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Le port des menottes et entraves sous le contrôle de la Cour européenne

Le recours à des moyens de contention peut être un traitement dégradant s’il n’est pas nécessaire et proportionné.

La Cour européenne des droits de l’homme le rappelle dans un arrêt du 27 mai 2014, condamnant la Bulgarie pour avoir imposé le port de menottes dans le dos à deux détenus, pendant une audience au sein de la prison. En l’espèce, les juges européens relèvent que le traitement infligé aux requérants n’a duré qu’un temps limité ( une heure environ), qu’il « n’a pas été particulièrement sévère et n’a pas entraîné de dommages à [leur] santé ». En outre, les détenus n’ont pas été soumis à la vue du public, l’audience s’étant déroulée à huis clos.

Mais les juges estiment que le menottage dans le dos n’était pas commandé par un impératif de sécurité : l’audience avait lieu dans un environnement sécurisé, en présence de surveillants, les requérants portaient des entraves aux pieds, et d’autres mesures de sécurité étaient possibles et apparemment suffisantes. Deux témoins, faisant partie du même groupe de prisonniers condamnés à perpétuité, avaient en effet été entendus sans entraves au cours de cette audience. Selon l’Etat bulgare, les deux requérants étaient particulièrement dangereux et risquaient de tenter de fuir ou de recourir à la violence pour perturber l’audience.

Des arguments ne justifiant pas, pour la Cour, le maintien des intéressés dans la « position pénible » résultant du menottage dans le dos. Le traitement infligé aux requérants a donc été jugé suffisamment grave et injustifié pour être qualifié de « traitement dégradant », en violation de l’article 3 de la CEDH.
Les juges européens rappellent à cette occasion leurs principes de jurisprudence : le port des menottes et entraves ne constitue pas un traitement dégradant s’il est lié à une arrestation ou une détention légales et qu’il n’entraîne pas l’usage de la force, ni d’exposition publique, au-delà de ce qui est raisonnablement considéré comme nécessaire et proportionné vu les circonstances.
Il importe « par exemple de savoir s’il y a lieu de penser que l’intéressé opposera une résistance à l’arrestation, ou tentera de fuir, de provoquer blessure ou dommage, ou de supprimer des preuves ».

La Cour examine pour chaque cas si l’utilisation de moyens de contention est nécessaire et proportionnée, prenant en compte « l’intégralité » des faits. Elle vérifie notamment si la mesure a eu pour but ou pour effet d’humilier et de rabaisser la personne entravée, et si le menottage a nui de façon grave à sa personnalité.
Le fait d’être exposé à la vue du public peut être un facteur pertinent à cet égard, mais la Cour précise que même à l’abri des regards, ce traitement peut emporter une violation de l’article 3 en l’absence de justifications suffisantes de sécurité.

CEDH, 27 mai 2014, Radkov et Sabev c/ Bulgarie