Free cookie consent management tool by TermsFeed

Djilali, 16 ans, mort au quartier disciplinaire de Liancourt

Djilali s’est pendu le 28 décembre 2022 au quartier mineur de Liancourt, une semaine avant sa sortie. Il était placé depuis la veille au quartier disciplinaire et tous les voyants étaient au rouge pour indiquer un passage à l’acte suicidaire imminent.

C’est en fin d’après-midi, le 28 décembre, que Djilali, 16 ans, a été découvert pendu avec un drap dans sa cellule disciplinaire, au quartier mineur de Liancourt. Il est décédé à l’hôpital d’Amiens deux jours plus tard, peu de temps avant sa sortie, prévue le 9 janvier. Cet adolescent, déjà suivi par l’Aide sociale à l’enfance et les services éducatifs en milieu ouvert, avait été écroué à Liancourt trois semaines auparavant, pour infraction à la législation sur les stupéfiants. À l’issue de son séjour au quartier arrivants, Djilali avait été affecté en régime ouvert, dit de « responsabilisation », car « il ne faisait l’objet d’aucun signalement particulier et s’investissait en détention », selon la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap)[1].

Le 27 décembre, un incident éclate en cours de promenade. Djilali et deux autres détenus s’en prennent à un quatrième. Remontés en cellule par des surveillants, les jeunes protestent et se mettent à frapper aux barreaux de leurs fenêtres et aux portes des cellules. Alors qu’un agent ouvre celle de Djilali, ce dernier l’aurait poussé, insulté et lui aurait donné un coup de poing. Il est placé le jour même au quartier disciplinaire (QD), où il aurait été vu par un éducateur et par l’officier en charge du QD, sans que son comportement n’appelle d’observation particulière. Selon nos informations, le jeune garçon avait déjà fait une tentative de suicide quelques années auparavant, mais cet antécédent ne semblait pas entrainer une vigilance accrue.

Maintien au Quartier Disciplinaire malgré l’alerte

Le lendemain, l’état psychologique de Djilali s’est considérablement dégradé. À 15h45, selon la Dap, il reçoit la visite du médecin, qui décide de solliciter l’avis du service de psychiatrie. Cinq minutes plus tard, il reçoit celle d’une éducatrice pour un entretien. Il verbalise alors un mal-être profond et menace très clairement de se suicider : « Demain, quand vous reviendrez, je ne serai plus là, je vais me pendre là », aurait-il dit en indiquant les barreaux. Djilali a formulé « un scénario avéré, c’est-à-dire qu’il annonce qu’il va se suicider, mais aussi la façon dont il va le faire. Dans ce cas, les signaux sont au rouge », commente pour l’Observatoire international des prisons (OIP) un professionnel de santé.

Dès la sortie de l’entretien, l’éducatrice alerte les agents et l’unité sanitaire des propos tenus par le mineur. À 16h10, une infirmière psychiatrique se serait rendue sur place. Constatant l’urgence d’une prise en charge médicale, elle aurait joint l’unité sanitaire par téléphone pour obtenir une prescription médicamenteuse. « La réalité, c’est que dans ces cas-là, la première chose qu’on fait c’est de “shooter” les personnes pour les empêcher de se tuer », précise le soignant. Une fois l’ordonnance obtenue, elle se serait absentée afin d’aller chercher le traitement à l’unité sanitaire. Elle aurait également préconisé un placement en cellule de protection d’urgence (CProU) – cellules destinées à accueillir une personne détenue en crise suicidaire aigüe. Mais dans l’attente de la décision de placement, qui revient en principe au chef d’établissement, Djilali est maintenu au quartier disciplinaire – connu pour être un lieu à hauts risques de passage à l’acte suicidaire. La fréquence des rondes effectuées par les surveillants est augmentée, toutes les trente minutes.

La décision de placement en CProU serait intervenue quarante minutes plus tard, à 16h50 et aurait été transmise au gradé en charge du QD afin d’être mise en œuvre. Mais, à 16h52, les surveillants qui effectuent leur ronde découvrent Djilali pendu avec un drap à la grille du sas de sa cellule. Il est transporté inconscient à l’hôpital d’Amiens, où il décède le 30 décembre.

Par Pauline Petitot

Cet article a été publié dans le numéro 118 de la revue Dedans Dehors : Violences conjugales, la prison est-elle la solution ?


[1] Courrier du 27 mars 2023 adressé à l’Observatoire international des prisons (OIP).

Soutenez la diffusion du guide du prisonnier