Contraindre la femme d’un détenu à se déshabiller pour passer le portique de sécurité et accéder au parloir de la prison est constitutif d’un traitement inhumain et dégradant. C’est en ce sens que le tribunal administratif de Dijon a reconnu la responsabilité de l’État et l’a condamné le 16 mars dernier à verser à Madame J., la requérante, la somme de 2 000 euros.
La scène remonte au 19 novembre 2013. Ce jour-là, Madame J. se présente au parloir de la maison d’arrêt de Nevers pour une visite à Monsieur A., son compagnon incarcéré. À la sonnerie du portique de sécurité, l’agent pénitentiaire en poste demande à Madame J. de retirer dans un premier temps ses bottes, son manteau ainsi que ses bijoux. Ce qui n’empêche pas le portique de sonner une nouvelle fois. « [L’agent] m’a indiqué une pièce attenante et m’a demandé de m’y rendre pour enlever ma robe et mon soutien-gorge », raconte Madame J. « Je suis sortie de cette pièce en collants, culotte, avec mon gilet qui me cachait le haut du corps jusqu’aux hanches. Je me sentais gênée et un peu humiliée » poursuit-elle, expliquant que la pièce en question était remplie de visiteurs. Ainsi dénudée, elle peut enfin passer le portique. Bien que les vêtements ne constituent pas des objets dangereux, le surveillant, entêté, refuse pourtant que Madame J. se rhabille et cette dernière doit poursuivre son chemin en petite tenue. Dans la salle d’attente, elle attend « les jambes serrées et [tire] sur le gilet pour éviter que les gens voient [ses] cuisses ». À la vue de sa compagne si peu vêtue, Monsieur A. « a pété les plombs (…) ; il a fallu l’intervention de plusieurs agents pour le calmer », explique-t-elle. Une colère qui vaudra à Madame J. une suspension de permis de visite de deux mois.
Survenant plus de quatre ans après les faits, la décision du tribunal administratif est salutaire. Cette dernière rappelle que, tout comme pour les personnes détenues, les obligations qui découlent des articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[1] « sont applicables aux visiteurs qui se rendent au parloir eux-mêmes contraints par les règles de sécurité et de contrôle des établissements pénitentiaires ». L’État, reconnu responsable d’avoir soumis Madame J. a des traitements inhumains ou dégradants, a donc été condamné à lui verser la somme de 2 000 euros.
Encadrés par une circulaire aux contours vagues, les contrôles auxquels sont soumis les familles et proches de personnes détenues sont souvent prétextes à des comportements arbitraires de la part des surveillants pénitentiaires. On ne peut qu’espérer que cette décision amène la Direction de l’administration pénitentiaire à définir plus clairement ce cadre. Et permette ainsi des parloirs plus sereins.
[1] L’article 2 de la CESDH consacre le droit à la vie comme liberté fondamentale. L’article 3 interdit aux Etats membres de pratiquer la torture et de soumettre les personnes à des traitements inhumains ou dégradants.