Édito · par Cécile Marcel
Fin 2019, confronté à une baisse drastique de ses subventions publiques, l’Observatoire international des prisons – section française (OIP) lançait un appel à un sursaut politique et citoyen. Car le manque de volonté des pouvoirs publics à soutenir notre association ne faisait pas seulement peser une menace sur son existence. Il était révélateur de choix politiques qui, en niant l’utilité de l’OIP, cherchent à invisibiliser la cause pour laquelle il se bat. D’une vision de société qui refuse de regarder ses prisons en face et de s’interroger sur leur rôle, leur place, leur pertinence. Une vision aussi qui considère que l’argent public doit être mis au service de la puissance publique et non de l’intérêt général, et ne donne pas toute leur place aux contrepouvoirs, pourtant tellement essentiels à la bonne santé d’une démocratie.
Parmi les nombreuses personnes qui ont répondu à cet appel figure Hugues Jallon, PDG des éditions du Seuil, auteur et éditeur engagé. Ce fut d’abord un coup de fil : « Je voudrais faire quelque chose, et ce que je sais faire, ce que je peux faire, ce sont des livres. » C’est désormais un livre, donc, intitulé Pour que droits et dignité ne s’arrêtent pas au pied des murs, paru ce 18 mars et disponible dans toutes les bonnes librairies. Il réunit les contributions de sept auteurs et autrices : Philippe Claudel, Marie Darrieussecq, Annie Ernaux, Nancy Huston, Maylis de Kerangal, Nathalie Quintane et David Rochefort. Tous, avec leurs mots et leur expérience, y parlent de la prison : ils évoquent sa place dans leur histoire, dans celle des combats militants, dans l’espace géographique. Ils racontent la rencontre, parfois, avec la prison et les hommes qui l’habitent et le stigmate qu’elle laisse sur ceux qui l’ont vécue, encore des années après, souvent pour toute la vie. Ils écrivent aussi les fantasmes qu’elle génère et comment parfois, la réalité dépasse la fiction, même si cette réalité est sordide, ennuyeuse, tout sauf cinématographique… Ils disent enfin la difficulté de parler et de faire parler de la prison, malgré notre devoir citoyen de s’y intéresser parce que « Nous sommes la loi », comme le rappelle Philippe Claudel, et qu’il ne tient qu’à nous qu’il en soit autrement. Car ce livre, s’il correspond à la volonté d’un éditeur, d’écrivaines et d’écrivains, de soutenir l’OIP – l’ensemble des bénéfices de la vente sont reversés à l’association – reflète surtout une ambition collective : celle de se réemparer d’un sujet, la prison, qui reste cruellement absent des débats publics, militants et intellectuels, alors même qu’il interroge profondément notre société. Et de contribuer ainsi à transformer notre intolérance en action.