel pénitentiaire, des personnes extérieures à la prison et des détenus, d’autre part, du respect de l’exécution des peines prononcées par la justice. Les sanctions disciplinaires ne peuvent découler que d’une décision prise dans les conditions qui respectent le principe du procès équitable et susceptible de recours effectifs : Oui, à condition que ces règles n’entravent pas le fonctionnement de l’autorité pénitentiaire, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Sinon, elle est remplacée par l’autorité des gangs, arbitraire et inhumaine. Instaurer un organe de contrôle extérieur assurant l’effectivité du respect des droits des détenus et auquel ces derniers peuvent s’adresser en cas de violation : Là aussi, cet organe ne doit pas entraver le fonctionnement de l’autorité pénitentiaire qui, en prison, est la seule instance capable d’assurer la sécurité et le respect des droits de chaque détenu. L’anticipation, la préparation et l’accompagnement du détenu à la libération sont des missions fondamentales de l’administration pénitentiaire : Oui, à condition que l’exercice de ces missions ne s’exerce pas aux dépens de la première des missions de l’administration pénitentiaire qui est de garder les détenus. Le principe d’évaluation par le Parlement des politiques pénitentiaires […] : Oui. Cependant cette évaluation serait d’autant mieux faite si le Parlement était représentatif et donc élu au scrutin proportionnel intégral. L’importance du rôle de l’administration pénitentiaire et la prise en compte particulière de la condition des personnels pénitentiaires : Oui. Cela nécessite une augmentation de leurs effectifs, un développement de leur formation, une amélioration de leurs conditions de vie et de travail, une protection accrue des personnels et de leurs familles, le rétablissement dans les prisons de l’autorité de l’administration pénitentiaire, une revalorisation matérielle, sociale et morale de leur métier. Conclusion : Cette politique nécessitera des moyens accrus, donc un budget de la justice porté à 3 % des dépenses de l’État (1,6 aujourd’hui). Mais le scandale des prisons françaises est aussi le symptôme des maux qui frappent notre pays. En effet, les détenus ayant des conditions de vie moindres que celles du reste de la société, ils sont les premières victimes des crises économiques et sociales. La réforme indispensable des prisons françaises doit s’inscrire dans un grand projet de rénovation nationale reposant sur le rétablissement de la sécurité, le retour de la prospérité, la fin du laxisme moral, la refondation des institutions de notre société, que sont la famille, l’école, la justice. »