À l’aube d’un nouvel été qui s’annonce suffocant, les chiffres des incarcérations le sont tout autant. Derrière un énième record battu, ce sont toujours plus de vies brisées, broyées inutilement par l’engrenage destructeur de la prison.
Pour le 20e mois consécutif (à deux exceptions près), les statistiques pénitentiaires dévoilent un nouveau record : 84 447 personnes étaient détenues au 1er juin 2025, pour une capacité opérationnelle de 62 566 places. C’est 766 de plus en un mois, 6 567 en un an, 10 748 en deux. Dans les maisons d’arrêt et quartiers maisons d’arrêt, où se concentrent près de 70% de la population carcérale, les taux d’occupation frôlent les 166 %. 5 842 personnes dormaient sur un matelas posé à même le sol, redoublant l’humiliation de conditions de détention déjà déplorables dans de nombreux établissements.
Et les choses s’aggraveront encore : une projection calquée sur le rythme constaté depuis janvier laisse entrevoir une population détenue avoisinant les 90 000 personnes fin 2025, bien au-delà des 87 000 que le gouvernement envisage pour… 2027.
Cette situation est d’autant plus alarmante qu’elle s’oriente toujours plus à rebours des recommandations qui, de toute part, plaident en faveur d’une déflation carcérale, à l’instar des tendances constatées en Europe. Le 12 juin dernier, cinq ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt J.M.B. c. France, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, chargé du suivi de l’exécution de l’arrêt, appelait une nouvelle fois l’État français « à examiner sérieusement et rapidement l’idée d’introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale ». Cet appel rejoint celui d’un nombre croissant d’institutions – dont le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), ou encore dernièrement l’Inspection générale de la justice (IGJ) – qui toutes s’alarment d’une augmentation exponentielle de la population détenue, que les mesures gouvernementales, loin de la contenir, semblent même aggraver.
Mais alors que l’urgence exigerait un sursaut politique, c’est la frénésie punitive qui l’emporte. Enlisée dans une absence totale de réflexion quant au sens de la peine et aux effets dévastateurs que la prison produit sur les personnes qu’elle détient ainsi que sur leurs proches, la main pénale punit inlassablement plus. Creusant des vides affectifs déjà saillants, renforçant des vulnérabilités socio-économiques déjà profondes, et s’obstinant dans l’illusion d’une réponse carcérale pourtant notoirement inefficace – pour ne pas dire contre-productive.
Face à cette escalade aussi vertigineuse qu’inédite, une question : combien de dizaines de milliers de vies faudra-t-il encore enfermer pour rassasier l’appétit répressif ?
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