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Un refus d’obtempérer n’implique pas toujours sanction

Les personnes détenues qui refusent de se soumettre à un ordre du personnel pénitentiaire s’exposent à des poursuites disciplinaires.

Les personnes détenues qui refusent de se soumettre à un ordre du personnel pénitentiaire s’exposent à des poursuites disciplinaires sur le fondement de deux textes différents. L’article R57-7-3 du code de procédure pénale (CPP) réprime d’abord le simple fait de « refuser d’obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l’établissement ». Il s’agit d’une faute de « troisième degré » qui peut être sanctionnée par un placement au quartier disciplinaire d’une durée maximum de sept jours. D’autre part, l’article 57-7-2 du CPP punit le refus « de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ». Pour cette faute du « second degré », la mise au quartier disciplinaire peut atteindre quatorze jours. Et la personne détenue peut faire l’objet d’un « placement préventif » en cellule disciplinaire si nécessaire, dans l’attente de l’engagement de la procédure disciplinaire. Distinguer ce qui relève de l’une ou de l’autre de ces fautes est donc nécessaire pour déterminer la gravité de la sanction prononçable. Dans un arrêt du 15 décembre 2017, le Conseil d’État a apporté sur ce point une précision importante. La Haute Juridiction était saisie par un détenu sanctionné pour avoir refusé d’obéir à la demande d’un surveillant qui l’invitait à regagner sa cellule. Pour l’administration, cette attitude faisait naître une situation de danger. Mettant en avant le « comportement agressif » du requérant « depuis le début de son incarcération », elle estimait que son refus de réintégrer sa cellule était constitutif d’un refus de se soumettre à une mesure de sécurité. Et avait condamné l’intéressé à quatorze jours de cellule disciplinaire. Le Conseil d’État a cependant invalidé ce raisonnement, estimant que « le comportement général du détenu » ne doit pas être pris en compte pour déterminer s’il s’agit d’un refus de se soumettre à une mesure de sécurité ou simplement d’un refus d’obtempérer à une injonction du personnel. Seuls comptent « les faits commis par l’intéressé et le contexte dans lequel ils sont intervenus ». En l’espèce, le requérant avait ici affirmé ne pas vouloir réintégrer sa cellule sans aucune violence physique ou verbale.

Le refus d’obtempérer à un ordre ne constitue pas une faute en cas d’atteinte grave à la dignité

Dans un arrêt du 7 décembre 2017, la Cour administrative d’appel (CAA) de Douai a par ailleurs rappelé que si « tout ordre du personnel pénitentiaire doit [en principe] être exécuté par les détenus », cette obligation disparaît lorsque l’injonction est « manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine » (voir CE, 20 mai 2011, n° 326084). Dans ce dernier cas, le refus d’obtempérer ne peut pas donner lieu à des poursuites disciplinaires. Dans l’affaire examinée par la CAA, c’est le refus d’une personne détenue de retirer ses vêtements lors d’une fouille pratiquée à sa sortie du parloir qui était en cause. Estimant que l’intéressé avait refusé de se soumettre à une mesure de sécurité, la commission de discipline l’avait sanctionné par un placement en cellule disciplinaire de quatre jours. Dans sa décision, la CAA indique que « les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l’application à un détenu d’un régime de fouilles corporelles intégrales répétées ». Mais elle rappelle que le recours à ces fouilles intégrales doit être strictement justifié « par l’existence de suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers ». Or, en l’espèce, la CAA constate que la fouille du requérant résulte de l’application d’une note de service prévoyant que tous les détenus doivent être soumis à une fouille intégrale à leur sortie du parloir et qu’elle n’a donc pas été décidée « en fonction de sa personnalité et de ses antécédents disciplinaires ». Dès lors qu’il n’était pas justifié par le comportement ou les agissements de l’intéressé, l’ordre donné à ce dernier de se dévêtir pour subir une fouille intégrale était donc « manifestement contraire à la dignité de la personne humaine ». Ainsi, le requérant « a pu légalement désobéir à [cet] ordre » et son refus ne pouvait donc pas donner lieu à des poursuites disciplinaires.

Par Nicolas Ferran, Zakia Boudad et Nina Korchi 

CE, 15 déc. 2017, n° 403701
CAA Douai, 7 déc. 2017, n° 16DA00715