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L’(in)exécution des ordonnances de référé-liberté dans le viseur de la Cour européenne des droits de l’homme

Par une décision du 10 mai 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a communiqué au gouvernement français une requête introduite par l’OIP. L'association critiquait les difficultés rencontrées pour obtenir de l’administration l’exécution des injonctions du juge du référé-liberté relatives aux conditions de détention du centre pénitentiaire de Remire-Montjoly.

Dans des recommandations en urgence parues en janvier 2019, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté avait en effet dénoncé la surpopulation de l’établissement ainsi que le caractère inhumain et dégradant des conditions dans lesquelles les prisonniers y sont enfermés. Saisi par l’OIP quelques semaines plus tard, le juge des référés du tribunal administratif de Guyane avait, par une ordonnance du 23 février 2019, prescrit à l’administration de mettre en œuvre plusieurs mesures susceptibles d’améliorer la situation. Il lui avait également enjoint de communiquer à l’OIP, dans un délai de six mois, un bilan actualisé des actions qui auraient été prises en exécution de cette décision. Le 4 avril 2019, le Conseil d’État, saisi en appel, avait cependant infirmé cette dernière injonction, au motif qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de mettre à la charge de l’administration une telle obligation d’information.
Après plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir de l’administration ou du juge des informations actualisées sur l’exécution de la décision du 23 février 2019, l’OIP a décidé de saisir la Cour européenne des droits de l’homme en septembre 2022. Objectif : faire constater la violation par l’État français du droit à l’exécution des décisions de justice, garanti par l’article 6§1 de la CEDH. L’association conteste non seulement le délai excessif pris par l’administration pour mettre en œuvre les mesures visant à améliorer les conditions de détention prescrites par le juge des référés, mais aussi le refus de ce dernier d’obliger les pouvoirs publics à tenir l’OIP informé de l’état d’exécution de ces mesures.

Pour rappel, la Cour avait déjà, dans son arrêt JMB c. France du 30 janvier 2020, critiqué les problèmes entourant l’exécution des ordonnances de référé obtenues par l’OIP. En décidant de communiquer la requête de l’association au gouvernement français, la Cour montre qu’elle reste particulièrement préoccupée par la persistance de ces difficultés. Elle a d’ailleurs pris soin de classer ce nouveau contentieux comme relevant d’une « affaire à impact », c’est-à-dire traitant « d’une problématique nouvelle ou significative dans le domaine des droits de l’homme », d’après la typologie récemment adoptée par la Cour.

Par Nicolas Ferran

Cet article est paru dans la revue DEDANS DEHORS n°119 – août 2023 : Discipline en prison : la punition dans la punition