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La comparution immédiate

La comparution immédiate est une procédure de jugement rapide particulièrement pourvoyeuse d'incarcération.

Qu’est-ce que le régime de la comparution immédiate ?

La comparution immédiate (CI) est une procédure, choisie par le procureur de la République, qui consiste à traduire sur-le-champ, immédiatement après la fin de la garde-à-vue, des personnes majeures accusées d’un ou plusieurs délits, s’il estime que les charges sont suffisantes, que l’affaire est en état d’être jugée et que le cas le justifie. Elle est possible pour la quasi totalité des délits : pour les enquêtes en flagrant délit, il suffit que la peine encourue soit d’au moins six mois d’emprisonnement et pour les enquêtes concernant des faits plus anciens, qu’elle soit de deux ans d’emprisonnement.

Avant de comparaître devant la juridiction, la personne fait l’objet d’une enquête sociale rapide incluant un court entretien et, dans la mesure du possible, des vérifications (auprès de proches ou de l’employeur éventuel), qui sera jointe au dossier. Les personnes qui comparaissent devant le tribunal ne sont pas libres.

S’il n’y a pas d’audience de comparution immédiate le jour même – notamment le week-end – la personne est présentée au juge des libertés et de la détention (JLD) qui peut décider de la placer en détention provisoire dans l’attente de l’audience, qui doit alors avoir lieu au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. Le JLD peut toutefois décider de placer la personne sous contrôle judiciaire ou assignation à résidence sous surveillance électronique.

À l’audience, le tribunal est composé de trois magistrats. L’affaire peut être jugée immédiatement, si la personne, assistée d’un avocat, y consent. Elle peut être renvoyée soit à la demande de la personne pour préparer sa défense, soit parce que le dossier est incomplet (victime non avisée, manque d’une pièce, etc.) Le tribunal statue alors sur un éventuel placement en détention provisoire ou contrôle judiciaire dans l’attente du jugement, qui doit avoir lieu dans un délai de deux à six semaines (ou de deux à quatre mois si la peine encourue est supérieure à sept ans d’emprisonnement).

Juridiquement, l’incarcération des personnes est facilitée en comparution immédiate. En effet, la détention provisoire peut être prononcée quelle que soit la peine encourue. Quand la personne est jugée, elle peut être immédiatement incarcérée (via un mandat de dépôt) quelle que soit la durée de la peine prononcée et même si elle n’est pas en récidive, contrairement aux audiences où les personnes comparaissent libres.

La comparution immédiate en chiffres

En 2016, le nombre de jugements en comparutions immédiates était de 49 220. Leur nombre a considérablement augmenté dans les années 2000 (passant de 31 693 en 2001 à 46 601 en 2005), puis a connu une stagnation globale (il était de 44 750 en 2014), le nombre repartant à la hausse sur les deux dernières années. Une partie de ces hausses est liée à des impératifs de gestion de flux, qui se font au détriment d’un jugement apaisé des personnes.

Tout dans la comparution immédiate est affaire de temps

Le jugement intervient très près des faits, ce qui réduit le temps de préparation de la défense, limite la capacité de prendre du recul sur les faits (pour le tribunal comme pour les personnes jugées) et ne permet souvent pas de produire des justificatifs (logement, travail) ou d’envisager des alternatives à la prison. Ainsi 29 % des personnes sont jugées le jour de la fin de la garde à vue, au total 70 % des affaires sont jugées dans un délai inférieur à 4 jours.

La procédure se déroule dans des délais très courts : l’entretien avec l’organisme chargé des enquêtes sociales rapides puis avec l’avocat durent à peine quelques dizaines de minutes. Le tribunal prend connaissance du dossier au mieux quelques heures avant l’audience, parfois des dossiers s’ajoutent alors qu’elle est en cours.

Le temps consacré à l’audience est très court : une étude menée à Marseille sur 500 personnes jugées sur 5 mois a montré que le temps moyen d’audience est de 29 minutes, incluant 17 minutes de débat (présentation de l’affaire, débat et éventuelle plaidoirie de la partie civile), suivie de 6 minutes de réquisitions du Procureur et 6 minutes de plaidoirie de la défense. La suspension d’audience pour délibérer sur plusieurs affaires dure en moyenne 21 minutes (Rapport 2016 de l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux).

Les victimes sont aussi soumises aux mêmes délais : la victime des faits est parfois convoquée le matin pour l’après-midi ou le jour pour le lendemain. Elle n’est pas toujours en capacité d’assister au procès et de faire valoir ses demandes d’indemnisation. Quand elle est présente, elle est fréquemment contrainte à demander un renvoi pour pouvoir être assistée d’un avocat ou produire des justificatifs de son préjudice.

Qui est jugé en comparution immédiate ?

Plusieurs études montrent que :
• les personnes jugées en comparution immédiate sont principalement des hommes, jeunes, peu insérés (sans logement ou sans logement propre, emploi précaire ou sans emploi)
• la majorité rencontre des problèmes de santé (dépendance, troubles psychiatriques)
• les personnes SDF ou étrangères sont surreprésentées par rapport à leur représentation dans la population
• si la majorité des personnes ont déjà au moins un antécédent judiciaire, les études faites à Marseille, Nice, Paris et Toulouse montrent qu’entre 28 et 37 % des personnes traduites en comparution immédiate n’avaient pas de casier judiciaire.

Les faits poursuivis en CI sont principalement des vols, des infractions à la législation sur les stupéfiants puis, dans une moindre mesure, des violences (très majoritairement sans interruption temporaire de travail) et des infractions routières (selon l’étude marseillaise).

La comparution immédiate favorise la prison, au titre de la détention provisoire comme en termes de sanction prononcée. 54 % des détentions provisoires sont prononcées dans le cadre de procédures de CI : cela concerne 14 368 personnes (statistiques de la Direction de l’administration pénitentiaire). Au jugement, il est fréquent que les personnes soient condamnées à rester en prison. Dans le choix de la sanction, la peine de prison est la peine la plus fréquemment prononcée en comparution immédiate et le mandat de dépôt (incarcération immédiate) est très fréquent. À défaut de statistiques nationales, les études le confirment. À Marseille, 77 % des personnes sont condamnées à des peines de prison ferme, dans 69 % des cas avec un mandat de dépôt. Les mesures de probation sont lourdement sous-représentées. Une étude a montré que, toutes choses égales par ailleurs la comparution immédiate multiplie par 8,4 la probabilité d’un emprisonnement ferme par rapport à une audience classique de jugement (V. Gautron et J.-N. Rétière, La justice pénale est-elle discriminatoire ? Une étude empirique des pratiques décisionnelles dans cinq tribunaux correctionnels).