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Nouméa : les enseignements d’une avalanche de recours

Depuis plusieurs années, le Contrôle général des lieux de privation de liberté et le juge administratif constatent l’indignité des conditions de détention au centre pénitentiaire de Nouméa, qui héberge les personnes détenues dans des containers maritimes. Le juge judiciaire a, lui aussi, récemment été amené à se pencher sur la question. À la connaissance de l’OIP, une vingtaine de décisions ont été rendues sur le fondement du nouveau recours contre les conditions de détention indignes. Il ressort de la plupart de ces décisions que l’indignité de l’hébergement des personnes détenues persiste à Nouméa. Le juge judiciaire relève ainsi l’état de suroccupation des cellules, la présence de nuisibles, le manque de lumière naturelle, l’absence d’intimité et d’aération au niveau des sanitaires, mais également la présence de traces d’ancien incendie de matelas jamais nettoyées, créant « une situation dangereuse, les particules de carbone voire d’autre nature (acide, produit chimique…) […] pouvant entraîner une intoxication respiratoire voire cancérigène, d’autant que les personnes hébergées sont enfermées dans la cellule la majeure partie de la journée »[1].

Dans ces conditions, cinq personnes ont été libérées par la voie de ce recours, après que le juge judiciaire a considéré l’indignité de leurs conditions de détention acquise. En comparaison, l’OIP n’a connaissance d’aucune décision de libération de personnes détenues dans des conditions indignes dans d’autres établissements pénitentiaires, où le transfert est souvent privilégié.

Pour autant, certaines décisions rendues par le juge judiciaire sur la situation du centre pénitentiaire se fondent sur des motifs contestables, voire contradictoires avec d’autres décisions. Par exemple, si le manque d’intimité en raison du défaut de cloisonnement des toilettes a souvent motivé le constat de l’indignité des conditions de détention à Nouméa, dans une décision confirmée par la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Nouméa[2], un juge a considéré qu’« au regard du temps passé hors de sa cellule, [le requérant] n’est pas légitime à invoquer le défaut d’intimité ni les mauvaises odeurs car il a tout le loisir de s’organiser avec son codétenu pour leur accès respectif aux sanitaires »[3].

Surtout, les multiples requêtes contre l’indignité des conditions de détention dans la prison néo-calédonienne ont mis en lumière une carence de la loi. Le juge judiciaire a, au moins à six reprises, constaté que les conditions d’accueil du requérant portaient atteinte à sa dignité, tout en remarquant que la personne n’étant éligible à aucune mesure d’aménagement de peine et ne pouvant être transférée, faute d’autre établissement dans la région, elle devait rester dans les mêmes conditions d’hébergement indignes. Le juge en a conclu que la loi n’ayant prévu « aucune possibilité de libération en cas de constatation de conditions indignes de détention » pour les condamnés non éligibles à un aménagement de peine, elle a « instauré en droit français un recours inefficace pour mettre fin aux conditions indignes » [4].

Par Julie Fragonas

[1] Ord. JAP, tribunal de première instance de Nouméa, 8 septembre 2022

[2] Ord. CHAP, cour d’appel de Nouméa, 12 octobre 2022, n°22/00049

[3] Ord. JAP, tribunal de première instance de Nouméa, 7 octobre 2022

[4] Ord. CHAP, cour d’appel de Nouméa, 12 octobre 2022, n°22/00048

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