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Les personnes détenues

Le constat essentiel est la très grande homogénéité des réponses données par les détenus concernant leurs conditions de détention et leurs attentes », peut-on lire dans le « Résumé des résultats par catégorie de détenus ».(1) Une unanimité qui, ajoutée à leur participation massive à la consultation, donne d’autant plus de force à l’exigence d’une réforme sans cesse ajournée.

une communauté d’intérêts

Qu’elles soient prévenues ou condamnées, incarcérées en maison d’arrêt ou en établissement pour peine, âgées de 18, 40 ou 65 ans, femmes ou hommes, l’analyse des réponses des personnes détenues montre non seulement une même évaluation de leurs conditions de détention, mais aussi des attentes communes. La consultation a montré par exemple que « les personnes prévenues et les personnes condamnées ont des attentes souvent très proches » et la « hiérarchie [de celles-ci] est globalement la même ». Il est frappant d’ailleurs de constater que toutes se sont exprimées sur l’ensemble des questions, même sur celles qui ne relevaient pas de leur statut pénal : « Ainsi, les deux fiches les plus spécifiques, l’une sur le régime de détention des prévenus et l’autre sur le régime de détention des condamnés ont été complétées par l’ensemble des répondants. Malgré de légers décalages dans les attentes, la hiérarchie est globalement la même. » Ce constat vaut pour l’ensemble des critères. Ainsi, quel que soit le nombre d’années de détentions, « les actions à mettre prioritairement en œuvre sont les mêmes ». De la même façon, on peut observer « le caractère extrêmement proche des attentes exprimées » par les détenus selon leur type d’établissements, ou encore selon le sexe, puisque, chez les hommes comme chez les femmes, les thèmes d’insatisfaction sont globalement les mêmes et « les actions prioritaires préconisées identiques ».

des attentes spécifiques

Malgré cette grande proximité, « certaines catégories de détenus expriment cependant, sur certains sujets, des attentes spécifiques », des différences qui peuvent être liées à leur statut pénal et, plus encore, au type d’établissements dans lesquels ils sont écroués. Par exemple, « les prévenus insistent particulièrement sur le fait “d’appliquer en maison d’arrêt les aspects positifs des conditions de vie en centre de détention“, (cité par 90 % d’entre eux, + 9 points par rapport aux condamnés) ; de “prévoir la possibilité d’un rapprochement familial“ (86 %, + 4 points) et d’ “alléger le contrôle de la correspondance“ (72 %, +9 points) ». Pour les condamnées, les priorités résident avant tout dans « le fait de “permettre à tout condamné qui le souhaite de loger dans une cellule individuelle“ (cité par 84 % des condamnés, 4 points de plus que les prévenus), “respecter le principe d’affectation en établissement pour peine“, (72 %, +4 points) et “n’empêcher la libre circulation des condamnés au sein de la détention qu’exceptionnellement“, (57 %, +7 points). » Les différences les plus notables concernent les alternatives à l’enfermement. Les prévenus sont ainsi logiquement « plus nombreux à attendre une limitation du recours à la détention provisoire et réduction de la durée », tandis que « les personnes détenues en établissement pour peine, et tout particulièrement en maison centrale, se singularisent par une plus grande préoccupation à la sortie et la possibilité d’obtenir une libération anticipée ». Elles désirent ainsi « avant tout pouvoir bénéfi cier plus largement de la suspension de peine pour raison médicale (81 %, +18 points par rapport à la moyenne), et la limitation des périodes de sûreté (77 %, +27 points) ».

une insatisfaction plus grande chez certains

Il est frappant d’observer que, si l’insatisfaction des personnes détenues est très forte quelle que soit leur catégorie, elle « croît avec le nombre d’années d’incarcération effectuées », et ce dans « la plupart des domaines évoqués dans le questionnaire », ainsi qu’avec l’âge ou le fait d’être incarcéré en établissements pour peine, et notamment en maison centrale, ces variables étant « très probablement fortement corrélées ». La préparation et accompagnement à la sortie, l’octroi des aménagements de peine ou la protection des droits fondamentaux suscitent par exemple une « insatisfaction […] plus grande chez les personnes détenues en maison centrale (86 % d’insatisfaits) que chez les personnes détenues en centre de détention (81 %) ou en maison d’arrêt (77 %) ». Dans ces dernières en effet, les attentes des détenus se focalisent davantage sur l’accès au téléphone et, plus largement, sur les liens familiaux. L’analyse des questionnaires fait enfin apparaître « une insatisfaction généralement légèrement moins marquée du côté des personnes détenues de sexe féminin par rapport au sexe masculin (66 % en moyenne sur l’ensemble des domaines testés contre 72 % pour les hommes) ». Elles se montrent cependant plus insatisfaites que les hommes concernant l’accès aux soins médicaux (65 % d’insatisfaites contre 62 % chez les hommes) et l’accès aux soins psychiatriques. Dans ces domaines, elles expriment également des attentes légèrement différentes, telles que « la nécessité de “garantir la confidentialité des consultations et du dossier médical“ » ou « l’idée de “protéger la confidentialité des consultations psychiatriques“ ».

(1) BVA et les États généraux de la condition pénitentiaire, « Consultation en vue des États Généraux de la condition pénitentiaire – Résumé des résultats par catégorie de détenus », octobre 2006. Toutes les citations de l’article proviennent de ce document.

le plus inacceptable…

« … le fait de nous humilier lors de la fouille corporelle en nous demandant de nous baisser pour regarder nos fesses et le reste de nos parties intimes » Homme prévenu, en maison d’arrêt

« 1er janvier 2006 : décès de ma compagne. J’ai été prévenu par un courrier extérieur le 4 janvier. Impossibilité d’assister aux obsèques ! » Homme condamné à une peine de plus de 10 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis 3 ans

« L’aspect le plus intolérable est pour moi et d’être emprisonné comme prévenu depuis 15 mois et être sans nouvelles de mon épouse et de mes deux enfants en bas âge, car en MA on m’interdit de téléphoner et de prendre des nouvelles de ma famille, car celle-ci réside à l’étranger. » Homme prévenu, en maison d’arrêt, détenu depuis 1 à 2 ans

« Moi, ça fait deux mois que je suis en prison, j’ai vu deux suicides. » Homme prévenu, en maison d’arrêt, détenu depuis 1 à 3 mois

« Cela fait 2 mois que j’écris au psychologue qui ne me répond pas. Je connais des détenus qui se sont fait amputer des membres qui pourrissaient du manque de soin. J’ai des lunettes qui ne sont pas adaptées à ma vue et pour cause, ce sont le généraliste qui les a faites par manque d’ophtalmologistes. » Homme condamné à une peine de 3 à 5 ans, en centre de détention, détenu depuis 2 ans

« Nous sommes considérés comme des merdes. En ressortant, on a la rage contre la société. » Homme condamné à une peine de 1 à 3 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis 2 ans

« … le fait d’être handicapé et d’être obligé d’être dans une cellule à 2 et sur le haut d’un lit à étage, obligé de descendre dans le noir. En cas de diarrhée, ce qui est fréquent, 1 seul WC (le 2ème est obligé de faire sur un papier au sol). Il n’y a pas de barre de retenue pour les handicapés près des WC. » Homme condamné à une peine de plus de 10 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis 2 ans

« Comment se fait-il qu’après deux ans de travail, le salaire moyen soit de 50 à 100 euros par mois ? On nous prélève 30 euros pour la télé et 10 euros pour le frigo. Nous sommes traités comme des esclaves par une entreprise extérieure, allant jusqu’à se faire insulter par le responsable de l’entreprise, qui nous dit que nous sommes des merdes. » Homme condamné à une peine de 5 à 10 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis 2 ans

« Suite à un manque de dentiste à la maison d’arrêt de […], un problème dentaire s’est posé : un os s’est fi gé dans la gencive que j’ai gardé pendant 45 jours, que j’ai moi-même extrait avec les moyens dont je dispose en cellule, un couteau, une aiguille à coudre ; suite à cela, j’ai fait une paralysie faciale qui a occasionné la perte de mon œil gauche (“glande lacrymale atrophiée“). Je n’ai rencontré qu’un ophtalmo et un ORL quatre mois plus tard. » Homme condamné, en maison d’arrêt, détenu depuis 30 mois

« … la misère qui se lit dans les yeux de tout le monde, même si on est un tas de muscles, on a toujours des larmes au coin de l’œil. La prison en France vous brise si vous n’êtes pas fort moralement ; sinon, vous vous réfugiez dans les médicaments psychotropes, les barbituriques et la sédation avec le risque d’accoutumance et de devenir soit un zombie ou un demi fou à lier. Oui, c’est ça, la réalité des prisons françaises. » Homme prévenu, détenu depuis 6 mois à un an

« … les escortes avec le gilet pare-balles, les menottes pour aller à l’hôpital alors que vous êtes pratiquement dans le coma, et on vous traîne comme un chien devant les gens qui vous regardent comme si vous étiez un monstre. Avoir un peu plus d’intimité lors des examens médicaux, que les surveillantes n’y assistent pas. » Femme condamnée à une peine de 5 à 10 ans, en maison centrale, détenue depuis 3 ans

les réformes attendues

« Ne plus punir de quelque façon que ce soit les tentatives de suicide. » Homme condamné à une peine de plus de 10 ans, en centre de détention, détenu depuis 3 ans

« J’attends d’une réforme qu’elle permette d’avoir une meilleure hygiène de vie, physiquement (activité sportive, hygiène des cellules, couloirs, promenades) et moralement (par rapport aux aides de sortie, aux aides internes à la prison) et la possibilité de manger boire fumer normalement. Je peux vous assurer qu’on se sent vraiment au bord du gouffre quand on manque de nourriture, de boisson, de télé. Être enfermé, c’est très dur, être enfermé sans rien c’est l’horreur. » Homme prévenu, en maison d’arrêt, détenu depuis 2 à 3 ans

« Mais c’est une utopie, permettre la création de Syndicat, donc de favoriser les consultations et les débats entre administration pénitentiaire et détenus. La prison est une particularité sociétale dans laquelle on doit retrouver les principes fondamentaux de notre république et en particulier la libre pensée, donc la libre parole. »
Homme prévenu, en maison d’arrêt, détenu depuis 3 à 6 mois

« Il faudrait un organisme externe indépendant qui puisse avoir des locaux dans chaque prison pour veiller aux dérapages. » Homme condamné à une peine de 5 à 10 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis 3 ans

« Braver l’opinion publique et expliquer clairement aux Français ce qu’est la prison, à quoi elle sert (ou doit servir), ce qui s’y passe vraiment (demander aux parlementaires d’y venir bien plus souvent !), car ils n’en savent rien : briser l’Omerta ! Faire prendre conscience […] qu’enfermer ne peut conduire qu’au pire. » Homme condamné, en maison centrale, détenu depuis 8 ans

« Il faudrait adresser un rapport chaque année à l’opinion publique sur les prisons. » Homme condamné à une peine de 3 à 5 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis moins d’un an, plus de 15 ans de détention en 15 incarcérations en tout

« Avant de faire de nouvelles lois, il faudrait déjà appliquer les anciennes. » Homme condamné, détenu depuis 6 ans

« … la reconnaissance d’un statut vrai du détenu, un cahier des charges très précis, universel et rationalisé, signé par tous les intervenants, y compris le détenu dès son arrivée. » Homme condamné, en maison d’arrêt, 6 mois à 1 an

« Je souhaite que les mêmes budgets soient attribués à la mise en place de structures de réinsertion que pour le tout-répressif. » Homme condamné à une peine de plus de 10 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis 6 ans

« Je souhaite qu’un avocat puisse intervenir à tout moment quand un détenu a des problèmes avec l’administration pénitentiaire, et à titre gratuit. » Homme prévenu, en maison d’arrêt

« Cesser les informations mensongères qui laissent à penser aux gens de l’extérieur que nous sommes traités comme des “pachas“. » Homme condamné, en centre de détention, détenu depuis 9 ans

« J’ai la chance d’être à Poissy et d’avoir accès aux UEVF. Ce sont des unités de vie qui redonnent espoir aux détenus. Malheureusement, cela ne se fait que depuis deux ou trois ans et dans trois prisons françaises, alors que dans les pays scandinaves, cela existe depuis des lunes. Dans ces mêmes pays, le taux de récidive est moindre parce que c’est un vrai travail qui se fait en prison. C’est un tremplin vers l’extérieur et non un endroit où on punit les gens pour leurs crimes. C’est un endroit de réflexion, d’aide et aussi un endroit de privation de liberté. Donc je pense que l’exemple des pays du Nord serait très bénéfique pour un début de réforme. » Homme condamné à une peine de 5 à 10 ans, en maison centrale, détenu depuis 4 an

« Les parloirs avec la famille sont trop courts. Nous ne pouvons pas appeler la famille entre ces jours de parloir et cela me casse le moral. C’est pour cela que je vous demande si vous pouvez changer ces conditions. Faites vite car je craque et je ne suis pas le seul. Je vous en supplie, faites quelque chose pour cela. Pouvoir appeler dans les maisons d’arrêt. MERCI. » Homme condamné, en maison d’arrêt, détenu depuis 6 mois à 1 an

« Pourquoi des détenus ne seraient-ils pas employés comme animateurs ou formateurs (auprès d’autres détenus). Il n’y a pas que des cons en prison. » Homme condamné à une peine de 3 à 5 ans, maison d’arrêt, détenu depuis 2 ans

« Former des êtres responsables après leur incarcération. Faire prendre conscience à tous les prisonniers qu’une seconde chance leur est accordée. Je suis pour l’idée de faire vivre en communauté les femmes condamnées, mais dans une ferme par exemple, qu’elles vivent de leur travail, leurs récoltes, qu’elles s’auto suffi sent et s’entraident. Je suis pour la création de fermes autarciques. » Femme prévenue, en maison d’arrêt, détenue depuis 1 à 2 ans

« Je voudrais avoir la possibilité de vivre dans la dignité, et non pas dans un chenil SPA comme c’est le cas à l’heure actuelle. Je souhaiterais que les détenus puissent être rapprochés de leur famille, accéder au droit du travail. Je souhaiterais aussi avoir la possibilité de dialoguer avec les représentants de la pénitentiaire, sans la crainte de sanctions punitives. En un mot, il faudrait humaniser le système carcéral et l’assouplir un petit peu. » Homme condamné à une peine de plus de 10 ans, en maison d’arrêt, détenu depuis 3 ans

« Il faut qu’une loi soit enfi n votée au sujet de la durée de l’instruction. Il est anormal que l’on détienne en détention provisoire des personnes innocentes tant que leur culpabilité n’est pas reconnue. » Homme prévenu, depuis plus de trois ans, plus de 20 ans de détention en 15 incarcérations

« Essayez déjà de faire voter le rapprochement familial et après on verra, car tout cela n’aura jamais plus de 3 ou 4 choses d’accepté. Bonne chance, mais il vous en faudra de la chance. » Homme condamné, en maison d’arrêt, détenu depuis 1 à 3 ans

« Les jeunes détenus sont soignés dès leur arrivée. On va s’occuper de leur santé, de leurs carences alimentaires, faire le point de toutes les difficultés qu’ils ont à vivre. Dès leur incarcération on se préoccupe du moment où ils vont être libérés pour que ce soit dans les meilleures conditions. Il importe que, tant qu’ils seront retenus, ils ne s’installent dans aucune dépendance, surtout ils doivent se former à pouvoir affronter la vie à l’extérieur, dans un monde qui on le sait est une jungle. » Homme condamné, en maison d’arrêt, détenu depuis 5 à 10 ans